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Le mystérieux et lumineux « Black Wednesday » – Méditation du mercredi 5 mars 2025

No 164 – série 2024-2025

Évangile du mercredi 5 mars Mercredi des Cendres

Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Ton Père qui voit dans le secret te le rendra » (Mt 6,1-6.16-18)

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. Sinon, il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux.
Ainsi, quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner la trompette devant toi, comme les hypocrites qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra.
Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et aux carrefours pour bien se montrer aux hommes quand ils prient. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra.
Et quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu’ils jeûnent. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage ; ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent au plus secret ; ton Père qui voit au plus secret te le rendra. »

Méditation – Le mystérieux et lumineux « Black Wednesday »

En ce jour du mercredi des cendres, je vous propose plutôt hardiment de le renommer selon ma propre traduction personnelle, disons plus théologique que véritablement traductologique : le « Black Wednesday ». L’expression, je le reconnais, peut surprendre, voire même choquer. Mais, permettez-moi d’y apporter quelques éclairages à partir du texte évangélique du jour qui ouvre le carême. Vous conviendrez sans doute avec moi que nous sommes ici en présence d’un lieu commun pour nombre de personnes qui, dans un petit recoin sombre de leur être, envisagent cette journée inaugurant le carême sous le signe de la grisaille, teinte des cendres elles-mêmes. « Tu es poussière et tu retourneras en poussière » (Gn 3,19). Pénitence, repentance, expiation, privation, jeûne, aumône, sacrifice, etc. Pas très réjouissant à première vue, non ? « Black Wednesday », bad day » pourrions-nous conclure ? Or, contre toute attente, il n’en est rien. Je persiste et signe : « Black Wednesday », c’est aujourd’hui une Bonne Nouvelle ! Mais, « comment cela sera-t-il » ? (Lc 1, 34) Voyons cela de plus près…

Vous connaissez sans doute le « Black Friday » de novembre, ce « vendredi fou » des supers soldes d’avant les Fêtes, qui fait succomber plus d’un à la tentation de posséder, au risque inhérent d’être possédé par ce qu’il possède et d’en être encombré. Or, pourquoi ne pas se permettre maintenant la folie de se laisser tenter, avant Pâques, par le « Black Wednesday » pour amorcer avec Jésus-Christ le chemin du carême ! Y succomber, c’est écouter et accueillir ici le divin appel à nous désapproprier/dépouiller de ce qui nous possède et nous réduit en cendre, quel qu’en soit la nature, afin d’être disposés à voyager le cœur plus léger et d’entrer dans la liberté des enfants de Dieu au sein même de la communion trinitaire. Les cendres du « Black Wednesday » rappellent certes notre condition mortelle et pécheresse, mais, bien au-delà de cette fragilité et pauvreté humaines qu’elles symbolisent par la négative, elles font positivement signe en direction du Dieu-Père, source de toute v(V)ie et de toute espérance.

Le message fondamental du carême inauguré en ce « Black Wednesday », ce n’est pas d’abord que nous sommes cendre et poussière, mais que Dieu est Amour, et qu’Il désire nous réconcilier avec lui par l’incarnation-résurrection de son propre Fils (2 Co 5, 20) pour nous ramener à Lui et à la Vie, et nous épouser en notre fragilité au cœur même du mal qui nous afflige : « Maintenant – oracle du Seigneur – revenez à moi de tout votre cœur […] revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment » (Jl 2, 12-13). Ainsi, le « Black Wednesday » ne peut-il pas être envisagé comme le temps du passage en un « Wedd-nes-day », un jour d’épousailles lumineux qui culmine à Pâques et qui fait passer « des ténèbres à son admirable Lumière » ? (1 P 2, 9) Le carême, c’est ainsi l’espace-temps de l’accueil et du décentrement via la prière, le partage (l’aumône) et le jeûne. Ces trois pratiques traditionnelles de la piété juive, également adoptées par le christianisme, sont des moyens privilégiés de mener en vérité et à terme notre identité et notre relation filiales en Dieu par Jésus dans l’Esprit.

