No 25 – série 2024-2025
Évangile du jeudi 3 octobre – 26e semaine du Temps ordinaire
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Votre paix ira reposer sur lui » Luc (10, 1-12)
En ce temps-là, parmi les disciples le Seigneur en désigna encore 72, et il les envoya deux par deux, en avant de lui, en toute ville et localité où lui-même allait se rendre. Il leur dit : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin. Mais dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : “Paix à cette maison.” S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous. Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l’on vous sert ; car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison. Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis, mangez ce qui vous est présenté. Guérissez les malades qui s’y trouvent et dites-leur : “Le règne de Dieu s’est approché de vous.” Mais dans toute ville où vous entrerez et où vous ne serez pas accueillis, allez sur les places et dites : “Même la poussière de votre ville, collée à nos pieds, nous l’enlevons pour vous la laisser. Toutefois, sachez-le : le règne de Dieu s’est approché.” Je vous le déclare : au dernier jour, Sodome sera mieux traitée que cette ville. »
Méditation – La paix, cet être-là
Ce matin, le Christ nous éclaire sur la nature adhésive et divine de la paix. La paix va et vient en amitié comme le Souffle. Se déposant sur celui ou celle qui l’accueille, s’envolant lorsque cet accueil manque, fait défaut par la colère, s’envole devant l’anxiété obèse qui s’installe à demeure. Que rien ne te trouble mon cœur… La paix est sans doute en ce monde et pour le monde, le bien le plus recherché. En cette époque fatiguée, qui nous éparpille dans l’exigence de réaliser son plein potentiel, qui nous use sous l’injonction de s’accomplir, la paix devient moment cher payé plutôt que condition essentielle de l’éternité qui nous habite. Être indispensable en cette société jusqu’à vouloir se supprimer lorsque nous sommes âgés, se reconnaître comme fardeau malgré la vie donnée. Être à tout prix, jusqu’à être en dehors de soi pour courir tous les regards approbateurs, guettant la dépréciation, guetté par la dépression.
Qui dit paix, entend vacances, retraites, congé plutôt que ciel étoilé, foi vivante et mains jointes. Malade de vivre, nous le sommes par l’amas de désirs inaccomplis qui grugent. Il semble tant manquer à notre bonheur lorsque nous nous présentons en accompagnement spirituel pour une première fois. Nous n’engendrons plus la vie, nous enfantons alors des rêves et confondons le désir de demeure de Dieu avec celui de nos conquêtes incessantes. Toute descente en rappel vers notre cœur profond, débute avec un « c’est assez ». Accueilli et exploré puis approprié, le « c’est assez » se mue avec humilité en sérénité grâce à la cohérence des choix qui s’installent, grâce à la résonance du Souffle qui nous parle. L’apaisement des désirs qui se dissolvent jusqu’à se laisser désirer, se laisser emporter par le désir de Dieu pour soi. Désir de douceur, de pauvreté, désir d’amour qui demeure comme une texture d’infini tapissant notre cœur. La paix vient alors se reposer sur soi, Je vous donne ma paix… Le chemin se poursuit et l’être-accompagné devient alors être-accompagnateur. Je porte la paix donnée pour permettre à Dieu de naître en moi, en l’autre, en relation. À travers la paix, j’enfante le vivant, à travers l’accompagnement, j’engendre la vie et transmets le besoin secret de Dieu.
Malgré toutes mes tentatives, mes trophées et mes efforts, je ne serai jamais parvenue à rêver à une telle mesure. Moi qui dans la paix du Christ et la présence de Dieu, tranquille et rayonnante devant toi, je guéris l’inguérissable, j’exorcise le mal et donne une paix que je ne peux contenir. Cette vérité, j’en fais l’intime expérience devant un visage ridé qui sourit, une enfant qui s’enfuit, un ciel qui s’illumine. La paix ne s’achète pas, la paix ne se possède pas, elle n’est pas temporelle. Elle est la respiration de Dieu, elle est son désir et son besoin même au cœur de ce qui n’est plus lumineux, de ce qui est aussi sombre que la guerre, aussi noir que la haine. La paix est le besoin de Dieu, l’espérance son désir, la foi son accomplissement.
Etty Hillesum l’a parfaitement traduit. Dans la profondeur des enfers des camps et des cœurs des croyants où se terrait Dieu mais aussi en plein cœur de son désir lumineux, elle promet : « Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi… ». Citant Etty, Isabelle Le Bourgeois, religieuse, psychanalyste et aumônière nous appelle à cette paix, désir d’espérance et besoin amoureux de Dieu : « L’amour qui nous a accomplit est celui du Dieu des abîmes qui est là, avec nous, jusqu’à la fin des temps. L’être-là de Dieu est l’espérance. Notre être-là dit cette espérance (Dieu des abîmes, Albin Michel, 2020, p. 183).
Barbara Martel – bmartel@lepelerin.org
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