Méditation quotidienne du samedi 20 avril : Je suis là (No 216 – série 2023-2024)

Évangile du samedi 20 avril 3e semaine de Pâques (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » Jn 6, 60-69

En ce temps-là, Jésus avait donné un enseignement dans la synagogue de Capharnaüm. Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, déclarèrent : « Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? » Jésus savait en lui-même que ses disciples récriminaient à son sujet. Il leur dit : « Cela vous scandalise ? Et quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant !… C’est l’esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas. » Jésus savait en effet depuis le commencement quels étaient ceux qui ne croyaient pas, et qui était celui qui le livrerait. Il ajouta : « Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père. »
À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner. Alors Jésus dit aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. »

Méditation

En priant cette Parole ce matin, s’entête en mon esprit un extrait du livre de la psychanalyste Catherine Ternynck intitulé L’homme de sable (Seuil, 2011). Entre déroute et désarroi, devant la rudesse de la parole du Christ qui engage et dépouille, la défection fait son œuvre. Devant la vérité du manque de foi qui colonise les cœurs, « beaucoup de disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner ». Les rangs sont clairsemés et les pains multipliés traînent sur le bord du chemin. Les Douze abasourdis, se laissent choir, ils assistent impuissants aux départs, aux déceptions, aux refus. Assis par terre, la question s’impose dans leur esprit. Puis, en vérité, elle est formulée, dans le regard du Maître : Voulez-vous partir, vous aussi ?

Quitter une communauté, déserter l’Église en ces temps tourmentés, se faire apostasier, ces gestes de retrait font appel à la raison, aux arguments, à la persuasion. Mais renoncer ou refuser de croire en l’Amour envers et contre tout, à la déraison de la bonté, à l’existence qui va de commencements en commencements au cœur d’une Présence qui se déploie, nous enveloppe et abolit toutes les fins… Renoncer au Christ et cesser de l’accompagner, de se laisser accompagner, c’est renoncer au vivant de la vie et à son dépassement qui nous transporte, nous convertit et nous façonne à sa ressemblance. Ce renoncement, ce refus de la Présence du vivant qui renouvelle tout à partir et à travers soi, c’est le repli sur soi jusqu’à l’évidement pour se contempler sans altérité. Catherine Ternynck exprime si justement cette solitude de l’être avec un soi-même tristement encombrant et qui résonne si souvent au creux de nos accompagnements :

Depuis longtemps, je fais avec ce que je suis. Je modèle mon argile. Je persévère dans mon être. Autant vous le dire, j’ai dû mal avec moi-même. Je suis friable, multiple, contradictoire. Y aurait-il quelqu’un qui puisse m’aider à me rassembler ? Quelqu’un dont le seul regard dirait tu existes ! Mais personne ne voit. Il y a plein de monde autour et personne n’est là (2011, p. 39).

Pour que la Parole déploie son éternité en soi et déplie un chemin de vie, elle doit s’installer dans le sillon de la foi. Un sillon creusé dans la confiance infinie en cet homme-Dieu qui a accepté de se faire crucifier pour venir m’habiter. Pour venir me féconder, venir me façonner comme annonce de son amour pour moi, les autres et tout le créé.

Se relevant debout, dépoussiérant leurs genoux, les Douze s’élancent. Ils partiront témoigner tout en demeurant dans la présence du Ressuscité. D’ailleurs, vers qui iraient-ils, vers qui irais-je puisque le Christ a les paroles de la vie éternelle ? Celles-là même qui éveillent à une plus grande capacité de la vie qui se fait désormais torrent. Celles-là même  qui nous rendent insatisfaits de nos seuls succès mais profondément en joie au contact de la chaleur de cet autre devant soi. De cet Autre en soi dont le regard me fait exister et qui murmure depuis les profondeurs du cœur : Je suis là.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

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