Toutefois, elles doivent toujours être subordonnées à l’Amour miséricordieux et au service de l’ê(Ê)tre, afin de ne jamais être détournées et asservies au paraître de l’égo suffisant et idolâtré qui n’est que cendre et poussière, rappelle Jésus dans l’Évangile de jour. Dans cet horizon, le jeûne occupe une place prépondérante. Notons qu’il peut revêtir mille et une formes selon les convoitises qui nous maintiennent enchaînés et distancés de nous-même puis de l’a(A)utre. Le frère Élie de la communauté de la Famille de Saint Joseph renchérit : « Jeûner, c’est faire de la place en nous pour permettre à Dieu de nous rejoindre. Jeûner, c’est aussi reconnaître que le Seigneur est notre unique nécessaire et que tout vient de lui. Jeûner, c’est enfin reprendre conscience que la seule chose qui ne vient que de nous et que nous pouvons présenter à Dieu pour qu’il nous en libère : c’est la pauvreté de notre péché.

Libérés du trop plein de nous-mêmes, nous pourrons alors par la prière rejoindre dans l’intimité celui qui toujours nous précède pour se donner à nous[1] », de telle sorte qu’en retour et puisque « l’amour ne se paie que par l’amour[2] », nous devenions pour les autres ce que Dieu en Jésus-Christ dans la communion de l’Esprit est pour nous : eucharistie. Autrement dit, devenir, dans et par la grâce, don désintéressé offert en partage et mission au saint bénéfice de nos sœurs et frères en humanité, spécialement les plus démunis et défavorisés. En ce sens, le jeûne, la prière et le partage (aumône) prennent des airs de fête et de joie qui réduisent en cendre la tristesse, l’isolement et le désespoir inhérents au mal et au péché qui nous affligent, parce que brûlés au feu du divin Amour.

Donc, béni soit le « Black Wednesday », étincellement lumineux, et le carême qui s’y inaugure. Puissent ces 40 jours te permettre de « vivre ainsi Dieu » (Zundel) dans le secret de ton cœur profond, car il « te le rendra » (Mt 6, 4.6.18) présent ce Ressuscité… Si tu veux bien ouvrir ton cœur, croire à la Bonne Nouvelle, te laisser réconcilié, alors, oui, tu verras la gloire de Dieu. En terminant, laissons monter vers Dieu notre prière, qu’elle contribue à la guérison perpétuelle de notre cœur en chemin vers Pâques :

« Le carême est le moment favorable pour revenir vers Dieu, lent à la colère et plein d’amour. Prions pour que chacun de nous puisse retrouver ce qui donne vraiment sens à la vie : choisir de nous tourner vers le Seigneur et nos frères humains.

Le carême est le moment favorable pour l’aumône, le partage et la rencontre avec les plus petits de notre société. Prions pour que chacun de nous soit attentif à poser des gestes de solidarité, humbles et respectueux.

Le carême est le moment favorable pour la prière et l’écoute de la Parole de Dieu. Prions pour que chacun de nous ouvre l’oreille de son cœur et s’ajuste à la Parole.

Le carême est le moment favorable pour le jeûne et la sobriété. Prions pour que chacun de nous puisse vivre ce dépouillement dans la joie et le renouvellement du cœur libéré de toute convoitise ». (Source : Revue Feu Nouveau)

Bénédiction et union de prière !

Dany Charland – danycharland173@gmail.com


[1] David-Marie Gestalder, « Commentaire d’évangile. Mt 6, 1-6.16-18 », [En ligne] https://homelies-diacres.danielbichet.fr/commentaires/mt6,1.html (page consultée le 22 février 2025).

[2] Cf. Jean de la Croix, CS, str. 9, v. 5.




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