Méditation quotidienne du vendredi 14 avril : Expérience mystique du Ressuscité (No 208 – série 2022 – 2023)

Image par Xuan Duong de Pixabay

Évangile du Vendredi 14 avril 2023 – Octave de Pâques (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Jésus s’approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le poisson » Jn 21, 1-14

En ce temps-là, Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade, et voici comment. Il y avait là, ensemble, Simon-Pierre, avec Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), Nathanaël, de Cana de Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples. Simon-Pierre leur dit : « Je m’en vais à la pêche. » Ils lui répondent : « Nous aussi, nous allons avec toi. » Ils partirent et montèrent dans la barque ; or, cette nuit-là, ils ne prirent rien.
Au lever du jour, Jésus se tenait sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui. Jésus leur dit : « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? » Ils lui répondirent : « Non. » Il leur dit : « Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. » Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n’arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons. Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C’est le Seigneur ! » Quand Simon-Pierre entendit que c’était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n’avait rien sur lui, et il se jeta à l’eau. Les autres disciples arrivèrent en barque, traînant le filet plein de poissons ; la terre n’était qu’à une centaine de mètres.
Une fois descendus à terre, ils aperçoivent, disposé là, un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain. Jésus leur dit : « Apportez donc de ces poissons que vous venez de prendre. » Simon-Pierre remonta et tira jusqu’à terre le filet plein de gros poissons : il y en avait cent cinquante-trois. Et, malgré cette quantité, le filet ne s’était pas déchiré. Jésus leur dit alors : « Venez manger. » Aucun des disciples n’osait lui demander : « Qui es-tu ? » Ils savaient que c’était le Seigneur. Jésus s’approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le poisson.
C’était la troisième fois que Jésus ressuscité d’entre les morts se manifestait à ses disciples.

Méditation

L’étape post pascale a commencé, entre joie timide et sobre vigilance, c’est un temps d’attente dans l’inconnu, un temps de recomposition avec la nouvelle réalité de l’absence physique de Jésus. Un espace de réflexion sur tous les évènements vécus, mais également une rupture inévitable avec la foi sécuritaire qui s’est érigée durant les trois dernières années que les disciples ont vécu avec le Christ. Et voilà que dans toute cette déroute, ils vont vivre des rencontres inusitées avec Lui, des expériences mystiques inédites bien plus intenses que ne le fut leur premier appel; un travail en profondeur va s’amorcer dans leurs cœurs, pour que s’impose à eux une conviction inébranlable de la résurrection de Jésus. La pêche miraculeuse rapportée par l’évangéliste Jean en est une de ces expériences bouleversantes qui va les propulser au-delà de leurs racines vers l’aube d’un jour nouveau, d’un monde nouveau.

Depuis le procès de Jésus et Sa crucifixion, et en l’espace de quelques jours, les disciples ont vécu une série de péripéties tumultueuses, ils ont été balancés par des émotions fortes, contradictoires ; assurément qu’ils doivent se sentir ébranlés et confus. Jésus est ressuscité c’est merveilleux! mais ce mystère dépasse leur capacité d’entendement, d’autant plus qu’Il n’est plus physiquement avec eux; avec Lui, ils avaient un sens de direction mais maintenant ils doivent s’assumer. Livrés à eux-mêmes dans l’obscurité et le vide, ils semblent bien désorientés, probablement découragés. Ils reprennent donc leurs filets…

N’est-ce pas l’expérience de chacun.e de nous lorsque nous perdons le Christ de vue, lorsque la vie nous rattrape avec ses perplexités, ses épreuves et ses défis et que l’on a l’impression que plus rien ne mérite d’être espéré?

Après toute une nuit de labeur, nos bons hommes n’ont pas réussi à attraper un seul poisson, ils se sont épuisés inutilement. Et voilà qu’au petit-matin, sur le rivage, quelqu’un leur fait signe. On dirait un pauvre qui a faim. « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? »

N’ayant rien à lui donner, rien à perdre non plus, ces pauvres pêcheurs se surprennent à suivre les consignes de cet étranger : Sa Parole, bien d’avoir l’air farfelue, résonne différemment, elle est limpide, tendre, autoritaire, déroutante dans sa simplicité « Jetez le filet à droite de la barque » : succès insoupçonné, démesuré.

Leur barque était revenue vide, et c’est justement parce qu’elle était vide qu’elle était prête à recevoir le miracle de Jésus; sans mérite autre que la confiance d’un geste et voilà leurs filets débordants. Sa Parole les a rejoints dans leur intelligence et leur psyché mais il a fallu le cœur profond du disciple que Jésus aimait pour ressentir Sa Présence : « C’est le Seigneur ! » Seul l’amour permet cette connaissance profonde et ouvre la voie à la contemplation, à la rencontre. Les disciples vont entrer désormais dans la profondeur du mystère pascal, traversant de la nuit au jour, de l’obscurité à la lumière, de la mer au rivage, de l’échec à la surabondance.

La parole du Ressuscité est un lieu de Sa présence, Elle demeure efficace et donne vie en surabondance à l’image de cette pêche. Où sera-t-elle entendue aujourd’hui cette Parole? Où aura lieu pour nous, dans notre monde hautement technologique, cette rencontre mystique? Cette pêche miraculeuse?  Ce monde où la science prétend expliquer le sens dernier de toutes choses, Dieu est devenu une hypothèse inutile et Son Église le signe d’une mentalité irrésolue et désuète. Cette crise spirituelle que notre monde traverse, crise de sens, effervescence de nouveaux paradigmes, résistance farouche à la religion…marquerait-elle la fin de l’existence de Dieu?

Comme pour Pierre, Jean et les autres, il nous faut refaire l’expérience mystique du Ressuscité, non plus sur le bord de la mer de Tibériade, mais bien au cœur de notre monde, au rivage de l’effondrement de la foi, dans la traversée obscure de nos nuits. Cette confrontation avec l’abime de Dieu, avec la privation de la Présence de Jésus, pourraient devenir pour nous, comme cela a été pour les disciples, un lieu d’une reconnaissance lumineuse du Ressuscité qui susciterait une nouvelle genèse de la foi. Nous avons besoin de rencontrer à nouveau le Christ Ressuscité, sinon notre foi serait dérisoire. (1Co 15,14)

Comme les apôtres, nous sommes revenus à nos occupations de toutes sortes, notre vie est pleine d’activisme, couvrant parfois une foi dans le coma. N’avons-nous pas l’impression de revenir les mains vides lorsque nous allons pêcher dans notre vie à la recherche du bonheur? N’avons-nous pas l’impression de peiner toute la nuit, dans notre cœur assoiffé d’amour, dans notre chair rongée par la fatigue et la maladie?

Loin de sombrer dans un défaitisme récalcitrant, ni dans l’euphorie d’un positivisme irrationnel, il nous faut choisir de faire l’expérience du Christ, se décider d’aller vers le Ressuscité; oser se tenir dans la nuit, accepter d’avoir une barque vide, accueillir Sa Parole comme un évènement inusité, un langage nouveau pour un monde nouveau. Retournons au rivage de nos vies, osons le pari de la confiance, prenons la décision de jeter nos filets, de poser ces petits gestes anodins qui nous feront avancer vers Lui et Le reconnaitre Ressuscité; croyons-en ceux et celles qui le virent et qui le voient encore, Vivant.

Seul l’A(a)mour nous permettra de Le reconnaitre.

Gladys EL Helou (gladyshelou@gmail.com)

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