Méditation : La vérité qui nous fait peur (No 19)

Image par Barbora Franzová de Pixabay

Évangile du vendredi 15 octobre (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Les cheveux de votre tête sont tous comptés » Lc 11, 1-7

En ce temps-là, comme la foule s’était rassemblée par milliers au point qu’on s’écrasait, Jésus, s’adressant d’abord à ses disciples, se mit à dire : « Méfiez-vous du levain des pharisiens, c’est-à-dire de leur hypocrisie. Tout ce qui est couvert d’un voile sera dévoilé, tout ce qui est caché sera connu. Aussi tout ce que vous aurez dit dans les ténèbres sera entendu en pleine lumière, ce que vous aurez dit à l’oreille dans le fond de la maison sera proclamé sur les toits. Je vous le dis, à vous mes amis : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, et après cela ne peuvent rien faire de plus. Je vais vous montrer qui vous devez craindre : craignez celui qui, après avoir tué, a le pouvoir d’envoyer dans la géhenne. Oui, je vous le dis : c’est celui-là que vous devez craindre. Est-ce que l’on ne vend pas cinq moineaux pour deux sous. Or pas un seul n’est oublié au regard de Dieu. À plus forte raison les cheveux de votre tête sont tous comptés. Soyez sans crainte : vous valez plus qu’une multitude de moineaux. »

Méditation

Jésus vient de prendre un repas chez un Pharisien (chapitre précédent Lc 11,37-41) et se heurte encore une fois, à l’hypocrisie de son cœur. Il lui reproche d’ailleurs de purifier l’extérieur de la coupe et du plat, sans purifier l’intérieur, gardant un cœur rempli de cupidité et de méchanceté.

Devant l’ampleur de ce mal, Jésus craint pour ses disciples, Il craint que leurs cœurs ne soient contaminés par ce vice odieux et qu’ils ne puissent plus accueillir l’amour de Dieu en toute vérité et toute sincérité. C’est pourquoi, Il s’adresse d’abord à eux devant cette foule immense. « Comme la foule s’était rassemblée par milliers au point qu’on s’écrasait, Jésus, s’adressant d’abord à ses disciples, se mit à dire : Méfiez-vous du levain des pharisiens, c’est-à-dire de leur hypocrisie. »

Les pharisiens, qui occupaient des hautes fonctions dans la hiérarchie ecclésiale de cette époque, cherchaient toujours à paraître sages aux yeux des autres, tout en méprisant la vérité et la justice, ils étaient corrompus et malhonnêtes. À cause de leur mauvais levain, ils étaient gonflés de l’extérieur et pourris de l’intérieur. Un tel levain d’orgueil pouvait facilement faire gonfler aussi les disciples.

Ce comportement hypocrite des pharisiens, cette spiritualité de l’apparence nous amènent à penser aux scandales des abus sexuels au sein de l’Église, à tous ces représentants du Christ qui prêchent la pureté et la miséricorde et qui mènent une vie corrompue en secret, une double vie.

Si l’hypocrisie est particulièrement détestable au sein de l’Église, elle ne l’est pas moins ailleurs. Elle peut s’infiltrer en nous et être très présente dans notre vie. Son piège peut aussi s’enfermer sur chacun(e) de nous.

Hypocrisie ? Nous? Jamais! Nous sommes bien fragiles souvent pour nous remettre en cause et regarder notre vrai visage : « tout va bien dans ma vie, allez plutôt sonner chez le voisin, lui a vraiment besoin de la grâce de Dieu »

Mettons-le autrement, définissons notre hypocrisie comme « une peur de la vérité » tel que le pape François l’a suggéré.

Nous le savons tous, qu’il nous est parfois très difficile, dans nos milieux de vie ou dans nos milieux de travail, d’être vraiment nous-mêmes, de dévoiler réellement ce que nous sommes, nos vraies valeurs et pensées. Nous risquons de très gros ennuis, nous risquons d’être exclus, rejetés, ridiculisés, humiliés, catégorisés, nous risquons même de perdre notre place. Alors nous cachons ce qu’on est vraiment, pour gagner et garder l’estime, voire l’admiration des autres. Une certaine « hypocrisie », même pas volontaire, par laquelle on croit garantir notre sécurité.

A force de se protéger sous nos masques, on a du mal à retrouver notre vrai visage. On peut ainsi s’habituer à nos faux semblants, et s’y enfermer doucement comme l’ont fait les Pharisiens. Pire encore, nous critiquons et jugeons les autres, sur des valeurs que l’on n’a pas soi-même.

Il me vient à l’esprit la réponse de mon époux à l’un de nos amis, qui lui avait demandé une fois comment il faisait pour donner une bonne éducation à nos enfants. Mon époux avait répondu : « Je commence par m’éduquer moi-même, afin que mon agir et mon dire soient cohérents. Je ne peux pas demander à mon enfant de bien agir si moi-même je ne le fais pas ».

« Je vous le dis, à vous mes amis : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, et après cela ne peuvent rien faire de plus. Je vais vous montrer qui vous devez craindre : craignez celui qui, après avoir tué, a le pouvoir d’envoyer dans la géhenne. Oui, je vous le dis : c’est celui-là que vous devez craindre ».

L’hypocrisie (celle des autres ainsi que la nôtre) peut engendrer un mal qui est capable de ravager notre terre intérieure. Ce temple sacré en nous peut être ravagé par les violences, les abus, les abandons, les humiliations, les peurs, les mensonges…si bien que la Vie est menacée en nous. Nous souffrons alors de maladies spirituelles qui créent des infarctus dans notre cœur profond, des zones nécrosées où le souffle de l’Esprit ne peut plus circuler; notre âme s’arrête de respirer Dieu, nous risquons la mort éternelle.

