Évangile du Vendredi 26 mai 2023 –7e semaine du Temps pascal (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Sois le berger de mes agneaux. Sois le pasteur de mes brebis » Jn 21, 15-19
Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade. Quand ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes agneaux. » Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le pasteur de mes brebis. » Il lui dit, pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut peiné parce que, la troisième fois, Jésus lui demandait : « M’aimes-tu ? » Il lui répond : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis. Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. » Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Sur ces mots, il lui dit : « Suis-moi. »
Méditation
En ce vendredi fleuri, nous soulignons l’anniversaire du Saint de la joie, Philippe de Néri, celui qui traversa les remous de la Réforme au XVIe siècle, sourire au cœur et fleur entre les dents. À l’exemple de Socrate, il déambulait dans Rome et ses ruelles sans attache institutionnelle. Il s’adressait paraît-il aux jeunes en leur lançant : « Quand commencerons-nous à faire le bien ? »[1] Il ne ferait probablement pas différemment aujourd’hui. Amoureux fou du Christ, il se soucia des malades et des pèlerins, exaspérait ses supérieurs avec ses facéties, jouant avec ses clés pendant la messe mais faisait la joie de ses contemporains, tellement qu’il gagna le surnom du deuxième apôtre de Rome. Avec lui, pas d’enseignement éclatant ni d’honneur reluisant, seulement une cordialité qui détonne jusqu’à devenir charisme. Loin d’une formule trahissant une politesse refroidie, la cordialité signifie l’ouverture du cœur et l’amitié. Une cordialité comme un cœur donné sans retour et partagé avec les autres saints en même temps desquels il sera béatifié, Saint Ignace de Loyola, Saint François Xavier, Sainte Thérèse d’Avilà.
L’Évangile de ce matin fraye un chemin entre l’ouverture du cœur et l’amitié quand le Christ pose la question qu’aucun Dieu n’a jamais posé à une âme de notre condition : « Simon de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? ». Quand le Christ ouvre son cœur à celui qui l’a renié, trois fois plutôt qu’une, il emploie, dans la traduction grecque, le verbe agapao, aimer malgré, avec miséricorde. Pierre lui répondra avec le verbe phileo, aimer en amitié, ce lien social et affectueux. « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime en ami » (trad. F. Boyer, 2020). Peut-être Pierre, voyait-il avec difficulté comment on pouvait aimer le Maître avec miséricorde alors qu’il est miséricorde, il est l’amour porté à sa perfection. Si dans notre esprit la miséricorde est ce qui lave la faute à grande eau, elle est en premier lieu inconditionnelle. Aimer à l’image de Dieu, à la manière du Christ, c’est aimer sans condition ni mérite ni attente. À l’inverse, ce n’est que mû par la miséricorde que Dieu nous a aimés le premier, jusqu’à laver les pieds de celui qui le trahit, jusqu’à demander à celui qui le renie : m’aimes-tu ? Un amour tellement fou et débordant qu’il ne parvient peut-être plus à faire, comme nous, la distinction entre ceux qui sont dignes et ceux qui ne méritent pas d’être aimés. Il s’agit bien là de mon Père dont je suis l’enfant me rappelant que l’amour inconditionnel est mon origine et ma finalité.
En contemplant Philippe de Néri et sa bande de saints, ce qui éblouit n’est pas tant la grandeur de leurs œuvres mais plutôt l’intensité de leur amour. Un amour qui nous paraît presque trop humain avec leur cœur ouvert parce que brûlé, avec leur amitié devenue communion et vécue comme fraternité. Ces témoins qui m’inspirent tant ce matin me révèlent que la foi ne se déplie pas dans la conviction de croire en l’existence d’un Être supérieur. Elle jaillit plutôt dans la réponse que nous donnons au Christ lorsqu’il nous demande à travers Pierre « M’aimes-tu ? » Peux-tu te laisser aimer inconditionnellement même après m’avoir renié ? Avec l’aide de ma miséricorde, veux-tu m’aimer plus qu’en ami, plus que tes amis, à plein ciel et à plein cœur ouverts ?
Ce qui interpellait les contemporains de Philippe de Néri comme bien des accompagnés du Pèlerin aujourd’hui, c’est le témoignage de son histoire d’amour et de la nôtre avec ce Dieu qui ne demande qu’à être aimé. Laissant la pleine liberté du consentement, il ne peut que nous le demander. Comment refuser ? C’est la seule aventure qui rend vivant en dépit de toutes les souffrances, les fautes et les inachèvements. C’est la seule vocation profondément et divinement humaine, celle de mourir à force d’aimer. Il s’agit bien là de la joie qui compose le bois de la Croix.
Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)
[1] Site web de la Congrégation de l’Oratoire dont il est le fondateur, oratoire de Dijon. Url : https://oratoire-dijon.fr/presentation_congregation/notre-fondateur-st-philippe-neri/
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