Évangile du lundi 29 avril – 5e semaine de Pâques (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« L’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout » Jn 14, 21-26
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. » Jude – non pas Judas l’Iscariote – lui demanda : « Seigneur, que se passe-t-il ? Est-ce à nous que tu vas te manifester, et non pas au monde ? » Jésus lui répondit : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »
Méditation
Cette page d’évangile aborde la question de l’« enfance spirituelle » : « ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » Au sein d’une prière de louange adressée au Père, Jésus se félicite du mystère que le Père dérobe aux hommes qualifiés par leur savoir pour le révéler aux non qualifiés, « aux tout-petits ». Le grec dit « népios » qui signifie « petit enfant » et désigne les gens « sans instruction » et « non qualifiés ».
La connaissance du Père est remise au Fils et celle du Fils est confiée au Père, de telle sorte que ce mystère est dialogue de l’un à l’autre dans une contemplation lumineuse. Qui pourrait prétendre s’immiscer dans cette conversation divine ? Face à Dieu, qui pourrait présenter ses titres de noblesse pour se hausser à Son infinité ? Qui fournira sa quittance et fera valoir un droit ? Notre mentalité démocratique, si sourcilleuse sur nos droits, a du mal à reconnaître le fossé profond qui sépare notre nature finie, partielle et aveugle de l’immensité divine. Autrefois, le mot de « crainte de Dieu » approchait ce mystère en tâtonnant. Mais, aujourd’hui, ce mot est démonétisé, hors d’usage… inaccessible…
Lorsque Jésus parle à Son Père, Il ne nous laisse pas comme des orphelins sur le bord de la route. Il ne se réjouit de cette intimité avec Son Père que pour nous y introduire : « venez à moi » est une invitation lancée aux disqualifiés que nous sommes. Comment ? Face à cette connaissance de Dieu, suis-je donc « celui à qui le Fils veut le révéler » ? Le Fils déclare qu’Il peut nous révéler ce mystère du Père à la condition que nous nous reconnaissions comme incapables de produire cette connaissance par notre savoir humain. Le mystère de Dieu est livré sans condition de mérite, c’est-à-dire à la condition d’être tout-petit !
Notre ignorance s’imagine qu’être comme les « tout-petits » est une voie ordinaire : un peu d’infantilisme… une dose de simplisme… et la recette serait complète. Pourtant, le psaume 8 nous avertit : « Ô Seigneur, notre Dieu, qu’il est grand ton nom par toute la terre ! Jusqu’aux cieux, ta splendeur est chantée par la bouche des enfants, des tout-petits : rempart que tu opposes à l’adversaire, où l’ennemi se brise en sa révolte. » (Ps 8, 1-3). La louange des « tout-petits » est solide comme un rempart sur lequel l’ennemi de l’amour se fracasse. Le chant que les « tout-petits » adresse à la grandeur du Dieu dont la splendeur parcourt la terre est une arme dans le combat spirituel. Chanter sa vie dans le combat… au milieu des attaques, est-ce si facile ? Le psaume 130 donne l’image de l’enfant reposant sur le sein maternel de Dieu : « Seigneur, je n’ai pas le coeur fier ni le regard ambitieux ; je ne poursuis ni grands desseins, ni merveilles qui me dépassent. Non, mais je tiens mon âme égale et silencieuse ; mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère. » (Ps 130, 1-2). Réalité touchante qui suppose un parcours de vie : dépasser la vanité de l’ambition vide, renoncer à la stérilité du « cœur fier ». Est-ce si facile ?
Finalement, les « tout-petits » présentent aux adultes que nous sommes un chemin de simplification. Comment pouvons-nous renoncer aux faux savoirs que nous accumulons ? Comment ôter les fausses croyances qui obscurcissent nos yeux aveugles ? L’évangile de Matthieu déclare que cette enfance spirituelle est ce que nous avons à « devenir ». Elle est donc placée devant nous : « Amen, je vous le dis : si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. » (Mt 18,3). Il ne faut pas rester enfant, mais « devenir comme les enfants », c’est-à-dire changer pour entrer dans une autre manière de vivre.
Jésus qui nous invite à Le suivre (« Venez à moi ») n’élimine pas nos difficultés qu’Il intègre immédiatement à la démarche de conversion : « vous tous qui peinez sous le poids du fardeau ». Les blessures enfouies depuis l’enfance sont un fardeau bien amer. Combien de fois donnons-nous crédit à ce qui nous asservit ? Dans le désert, épuisés d’attendre Moïse, les Hébreux adorèrent le Veau d’or, ce taureau-enfant hérité des souvenirs de l’esclavage égyptien. Lorsque nous redonnons vie aux mauvaises paroles lancées contre nous, nous reproduisons cet asservissement.
L’enfance spirituelle exige de nous un travail. En effet, courageusement, nous devons devenir les boeufs de l’attelage du Christ et labourer le champ de notre existence : « prenez sur vous mon joug ». Le « joug » désigne cette lourde pièce de bois qui accordait les efforts de deux bêtes de trait. En portant le « joug » du Christ, nous devenons les « disciples » du maître divin. C’est trouver sa place sous ce joug à deux places aux côtés du Christ qui tire le fardeau de notre vie avec nous, à nos côtés et jamais à notre place. Comme Jésus, « doux et humble de cœur », nous allège en dénonçant nos fausses croyances dévalorisantes et nos esclavages, Son « joug est facile à porter ». C’est faire route avec un Sauveur.
Finalement, devenir comme les « tout-petits », c’est devenir « disciples » du Fils qui dit : « Père ! ». Le « Fils » place dans notre bouche le Nom du « Père » pour que nous devenions des « tout-petits » dans l’amour. C’est se désaltérer à une source de montagne par une chaude journée. C’est devenir le cristal translucide, dépouillé de soi, qui se coule dans lumière.
Vincent REIFFSTECK. vincent.reiffsteck@wanadoo.fr
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