Lorsqu’on est privé de cette Présence en nous, lorsqu’on a perdu notre identité, lorsqu’on n’a plus accès au Royaume de Dieu, nous nous retrouvons alors dans la géhenne, dans l’enfer ; notre vie étouffe de ne pas pouvoir respirer la Vie.

C’est pourquoi Jésus nous met en garde contre le vrai mal que nous devons craindre, celui qui peut nous priver de Dieu, qui peut nous envoyer dans la géhenne.

Nous avons peur de la vérité et cependant, « Seule la vérité nous rendra libre ».(Jean 8, 3).

Mais c’est quoi la vérité ? Est-ce qu’elle est une science que nous pouvons maîtriser ? Une liste de règles morales bien cataloguée que nous pourrions consulter au besoin ? Est-ce que ce sont nos connaissances, nos multiples diplômes et titres, notre statut social, notre poste haut-placé, notre compte bancaire… qui nous permettrons de détenir la vérité ? qui nous rendront libres ?

Malheureux sommes-nous, si notre vérité est une chose, si notre liberté est une chose. Nous serions enfermés à jamais dans une boite à formules, écrasés, inertes, brisés, dominés.

Nous sommes enfants de Dieu, créés à Son image, notre vérité ne peut être que lumière, notre liberté ne peut être qu’infinie.

La Vérité est vivante, elle parle à l’intérieur de nous dans une intimité aimante, elle nous communique la vraie connaissance qui nous rend libre de tout esclavage et de toute captivité. Elle nous unifie à notre vraie identité filiale, elle nous permet de naître de nouveau, à l’opposé de l’hypocrisie qui nous disloque de l’intérieur, qui détruit en nous la voie vers notre Origine en Dieu et du fait même, tue l’enfant filial que nous sommes avant même qu’il ne naisse.

Zundel disait : « la Vérité est Quelqu’un, elle est une Personne » !

C’est cette Présence à l’intime de notre être, qui fonde notre Royaume intérieur, le Règne de Dieu en nous.

La vérité ne peut pas se déployer si elle ne sort pas de l’obscurité des ténèbres. La Vie ne peut pas croitre et être féconde si elle n’est pas placée dans la lumière.

Nous sommes des enfants de lumière, nés de la nature même de Dieu ; pour incarner notre vraie identité, notre vie a constamment besoin de rester enracinée dans celle de Dieu, nous ne pouvons pas vivre dans les ténèbres.

« Voici le message que nous avons entendu de la bouche de Jésus-Christ, et nous vous l’annonçons : Dieu est lumière, en lui, il n’y a pas de nuit. Nous disons peut-être : nous sommes unis à Dieu. Mais si, en même temps, nous marchons dans la nuit, nous mentons et nous ne faisons pas sa volonté. Dieu est dans la lumière. Alors, si nous aussi, nous marchons dans la lumière, nous sommes unis les uns aux autres, et le sang de Jésus, son Fils, nous purifie de tous les péchés. » (1 Jean 1.5-7)

« C’est pourquoi tout ce que vous avez dit dans les ténèbres sera entendu dans la lumière, et ce que vous avez prononcé à l’oreille dans les chambres sera proclamé sur les toits »

Jésus nous invite à ne pas avoir un langage hypocrite, à ne pas parler juste pour flatter l’opinion publique, à ne pas dire ce que les autres voudraient entendre. Il nous encourage à parler vrai, à être vrai, à ne pas craindre les réactions et les rejets, à ne pas se cacher mais à parler ouvertement, sur les toits. « Que votre parole soit oui, oui, non, non ; ce qu’on y ajoute vient du malin. » (Mt 5, 37).

Il ne s’agit pas de jouer un personnage mais de devenir une personne, il ne s’agit pas de jouer au chrétien mais de le devenir en union avec le Christ. Le courage pour témoigner ne dépend pas de nos forces, dit Jésus. Il vient de de la force de l’Esprit que le Père vous enverra en mon nom (Jean 16,33 ; Actes 23,11).

Soyons unifiés en nous-même, unifiés en notre identité profonde, n’obstruons pas la lumière de cette Présence en nous, laissons-là témoigner de la Vérité qui nous habite.

À la fin de ce texte, Jésus nous enlace avec un amour maternel et une immense tendresse, Il nous rassure en nous livrant une des plus bouleversantes et des plus magnifiques vérités que nous pouvons recevoir : « pas un seul n’est oublié au regard de Dieu. À plus forte raison les cheveux de votre tête sont tous comptés. Soyez sans crainte : vous valez plus qu’une multitude de moineaux »

Quelle extraordinaire révélation à se savoir aimés à ce point que même nos cheveux, ce qu’il y a de plus banal, sont comptés !

Ne craignez pas. (Lc7,32) Que votre cœur ne se trouble pas (Jn14,1-27). Quel appel à l’abandon entre les mains du Père !  

Dieu nourrit même les oiseaux, Il habille même les fleurs. Comment pourrait-Il nous oublier ?

N’ayons plus peur de la Vérité, de notre vérité. Et si sur la route nous avons quand même peur, sachons que cette peur-là est bienheureuse parce qu’elle est occasion de nous enraciner plus profondément dans l’amour du Père. Cette peur là nous jette dans les bras de Dieu.

Gladys El Helou

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