Évangile du Vendredi 5 mai 2023 – 4e semaine du Temps pascal (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » Jn 14, 1-6
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : “Je pars vous préparer une place” ? Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi. Pour aller où je vais, vous savez le chemin. » Thomas lui dit : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment pourrions-nous savoir le chemin ? » Jésus lui répond : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. »
Méditation
Qui est l’Homme? Mystère de sa naissance et de sa mort, toujours insaisissable! Vertige de l’amour, des relations, des aspirations et des désirs! qu’est-ce que cette réalité humaine au milieu de l’univers, vers où s’en va-t-elle? Saint Thomas d’Aquin disait que l’homme aspire principalement à deux choses : la connaissance de la vérité et la conservation de son être.
Je ne prétends guère enjamber le travail de la science, ni celui de la philosophie ou même les concepts de la théologie, mais je désire plutôt plonger dans le cœur humain qui reste dans une quête effrénée de Sens et de Vie, une quête sans relâche de relation. Lorsque nous vivons une relation profonde d’amour, d’amitié ou de communion, nous sommes projetés dans l’instant vers une sorte de devenir éternel qui va au-delà de nos questions immédiates[1]. Subitement, l’existence revêt un sens, sens comme signification, sens comme direction. Heureusement qu’il y a des espaces dans notre vie qui donnent sens, mais il reste encore beaucoup de lieux de non-sens comme la maladie, la violence… Seul Jésus peut nous révéler le sens beaucoup plus profond à ce qui donne déjà sens dans notre existence et nous ouvrir la voie à pouvoir donner sens à ce qui n’en a pas. Le sens ultime de l’existence humaine est que nous sommes appelés à devenir Dieu et seul le Christ révèle qui est l’homme et qui est Dieu[2]« vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi ». A travers Jésus, Dieu nous fait pénétrer dans Son mystère et dans celui de notre humanisation jusqu’à sa plénitude divine. En Jésus homme, l’humanité prend la direction de la divinité, l’épouse et s’unifie complètement à elle. Jésus s’est incarné non pas tant pour nous inventer des chemins que pour devenir Lui-même chemin; chemin qui ouvre notre existence sur l’infini de Dieu et nous révèle le sens de notre propre existence en Lui, « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. » Ce sens ne peut s’éprouver et se révéler qu’au sein d’une relation d’Amour avec Lui, une relation dans et avec la Vérité.
« Le Père et moi, nous sommes UN » (Jn10,30), « nul ne va au Père sans passer par moi » (Jn 14,6) Jésus annonce un chemin et un terme, le chemin c’est Son humanité et le terme c’est Dieu[3]. Cet itinéraire que nous propose Jésus doit forcément passer par un chemin intérieur, partir de ce que nous sommes et de là où nous sommes, de notre contexte qui peut avoir pour chacun.e une couleur particulière. Et dans cet itinéraire intérieur, notre désir de Vie part d’une certaine absence, absence d’amour, de paix, de joie, un vide insatiable ou encore absence de sens lorsque nous prenons conscience de tous nos chemins de mort, d’aliénation et d’esclavage en regard de notre passé, notre entourage, nos pulsions etc… Jésus se trouve justement là, dans toutes nos absences et nos vides pour nous dire : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé ». Nous ne sommes point des êtres abandonnés à la désespérance mais des êtres habités par la Présence, cependant il nous faut choisir de ne pas s’enfermer dans le refus et l’absence, choisir de puiser à la Source et de se laisser envahir par le Rayonnement de l’Éternel en nous.
Jésus vient nous rejoindre là où nous sommes, dans le creux de notre monde, afin que nous puissions le rejoindre là où Il est, dans la maison de Son Père, où Il nous prépare à chacun.e une place. « Je pars vous préparer une place ».
« Je suis la Vérité ». Plus nous vivons en relation et de la relation avec Jésus et plus la Vérité pousse et grandit en nous. Nous devenons alors son terreau, nous n’en sommes pas la source mais la terre fertile qui l’accueille et lui permet de se révéler. Quelques soient nos erreurs, nos limites et nos blessures nous aurons la possibilité d’adhérer à la vérité en nous, d’être vrai, d’être Un avec ce que nous sommes réellement.
« Je suis la Vie ». Ne peut mourir en nous que ce qui est mortel, Sa Vie continuera éternellement en nous. Il est la Vie, et en Lui je vis et donc je suis, mon être existe dans l’Être.
Il n’y a pas d’autre itinéraire pour aller au bout de soi, que soi-même et le terme de notre chemin reste toujours l’Autre, qui est le commencement du chemin éternel pour nous. L’inachevé.e que chacun.e de nous est, ne trouve son accomplissement qu’en prenant le chemin de l’Autre, Celui qui est venu accomplir et non abolir, le Je Suis qui est venu nous apprendre à devenir des je suis éternels.
Puissions-nous prendre ce Chemin qui est le Christ, avancer sans jamais s’arrêter, se laisser rejoindre afin de Le rejoindre, se laisser modeler, sculpter de l’intérieur pour que se creuse en nous un chemin qui nous mène vers ce que nous sommes appelés à être, et afin de devenir pour les autres, chemin de Dieu vers leur terre sacrée.
Puissent tous les Je Suis du Christ devenir des chemins vers notre je suis profond et essentiel.
Gladys EL Helou (gladyshelou@gmail.com)
[1] Abbé Jean-Pierre Longeat dans méditations d’un moine sur le désir d’être heureux.
[2] François Varillon, Joie de croire Joie de vivre, p.20
[3] Inspiré des écrits de Thomas d’Aquin
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