No 180 – série 2024-2025
Évangile du vendredi 21 mars – 2e semaine de Carême
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Voici l’héritier : venez ! tuons-le ! » (Mt 21, 33-43.45-46)
En ce temps-là, Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple : « Écoutez cette parabole : Un homme était propriétaire d’un domaine ; il planta une vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et bâtit une tour de garde. Puis il loua cette vigne à des vignerons, et partit en voyage. Quand arriva le temps des fruits, il envoya ses serviteurs auprès des vignerons pour se faire remettre le produit de sa vigne. Mais les vignerons se saisirent des serviteurs, frappèrent l’un, tuèrent l’autre, lapidèrent le troisième. De nouveau, le propriétaire envoya d’autres serviteurs plus nombreux que les premiers ; mais on les traita de la même façon. Finalement, il leur envoya son fils, en se disant : “Ils respecteront mon fils.” Mais, voyant le fils, les vignerons se dirent entre eux : “Voici l’héritier : venez ! tuons-le, nous aurons son héritage !” Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. Eh bien ! quand le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? » On lui répond : « Ces misérables, il les fera périr misérablement. Il louera la vigne à d’autres vignerons, qui lui en remettront le produit en temps voulu. » Jésus leur dit : « N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux ! Aussi, je vous le dis : Le royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à une nation qui lui fera produire ses fruits. »
En entendant les paraboles de Jésus, les grands prêtres et les pharisiens avaient bien compris qu’il parlait d’eux. Tout en cherchant à l’arrêter, ils eurent peur des foules, parce qu’elles le tenaient pour un prophète.
Méditation – En vigne de notre vie
L’Évangile de ce matin nous réfère d’abord à l’histoire du salut, à ce qui est arrivé au peuple d’Israël appelé par les nombreux prophètes comme une vigne de Dieu (cf. Is 5,4-7 ; Os 10,1 ; Ez 15,06). Malgré les soins du propriétaire du vignoble, qui est Dieu lui-même, il ne pouvait pas toujours se réjouir du fruit qu’il attendait. Dans le livre de Jérémie, Dieu se lamente : « Moi pourtant, j’avais fait de toi une vigne de raisin vermeil, tout entière d’un cépage de qualité. Comment t’es-tu changée pour moi en vigne méconnaissable et sauvage ? » (Jr 2,21).
Toutefois, cette parabole du Christ veut mettre la lumière sur notre propre histoire et notre réalité dans laquelle nous vivons. Notre existence se compare à une vigne mise en terre par Dieu. Dieu offre un amour immense et une confiance sans bornes à chacun d’entre nous. Il nous laisse libres de nos vies et de nos décisions. Il observe avec patience le fruit de nos efforts, tout en veillant sur nous en mettant d’autres personnes, circonstances et événements sur notre parcours pour nous orienter.
S’occuper de notre vigne de vie demande du travail constant, une vigilance, une patience et une humilité. Il est essentiel de reconnaitre que tout n’est pas constamment aussi idéal et réussi que nous l’espérons. Une personne peine à contrôler sa rage, une autre fait face à des problèmes de convoitise, tandis qu’une troisième n’excelle pas dans le domaine des relations interpersonnelles… Après plusieurs tentatives infructueuses pour arracher les mauvais penchants et les vices dans notre vie, nous cédons à la tentation de tout abandonner. Qui n’a pas connu au moins une fois dans sa vie un tel moment de désespoir ?
Souvent, ce désespoir est dû à l’attente d’un fruit instantané. Or, en réalité, le raisin met du temps à mûrir. Il faut également du temps pour que des changements s’opèrent chez une personne. C’est un processus qu’il faut accepter, un processus parfois très long. La transformation du cœur prend du temps. Dieu le sait et Il ne désespère jamais en nous. Il aime les processus et a créé ce monde de telle sorte que tout prend du temps : la maturation du vignoble, la libération de l’esclavage intérieur, la guérison des blessures, la croissance en sainteté… Ce qu’il faut, c’est avoir une grande patience envers nous-mêmes et une grande douceur.
Ne pas attendre immédiatement des fruits mûrs, mais s’occuper des petites pousses qui germent dans notre vigne : petits gestes de bonté, de solidarité, de tempérance, de dévouement, d’écoute de l’autre. Au lieu d’anéantir les petits efforts et les désirs, il vaut mieux les apprécier et les consolider pour sortir du déclin. Accepter le processus, se réjouir des petites victoires, c’est souvent ce qui nous fait aller de l’avant.
Dieu, en donnant à l’homme un bail sur la vigne, lui a aussi donné le temps de changer. Ce n’est pas un dirigeant autoritaire ou un employeur sans pitié qui attend des résultats immédiats et exige ce qu’il veut sans délai. Dieu est patient avec la misère humaine, il est patient au-delà de toute attente. Il donne du temps et, de plus, il ne laisse pas l’homme seul dans la vigne de sa vie. Lui-même retrousse ses manches et se met à l’œuvre avec l’homme pour arracher les mauvaises herbes, les péchés, et fait de nombreux efforts pour la transformer.
C’est notre responsabilité de ne pas négliger le cadeau du temps que Dieu nous accorde et d’en faire une utilisation sage. Soyons vigilants, soyons patients envers nous-mêmes, ouverts à la grâce qui est donnée toujours en abondance. Poursuivons notre modeste tâche dans notre vignoble de l’existence, conscient qu’un jour nous devrons rendre des comptes au maître du vignoble. Quand l’heure de la récolte arrivera, que nos fruits soient généreux, doux et sains.
Halyna Kryshtal – hkryshtal@lepelerin.org
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