No 159 – série 2024-2025
Évangile du vendredi 28 février – 7e semaine du temps ordinaire
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Ce que Dieu a uni, que personne ne le sépare ! » (Mc 10, 1-12)
En ce temps-là, Jésus arriva dans le territoire de la Judée, au-delà du Jourdain. De nouveau, des foules s’assemblèrent près de lui, et de nouveau, comme d’habitude, il les enseignait. Des pharisiens l’abordèrent et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » Jésus leur répondit : « Que vous a prescrit Moïse ? » Ils lui dirent : « Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. » Jésus répliqua : « C’est en raison de la dureté de vos cœurs qu’il a formulé pour vous cette règle. Mais, au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! »
De retour à la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau sur cette question. Il leur déclara : « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre devient adultère envers elle. Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre, elle devient adultère. »
Méditation – Mettre à l’épreuve
J’entre en moi-même et je prends le temps de visualiser cet épisode de l’Évangile. Je vois Jésus qui enseigne; je me représente les gens qui l’entourent et qui sont attentifs à ses paroles. Puis, je note l’entrée en scène d’un petit groupe d’hommes qui se démarquent du reste de la foule par leurs atours et par leurs comportements. À leur approche, je constate une réaction mêlée de crainte et de révérence qui se répand dans la foule. Ce sont des pharisiens, des spécialistes de l’interprétation et de l’enseignement de la Loi. Ils s’approchent de Jésus et se mettent à le questionner, à tenter de le « mettre à l’épreuve ». J’observe leur attitude. Je prête attention à leur parole, au ton de leur voix. Je pose mon regard sur Jésus et je remarque sa réaction.
Arrêtons-nous un moment pour méditer les paroles qu’utilise l’évangéliste quand il décrit l’interaction entre les pharisiens et Jésus. « Ils cherchèrent à le mettre à l’épreuve », nous dit-il. Certaines traductions diront même: « à lui tendre un piège ». De nouveau, je tourne mon regard vers l’intérieur. Que signifie un tel stratagème selon moi? M’est-il arrivé de l’avoir vu s’exercer? Peut-être en ai-je moi-même déjà été victime?
On en conviendra. Les interactions personnelles qui s’engagent avec l’intention préméditée d’accumuler des preuves contre quelqu’un pour l’incriminer ont bien peu de chance de favoriser une rencontre vraie et authentique. Nous l’avons quotidiennement sous les yeux et nous ne l’expérimentons malheureusement que trop souvent au milieu du climat de polarisation sociale qui sévit dans le monde actuel. Considérer l’autre comme un ennemi idéologique à débouter, être à l’affût de son moindre faux pas, cela exclut la possibilité d’un échange basé sur l’écoute, la connaissance mutuelle et la recherche commune de la vérité, mais pave bien plutôt la voie à une condamnation. C’est d’ailleurs ce que Marc veut nous signifier dans ce texte: le procès de Jésus a déjà commencé avec cette escouade de pharisiens.
S’il est un autre élément qui retient notre attention quand on regarde ce texte de plus près, c’est le clivage entre l’approche des pharisiens et celle de Jésus face à cette question des relations conjugales. Nous nous trouvons ici devant deux cadres de référence qui renvoient à des visions radicalement différentes des rapports aux autres et, ultimement, à Dieu. Les premiers se meuvent à l’intérieur de paramètres légalistes. Pour les pharisiens en effet, la religion est avant tout une affaire de conformisme centrée sur le respect des normes et des devoirs du culte. C’est à l’aune de tels barèmes qu’ils « le mettent à l’épreuve ». Jésus, pour sa part, se meut dans un tout autre registre. Au long des récits évangéliques, la préoccupation première et récurrente de son message consiste à visibiliser le Royaume qu’il présente comme la réalité dynamique et libératrice de la présence divine agissant déjà au cœur du monde. Tous et toutes sont convié.es à participer à son expansion en pratiquant les valeurs d’amour, de justice, de paix et de pardon qui le caractérisent. Or, c’est précisément cette mise en avant des valeurs du Royaume qui soutient ici les propos de Jésus sur le divorce. Dans le contexte de l’époque, où les femmes vivaient sous la menace constante d’être aléatoirement répudiées par leur mari, les paroles de Jésus sur l’interdiction du divorce sont à considérer d’abord et avant tout comme une prise de position contre la précarité et l’injustice qui les maintenaient dans la soumission.
Ironiquement, déliées de ce contexte, les paroles de Jésus dans ce passage ont elles-mêmes souvent servi à « mettre à l’épreuve ». On les a instrumentées dans le but de prendre en défaut et d’exclure celles et ceux dont les relations conjugales ne correspondent pas à un modèle normatif. Les pasteur.es et les gens qui sont engagé.es dans l’accompagnement spirituel et l’écoute des personnes savent bien qu’ils et elles doivent d’abord et avant tout se situer dans une posture d’accueil qui considère chaque situation de vie comme unique, inédite et comportant mille nuances. Leur pratique démontre que d’appliquer des lois de conformités rigides ne conduit pas à la croissance du Royaume en chacune et chacun. Cela mène tout au plus à un verdict.
Michel Rondeau – mikeround62@gmail.com

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