Méditation quotidienne du vendredi 23 juin : La chanson de Roland (No 275 – série 2022 – 2023)

Image par Joe de Pixabay

Veuillez noter que les méditations cesseront le dimanche 25 juin pour la période des vacances et recommenceront en septembre prochain. Toute notre gratitude d’avoir marché avec nous et demeurons unis dans la prière.

Nous reprendrons les méditations le 4 septembre 2023.

Évangile du vendredi 23 juin – 11e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » Mt 6, 19-23

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Ne vous faites pas de trésors sur la terre, là où les mites et les vers les dévorent, où les voleurs percent les murs pour voler. Mais faites-vous des trésors dans le ciel, là où il n’y a pas de mites ni de vers qui dévorent, pas de voleurs qui percent les murs pour voler. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.
La lampe du corps, c’est l’œil. Donc, si ton œil est limpide, ton corps tout entier sera dans la lumière ; mais si ton œil est mauvais, ton corps tout entier sera dans les ténèbres. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, comme elles seront grandes, les ténèbres ! »

Méditation

La semaine dernière, c’était la fête des pères, j’arpentais le quai en compagnie des enfants. Le bout du quai, j’aime cette jonction entre le fleuve, l’immensité et le ciel. Le bout du quai, comme une avancée au large, faites de pierres et de prières pour éviter les naufrages, l’engloutissement et le veuvage, pour toucher l’horizon qui sans cesse se déploie, parfois se noie.

J’en étais à cette contemplation quand un homme au visage buriné, au sourire si usé qu’il dessinait un fil rejoignant étrangement un regard profond et rieur. Provenant de la marina où les enfants s’improvisaient armateurs, cet inconnu, appelons-le Roland, avait tout du marin bourlingueur, avec sa barbe au menton et ses haillons. Comme dans la chanson de geste qui porte son nom, Roland avait parcouru mers et mondes et nous racontait tel un troubadour ses diverses péripéties.

S’arrêtant net, il pointa les enfants comme s’il prenait soudainement conscience de leur présence. Les yeux remplis d’une marée montante, il nous amena au bout du quai de sa mer intérieure. Le suzerain des mers laissait brusquement entrevoir un père sans couronne et sans héritier. Comme dans la chanson médiévale, Roland nous parlait de trahison et d’abandon familial. Comme dans la chanson, Roland évoquait la bataille épique que fut sa vie pleine d’engloutissements, d’enfermements et de fuites en avant. Le regard fixé sur les enfants qui lui rappelaient les siens qu’il n’a pas vu depuis si longtemps, les pleurs embrouillaient sa vue et son jugement. Le cœur noyé, il clamait ses hauts faits, sa richesse passée et sa vengeance, la confondant parfois avec la vaillance.

Les fonds marins sont sombres mais les navigateurs savent lire les étoiles. Fiston, qui a l’âge de son petit-fils jamais croisé, lui demanda si les étoiles l’avaient déjà guidé, alors qu’il naviguait sur l’immensité. L’œil devint limpide, la lumière ralluma le rire de son regard. Et Roland, cet homme pris dans ses enfermements, sa colère et son passé criminel, nous raconta son expérience spirituelle. Scrutant les étoiles, il avait imploré Dieu de le secourir alors que son voilier était frappé par un grain. Sombrant dans une plainte comme peur abyssale, il en était à offrir sa vie alourdie de péchés et de filets, lorsqu’il entendit une voix aussi ferme qu’une terre jamais quittée: Tais-toi! Et le grain tomba, et la mer s’apaisa, et le regard de cet homme brisé s’illumina. Il raconta qu’à partir de ce moment, il sut que Dieu le regardait à travers le firmament, que son cœur ne serait jamais englouti malgré son envie de se jeter parfois par-dessus bord. Que sa vie malgré les absents, les voleurs, les mites et les tourments n’était pas sans étoile. Devant les enfants, il scrutait l’horizon, murmurant que les trésors amassés sur terre à grand peine lui avaient causés tant de misère qu’il avait dû prendre la mer. Cette dernière lui avait révélé que le fond de l’être était mouvement et présence malgré l’invisibilité. Être perdu et rencontrer Dieu en mer lui avait fait quitter la surface de son être, l’avait fait plonger dans les profondeurs de son abime. Dans ses fosses marines, il y avait découvert un ciel étoilé par lequel Dieu le contemplait et célébrait, comme s’il était lavé, son cœur entaché. Écoutant attentivement la chanson de Roland, nous savions qu’en son ciel intérieur était déposé un trésor que l’enfance venait de lui rappeler. Nous savions que ses yeux mouillés et rieurs s’ancraient en Dieu, cette jonction du cœur profond, de l’immaculé et de l’horizon.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

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