Évangile du Vendredi 22 septembre – 24e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Des femmes les accompagnaient et les servaient en prenant sur leurs ressources » Lc 8, 1-3
En ce temps-là, il arriva que Jésus, passant à travers villes et villages, proclamait et annonçait la Bonne Nouvelle du règne de Dieu. Les Douze l’accompagnaient, ainsi que des femmes qui avaient été guéries de maladies et d’esprits mauvais : Marie, appelée Madeleine, de laquelle étaient sortis sept démons, Jeanne, femme de Kouza, intendant d’Hérode, Suzanne, et beaucoup d’autres, qui les servaient en prenant sur leurs ressources.
Méditation
Marie, Jeanne, Suzanne… la Parole de ce matin évoque ces femmes « et beaucoup d’autres » qui se sont mise en marche à la suite du Christ, à la suite des Douze. Une phrase fait ancrage et fait barrage : elles « les servaient en prenant sur leurs ressources ». L’appel à suivre le Christ, sa mise en mouvement, et son incarnation par le service est une expérience de conversion bouleversante et d’inscription dans la mission. Pour quiconque comme vous, comme moi, qui avons eu la grâce d’être relevées, la consolation amoureuse est accordée à l’enfant tombé dont on secoue avec grâce la poussière de ses genoux. Ainsi en est-il de nos expériences contemporaines à partir d’un chemin de vie certes rocailleux mais fleuri de possibles comme autant d’illusions cueillies.
Mais lorsque nous sommes un être privé de reconnaissance sociale, frappé d’indignité publique et invisible au regard de la loi, lorsqu’on est femme, juive ou païenne, même patricienne durant l’occupation romaine, comment vit-on l’appel à suivre le Christ ? L’Antiquité nie tous les possibles pour les femmes, les enfants et les esclaves. Et pourtant n’est-ce pas surréaliste que de voir ces femmes tout quitter pour suivre ce fils de charpentier allant de villages en villages avec sa caravane de foi, d’espérance et de charité, traînant à sa suite le surplus d’humanité rejetée par les hommes de bien ?
Oui, c’est au-delà de la réalité, parce qu’elles ont saisi que la Bonne Nouvelle est bien réelle, qu’elle est accessible, incarnée et qu’elle rend la vie dignement vivante. Au-delà de la réalité sertie dans une morale pierreuse et masculine qui aspire et se gonfle de leur liberté captive. Au-delà de normes s’édifiant pour mieux les repousser aux confins d’une marginalité où l’affolement de la femme adultère croise le regard suppliant de l’hémorroïsse. L’œil guéri, la parole ressentie comme un battement dans leur chair, qu’ont-elles donc saisi en fixant résolument le dos de cette homme appelé Messie pour ne jamais plus le perdre de vue ?
Puisant dans leurs ressources si maigres qu’elles ne leur appartenaient pas au fond, Marie, Jeanne et Suzanne ont perçu l’innocence et la dépendance de ce Dieu marchant devant elles. Une dépendance qu’elles connaissent au plus intime d’elles, de celle qui rend infime. La dépendance de ce Dieu qui fait la force surréelle de son Amour avait donc besoin de la pleine humanité pour être glorifié. Comme les enfances qu’elles ont portées, comme les enfants qu’elles ont relevés et dont les genoux furent amoureusement secoués, leur dépendance devenait, sous la grâce donnée sans mérite et sans rien faire, annonce et Royaume.
Courant derrière le Christ, sur les pas du réel qui se déploie ici et maintenant, elles enjambaient les illusions fabriquées, normées et fanées. Le rire à peine essoufflé, levant la tête comme le font les bien-aimées, elles embrassaient un ciel de possibles. Femmes, glorieuses et vivantes, avec élan, elles arrivaient parfois à sa hauteur.
Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)
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