Méditation : L’Amour aimant (No 17)

Image par Kleiton Santos de Pixabay

Évangile du mercredi 13 octobre (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Quel malheur pour vous, pharisiens ! Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous !» Lc 11, 42-46

En ce temps-là, Jésus disait : « Quel malheur pour vous, pharisiens, parce que vous payez la dîme sur toutes les plantes du jardin, comme la menthe et la rue, et vous passez à côté du jugement et de l’amour de Dieu. Ceci, il fallait l’observer, sans abandonner cela. Quel malheur pour vous, pharisiens, parce que vous aimez le premier siège dans les synagogues, et les salutations sur les places publiques. Quel malheur pour vous, parce que vous êtes comme ces tombeaux qu’on ne voit pas et sur lesquels on marche sans le savoir. »
Alors un docteur de la Loi prit la parole et lui dit : « Maître, en parlant ainsi, c’est nous aussi que tu insultes. » Jésus reprit : « Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter, et vous-mêmes, vous ne touchez même pas ces fardeaux d’un seul doigt. »

Méditation

J’ai pensé déjà qu’il y avait les Béatitudes bien connues en Matthieu, commençant par « heureux », puis les anti-béatitudes du « malheur » dont nous retrouvons certaines dans le texte d’aujourd’hui. Mais je me trompais, car les deux viennent du Cœur amoureux de Jésus, dans une transparence d’Amour avec le Père. Jésus, évidemment, ne souhaite pas le « malheur », car, en ces mots, Il exprime autant d’Amour filial que dans les Béatitudes.

Jésus, en fait, ne fait que dépeindre le « malheur » de l’humain qui crée le « malheur » de Dieu. Le « malheur » de l’humain, car ce dernier, par ses mauvais choix, cause son propre malheur ou, comme le signifie l’étymologie de « malheur », le conduit à un « sort funeste ». Jésus est bouleversé aux entrailles du malheur que nous nous causons et de celui que nous faisons subir au Père en nous éloignant de Lui.  Dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus rappelle quatre « sorts funestes » que l’humain suscite dans sa propre vie.

Pour le premier « sort », celui de payer « la dîme sur toutes les plantes du jardin » ou, selon la traduction de Chouraqui, de « dîmer » ces plantes (donc de charger la dîme aux autres), nous sommes face à une pratique qui laisse croire que l’Amour, Dieu, pourrait s’acheter ou que notre ciel peut se « gagner ». Mais Dieu ne veut pas de ses offrandes ou de ces sacrifices païens mais la miséricorde, qui est « justice et amour ». Une telle pratique ne peut mener qu’au malheur, car elle vise une fausse image de Dieu, un idole, pour lequel nous devons payer le prix pour ne pas le décevoir. Dieu n’est pas Celui que les pharisiens vendent et que, pour des siècles en Église, nous nous sommes faits les vendeurs. Tous ces mérites à obtenir ou ces faveurs divines à acheter n’ont rien à voir avec ce Dieu Amour qui ne veut que notre amour.

Le deuxième « malheur » tient à ce funeste sort de chercher les premières places, spécialement dans l’Église. Le Pape François a parlé abondamment de la mondanité spirituelle où les valeurs du siècle, ambition, réussite, recherche de pouvoir et de gloire, deviennent les moteurs d’une fausse vie spirituelle. Au bout d’un tel chemin, nous attend qu’une chute dramatique, une perte de nous-mêmes et de Dieu. Le seul chemin qui conduit à Dieu est de suivre le Christ, par Amour, jusqu’à « la dernière place ».

Le troisième « malheur » est terrifiant :  » parce que vous êtes comme ces tombeaux qu’on ne voit pas et sur lesquels on marche sans le savoir « . De fait, quel malheur que d’afficher à l’extérieur des apparences de gloire et d’être à l’intérieur un tombeau vide, vide d’être, de vie, de Dieu, de nous et des autres. Si rien ne signale (« qu’on ne voit pas ») de l’extérieur le drame que vit cette personne, cela n’empêche pas Jésus de saisir la détresse et le vide angoissant qui grugent ces personnes de l’intérieur. Et que dire de ces paroles, « que l’on marche dessus sans le savoir » : ces personnes ont accepté de se laisser piétiner et abolir dans ce qu’elles sont, dans ce précieux de leur identité filiale véritable, pour choisir une richesse extérieure sans valeur.  Quelle folie et quelle détresse !  Nous pouvons comprendre que Jésus est déchiré de voir en nous un tel « malheur ».

Et le quatrième « malheur » ! Quel « sort funeste » de déambuler dans la vie en répandant le fardeau de notre mal sur les autres sans jamais oser le regarder et le toucher du doigt nous-mêmes ! Nous avons peur d’aller voir en nous ce qui est souffrante et blessé et, n’osant pas, notre seul moyen de défense pour s’en protéger est de faire porter le fardeau aux autres. Un exemple connu est cet alcoolique qui terrorise sa famille parce qu’il est lui-même terrorisé par ce qu’il l’habite et, ainsi, incapable de le regarder.

Entre la course extérieure, sous les allures d’un sport extrême, et le vide intérieur avec toutes ses ténèbres, voilà, assurément, un humain qui a perdu conscience d’être le sacrement du divin, le sanctuaire précieux de l’Invisible. Pour nous sortir de ces « sorts funestes », osons entendre en nous du Cœur aimant du Christ l’annonce de ces malheurs humains et divins afin de nous laisser conduire par le regard de Jésus jusqu’à la racine en nous de notre « malheur » et briser le « sort funeste » qui marque notre route ! Acceptons de choisir Jésus comme « chemin » et non plus la route vide de l’abolition de nous-mêmes et de choisir constamment le malheur au lieu du bonheur.

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

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