Méditation quotidienne du vendredi 10 novembre : Et le maître loua cet intendant… (No 68 – série 2023-2024)

Image par Nicky de Pixabay

Évangile du Vendredi 10 novembre – 31e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière » Lc 16, 1-8

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Un homme riche avait un gérant qui lui fut dénoncé comme dilapidant ses biens. Il le convoqua et lui dit : “Qu’est-ce que j’apprends à ton sujet ? Rends-moi les comptes de ta gestion, car tu ne peux plus être mon gérant.” Le gérant se dit en lui-même : “Que vais-je faire, puisque mon maître me retire la gestion ? Travailler la terre ? Je n’en ai pas la force. Mendier ? J’aurais honte. Je sais ce que je vais faire, pour qu’une fois renvoyé de ma gérance, des gens m’accueillent chez eux.” Il fit alors venir, un par un, ceux qui avaient des dettes envers son maître. Il demanda au premier : “Combien dois-tu à mon maître ?” Il répondit : “Cent barils d’huile.” Le gérant lui dit : “Voici ton reçu ; vite, assieds-toi et écris cinquante.” Puis il demanda à un autre : “Et toi, combien dois-tu ?” Il répondit : “Cent sacs de blé.” Le gérant lui dit : “Voici ton reçu, écris 80.” Le maître fit l’éloge de ce gérant malhonnête car il avait agi avec habileté ; en effet, les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière. »

Méditation

Assise à la table aux côtés du pharisien fidèle, du dévoué grand frère et des ouvriers de la première heure, nous partageons cette Parole, camouflant à grand peine notre indignation. Un escroc découvert, ayant dilapidé les biens sous sa gouverne de son maître, trouve le stratagème de réduire par deux les dettes des débiteurs de son maître pour tenter de se tirer d’affaire. Le grand frère, pris d’un hoquet de rage, déclare que cet intendant est de l’engeance de son petit frère. Comment peut-il être félicité pour son habileté par ce même maître désormais fraudé! Je connais l’histoire, tempête-t-il, elle se terminera au mieux avec un veau gras, au pire avec une indigne célébration par un Père ingrat, par un maître écervelé.

Notre lectio divina s’annonçait palpitante.

À la première lecture, les esprits échauffés se calment, la raison comme la loi ont toujours un effet de refroidissement. Le pharisien se redresse du haut de son savoir et nous informe que selon les coutumes juives, les intendants prenaient une commission, parfois grassement dit-il en baissant le ton, sur les transactions en guise de salaire. En réduisant le montant des dettes, l’intendant renonçait donc à sa propre commission, renonçant donc à voler les débiteurs. L’explication nous convainc à moitié. N’était-il pas prodigue cet intendant, écume l’un des ouvriers fixant le grand frère ? Et quelle morale tout de même ruminent en chœur ses compagnons de la première heure.

Je propose d’enchaîner avec la meditatio, histoire d’inviter l’accueil et l’ouverture au sein de ce groupe de partage plutôt partagé. Le silence s’installe difficilement comme s’il tentait d’atterrir sur un escarpement de soupirs rocheux et d’impatience graveleuse. Oh Christ Jésus, Seigneur et Vérité que veux-tu nous dire par ta Parole qui nous rabote la pensée ? Les yeux fermés, nous prions. Une prière acharnée, pour sûr, il répondra. Une chaise glisse doucement sur le plancher, nous ouvrons les yeux. Que ceux qui ont des oreilles, entendent! À notre table, la femme adultère vient de s’asseoir, sa robe est tachée de poussière et de pierre, une brebis, l’air perdu la suit. De frêles mains sortent de ces manches, elle prie, c’est l’oratio qui commence.

Seigneur Jésus, Fils du Dieu vivant, si devant les hommes, j’étais coupable à la mesure de mes actes, à la mesure du poids des pierres jetées, devant toi, j’étais digne à la mesure de mon être créé par Dieu puis engendré par ton esprit. La mesure de ton amour c’est d’aimer sans mesure. Seigneur, le jugement tout à coup renversé, la pierre lestée, les dos tournés, j’ai vu ta miséricorde qui agit malgré les malgré. Seigneur Jésus, tu as compromis la toute-puissance de la Loi, soucieux des égarés, de celui qui ne revient que pour avoir un peu de pain ou de celle qui ne revient pas et que tu iras chercher, laissant là tous les autres. On nous a habitués à acquitter nos dettes, ignorons-nous à quel point, pécheurs, nous sommes insolvables ? Tu me demandes de croire en ta prodigalité, toi l’intendant de Dieu qui remet librement nos dettes ? Comment pouvons-nous méconnaître encore ton insondable bonté à laquelle nous devons toute vie nouvelle ? Ta miséricorde agit envers et en dépit des lois, de la justice des hommes et d’une morale qui les rigidifie et les enflamme ? C’est là l’unique prière que je peux faire pour te rendre grâce et t’accueillir, nous tous qui sommes envers toi, adultères. Amen.

Perdus à la contempler, nous nous sentions bien à l’étroit. Un ange passa. À travers le battement de ses ailes, je remarquai que la tablée était soudainement pleine. Les ouvriers de la dernière heure s’entassaient déjà alors qu’un jeune homme aux traits familiers s’assied, souriant, devant moi. J’aurai juré qu’il sentait le veau gras.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

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