Évangile du Vendredi 17 novembre – 32e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Le jour où le Fils de l’homme se révélera » Lc 17, 26-37
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Comme cela s’est passé dans les jours de Noé, ainsi en sera-t-il dans les jours du Fils de l’homme. On mangeait, on buvait, on prenait femme, on prenait mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche et où survint le déluge qui les fit tous périr. Il en était de même dans les jours de Loth : on mangeait, on buvait, on achetait, on vendait, on plantait, on bâtissait ; mais le jour où Loth sortit de Sodome, du ciel tomba une pluie de feu et de soufre qui les fit tous périr ; cela se passera de la même manière le jour où le Fils de l’homme se révélera. En ce jour-là, celui qui sera sur sa terrasse, et aura ses affaires dans sa maison, qu’il ne descende pas pour les emporter ; et de même celui qui sera dans son champ, qu’il ne retourne pas en arrière. Rappelez-vous la femme de Loth. Qui cherchera à conserver sa vie la perdra. Et qui la perdra la sauvegardera. Je vous le dis : Cette nuit-là, deux personnes seront dans le même lit : l’une sera prise, l’autre laissée. Deux femmes seront ensemble en train de moudre du grain : l’une sera prise, l’autre laissée. » Prenant alors la parole, les disciples lui demandèrent : « Où donc, Seigneur ? » Il leur répondit : « Là où sera le corps, là aussi se rassembleront les vautours. »
Méditation
Ces quelques versets de Luc semblent être à priori, une vision dysphorique d’une fin apocalyptique de l’espèce humaine. Les textes eschatologiques ont eu d’ailleurs leur lot de critiques lancinantes comme également leurs interprétations fantaisistes annonçant et décrivant en détails la triste image de la fin du monde, lors de laquelle il n’y aura plus d’issu pour quiconque. Est-ce avec cette simplicité horrifiante que notre Dieu va détruire d’un coup de balai toute Sa Création et abandonner la relation d’Amour qu’Il a établi depuis l’origine de l’humanité? Quelle prophétie de malheur et de disgrâce!
Avant de s’interroger sur la mort, il nous faut commencer par se questionner sur la Vie. « La question n’est pas de savoir si l’on sera vivant après la mort, mais d’abord d’être vivant avant la mort » nous a dit Zundel. Il est inutile voire insensé de scruter la fin des temps si l’on ne commence pas par contempler le temps présent.
« En ce temps-là…, En ce jour-là…, Cette nuit-là… »,tout est une question de temps, oui, mais avant qu’il ne devienne inaccessible, ce temps s’inscrit dans l’ici et maintenant.
« Le jour où le Fils de l’homme se révélera », pas un jour mais Ton jour Seigneur[1], pas un jour mais le jour d’aujourd’hui que Tu nous offres. Dieu est maitre du temps, et l’instant terrestre de notre passage vers Lui récapitulera notre présence à tous ces moments essentiels de notre vie, où nous avons répondu à l’appel, choisi d’aimer, choisi d’espérer, choisi notre filiation divine. Nous pouvons alors lui offrir toutes nos titubations et tous nos échecs comme un fardeau que l’on dépose, comme une pauvre offrande; une offrande si désarmante car si douce à Son Cœur. Si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur (1Jn3,20).
Comme au temps de Noé et jusqu’à nos jours, l’homme ne cesse de retomber dans l’aveuglement et de vivre comme si sa vie se limitait aux horizons de cette terre. Nous vivons dans l’univers comme des sauvages, nous détruisons la nature et la création, nous avons fait de Darwin la loi ultime, la loi du plus fort. Nos sociétés dites post-modernes sont le berceau d’une civilisation de mort. Des prétendus concepts font la promotion de fausses libertés et manipulent l’homme au point de tuer son identité profonde. Il ne se reconnait plus dans toute sa grandeur et sa dignité d’enfant de Dieu, dans son essence profonde comme sacrement divin. Le taux de suicide, d’homicides familiaux, de violences conjugales et sociales ne cesse de grimper d’une manière alarmante. Les guerres, qui demeurent l’apogée de toutes les tragédies humaines, ravagent notre monde avec une brutalité et une violence sans précédent, détruisant des territoires et des civilisations, brisant des vies entières. Immense est la tentation de l’humain de s’acharner contre l’idée que son destin est la mort, contre cette peur qui l’empêche d’exister et, dans la folie de son acharnement, il se voit conduit par un vertige absurde, à s’obstiner contre son humanité et celle des autres.
Ce que Jésus veut que ses disciples et chacun.e d’entre nous comprennent dans cette bousculante description de ce temps de fin, c’est qu’il faut rester veilleur et toujours prêt pour le jour de Sa révélation. Il nous rappelle que nous n’aurons pas le temps de retourner en arrière pour emporter nos possessions terrestres, d’ailleurs inutiles à ce moment. Le veilleur ne se laisse pas surprendre par le temps qui passe, il reste dans une attente amoureuse, car il a déjà choisi l’avenir de Dieu pour lui. La révélation du Fils de l’Homme s’inscrit dans la pleine présence à Sa Présence, car elle prend racine dans l’Espérance. Comme Jésus qui est resté constamment présent à l’Éternel Vivant en Lui, demeurons, nous aussi, dans cet espace sacré en nous habité par Dieu qui sans cesse se révèle.
L’Ê(ê)tre n’est pas hier, demain, ailleurs, Il est ici et maintenant. L’Espérance et la foi ne nous arrachent pas à notre condition humaine mais elles la transfigurent dans une Lumière de tendresse et de guérison qui unifie notre cœur au Sien. Elles nous renvoient à l’expérience du débordement d’Amour, de l’Infini qui s’insinue en nous, lorsque tout prend sens dans l’inexprimable. Ce n’est que lorsque nous éprouvons le mystère de notre finalité divine et éternelle, que nous avons la possibilité d’être et de vivre en dépit de la mort qui nous guette; ni la vie ni la mort ne peuvent nous enlever cette Vie en nous.
Ne restons pas comme les apôtres sur la colline juste après l’Ascension du Seigneur, les yeux rivés vers le ciel, pétrifiés dans le temps, attendant Son retour. Tout nous est infiniment offert dès maintenant, la vie éternelle est cette dimension incréée de notre présent qui attend notre consentement pour se déployer. C’est en chacun de nous que le choix se joue, pas un jour, mais le jour d’aujourd’hui.
Gladys EL Helou (gladyshelou@gmail.com)
[1] Jacques Leclerc, cf.prière « Je viendrai vers Toi »
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