Méditation quotidienne du lundi 6 mai : Que souffle cette absence qu’une vie traverse ! (No 232 – série 2023-2024)

Évangile du lundi 6 mai 6e semaine de Pâques (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« L’Esprit de vérité rendra témoignage en ma faveur » Jn 15, 26 – 16, 4a

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand viendra le Défenseur, que je vous enverrai d’auprès du Père, lui, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur. Et vous aussi, vous allez rendre témoignage, car vous êtes avec moi depuis le commencement. Je vous parle ainsi, pour que vous ne soyez pas scandalisés. On vous exclura des assemblées. Bien plus, l’heure vient où tous ceux qui vous tueront s’imagineront qu’ils rendent un culte à Dieu. Ils feront cela, parce qu’ils n’ont connu ni le Père ni moi. Eh bien, voici pourquoi je vous dis cela : quand l’heure sera venue, vous vous souviendrez que je vous l’avais dit. »

Méditation

L’absence dessine en creux la forme d’une présence. Personne ne dirait que la tour Eiffel (qui se dresse sur les bords de Seine) est absente de Montréal. Cette tour n’a jamais été présente à Montréal, personne ne l’attend en ce lieu. Si nous sentons l’absence du Christ, c’est que Sa présence creuse notre monde. Il y est vivant et actif. Une hymne (« À la mesure sans mesure » du Frère Pierre-Yves) dit ce mystère :

« Dans le tourment de ton absence,

C’est toi déjà, Seigneur,

Qui nous as rencontrés.

Tu n’es jamais un étranger,

Mais l’hôte plus intérieur

Qui se révèle en transparence. » 

Sur le point de quitter ce monde, Jésus s’adresse à ses disciples. Sa présence historique parvient à son terme. Le moment où les pieds du Sauveur pesaient sur la terre en même temps que ceux des apôtres touchent à sa fin. Manger ensemble, monter une tente après une rude journée, rire ou pleurer côte à côte dans un sentiment commun… ce temps si dense atteint sa limite. Comme toutes choses dans l’histoire, il y a une date pour le début et avec une autre date arrive la fin. Cette limite est comprise dans le réalisme de l’Incarnation. « Jésus-Christ (…) fut un bref moment à peine perceptible dans l’histoire du monde. Quelques paroles, quelques actes, et tout est déjà fini. (…) La maigre révélation en paroles et en actes s’ouvre sur les dimensions qui sont confiées au seul Esprit de Dieu. » (1)

Mais, contrairement à ce que la mort signifie pour nous, ce départ de Jésus n’est pas une déchirure irrémédiable, car Jésus ne déserte pas notre monde. Par Son enseignement, Il habitue ses disciples à Son départ qui est une autre étape dans l’histoire du salut. Jésus ne nous laisse par orphelins (Jn 14,18), puisqu’Il envoie un « autre Défenseur qui sera pour toujours avec » nous (Jn 14,16). « Celui que Jésus demande dans sa prière est parfaitement à même de prendre la place de Jésus et ainsi d’empêcher que les disciples deviennent orphelins. Cet Esprit vient du Père et il n’est donc pas moins divin que Jésus. Il remplacera la limitation temporelle de la présence de Jésus par une présence éternelle. Il ne remplace pas Jésus absent, il le rend à nouveau présent. » (2)

La présence de Jésus était circonscrite à un point du temps et de l’espace. Désormais, la vérité de Jésus sera rendue autrement présente par l’action de l’Esprit de vérité. Toutefois, cette présence vraie exige des disciples une douloureuse dépossession. Pour les disciples à venir, pour nous que Dieu fait vivre en 2024, le renoncement est désormais la condition de la rencontre. La relation bute contre un paradoxe : l’absence devient le lieu où trouver la présence du Christ. L’injonction lancée à Marie : « Ne me retiens pas. » (Jn 20,17) étend son application et s’adresse à tous. Comme les disciples d’Emmaüs, dans la détresse de notre vie, nous aimerions nous accrocher à une réalité saisissable de Jésus : « Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse. » (Lc 24,29).  Mais, ce désir de contact est reconduit vers une exigence plus haute. Là où nous ne voudrions pas aller, nous avons besoin de l’Esprit pour nous y conduire (Jn 21,18). « Le don suprême de Dieu, l’Esprit Saint, ne saurait être attendu autrement qu’à travers un renoncement radical : renoncement à la possession du Jésus saisissable, visible, expérimentable. » (3) 

Face aux défis, les disciples avaient pris l’habitude de se tourner vers la présence corporelle de Jésus. Le soir arrive, la foule des auditeurs n’a pas mangé… que faire ? « Déjà l’heure était avancée ; s’étant approchés de lui, ses disciples disaient : « L’endroit est désert et déjà l’heure est tardive. » Déjà, Jésus invitait ses disciples à trouver des solutions sans Lui : Jésus « leur répondit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » » (Mc 6, 35-37). Avec le départ physique de Jésus, le temps du dépouillement est arrivé. Le miracle n’est pas la règle commune de ce monde. Pour les disciples du Christ, une liberté nouvelle se dessine à l’articulation du réalisme du monde et des exigences de l’Esprit. Dans le jeu de la foi, le disciple, rendu inventif par l’Esprit, répond au monde en livrant son témoignage.   

Ce départ de Jésus vers le haut est également une descente de l’Esprit vers le bas de notre vie terrestre. Les disciples « doivent renoncer à Jésus pour recevoir l’Esprit. » (4) Par l’Esprit, c’est à nous de découvrir la présence de Jésus. Comment Se rend-t-il présent à notre vie ? Comment Son absence nous dynamise-t-elle ? L’Esprit nous conduit pour rendre ce témoignage. 

Vincent REIFFSTECK.        vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

Les ouvrages suivants sont tous de Hans Urs von Balthasar :

(1) Cordula, (p.93).

(2) L’Esprit de vérité, (p.71).

(3) L’Esprit de vérité, (p.291).

(4) La vérité est symphonique, (p.102-103).

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