No 173 – série 2024-2025
Évangile du vendredi 14 mars – 1re semaine de Carême
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Va d’abord te réconcilier avec ton frère » (Mt 5, 20-26)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Je vous le dis : Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, et si quelqu’un commet un meurtre, il devra passer en jugement. Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement. Si quelqu’un insulte son frère, il devra passer devant le tribunal. Si quelqu’un le traite de fou, il sera passible de la géhenne de feu. Donc, lorsque tu vas présenter ton offrande à l’autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande, là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande. Mets-toi vite d’accord avec ton adversaire pendant que tu es en chemin avec lui, pour éviter que ton adversaire ne te livre au juge, le juge au garde, et qu’on ne te jette en prison. Amen, je te le dis : tu n’en sortiras pas avant d’avoir payé jusqu’au dernier sou. »
Méditation – Tenir nos repères
« Have mercy! » « Ayez de la compassion! »
Alors que les perturbations s’accumulent et que notre monde prend chaque jour davantage les allures d’une mer tumultueuse, les paroles de l’évêque épiscopalienne de Washington resurgissent comme un écho prophétique. Le regard serein mais déterminé qu’elle adressa aux nouveaux maitres du monde à peine entrés en fonction, nous revient telle la lueur d’un phare qui persiste entre les bourrasques. Tenir fermement nos repères d’humanité, voilà qui constitue plus que jamais un impératif fondamental dont dépend la cohérence même de notre foi.
La dénonciation de l’insulte et de la violence verbale est au cœur de ce passage de l’Évangile qu’on vient d’entendre et qui est tiré sur Sermon sur la montagne. Les spécialistes de la Bible ont qualifié ce texte d’antithèse, car Jésus y met en opposition sa conception de la justice à celle des scribes et des pharisiens. Évidemment, Jésus ne récuse pas l’interdiction du meurtre inscrite dans la Loi de Moise. Mais il en montre l’insuffisance ; « il en rehausse le seuil », disait un exégète. Il insiste pour dire qu’on peut aussi tuer par l’insulte, qu’on peut assassiner les gens de l’intérieur par la violence du langage. Et l’histoire ne manque d’ailleurs pas d’exemples où l’un a mené à l’autre; où le mépris a préludé au meurtre.
Dans le contexte d’un climat collectif qui s’est considérablement dégradé, face aux médias sociaux qui carburent librement à la médisance et à la calomnie, s’affirment maintenant les discours impitoyables d’hommes publics qui sous-entendent à peine qu’il y aurait deux types d’êtres humains : d’une part les élus, ceux qui appartiennent au clan des gagnants et d’autre part les nuisibles, ceux qui contaminent le sang des nations, ceux qu’on peut pilonner sans pitié puis expulser de leurs terres pour en faire une station balnéaire. Prophétique lui aussi, le pape François a récemment rappelé sans détours, parlant des immigrants, ce repère évangélique essentiel à ne jamais perdre de vue : le « frère » ce n’est pas uniquement le membre de ma famille, mon voisin immédiat, mon compatriote. Tout être humain est mon frère parce qu’il porte en lui l’image de Dieu. Parce qu’il est un être unique, il est digne de ma compassion.
« …laisse ton offrande, là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère… ». Jésus n’hésite pas à subordonner le culte religieux au respect de l’humanité de l’autre. Une religion ou une spiritualité qui prétend viser le ciel sans d’abord engager ses adhérents dans un processus d’humanisation du monde n’est qu’une insignifiante mascarade cérémonielle. Le théologien et mystique Maurice Zundel disait que « croire en Dieu, c’est croire en l’humain ». Dans nos moments d’intériorisation, lorsque nous nous sentons happés par le tournis du monde et que le besoin de nous recentrer émerge, c’est là un repère auquel il sera essentiel de revenir fréquemment afin ne pas perdre le nord.
Michel Rondeau – mikeround62@gmail.com

DROIT D’AUTEUR
La méditation peut être partagée à toutes et à tous, en tout ou en partie, mais le nom de l’auteur et l’indication du centre le Pèlerin avec l’adresse du site (www.lepelerin.org) doivent être inscrits, car les droits d’auteur demeurent. Merci de votre compréhension.