No 139 – série 2024-2025
Évangile du samedi 8 février – 4e semaine du temps ordinaire
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Ils étaient comme des brebis sans berger » (Mc 6, 30-34)
En ce temps-là, les Apôtres se réunirent auprès de Jésus, et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné. Il leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l’on n’avait même pas le temps de manger. Alors, ils partirent en barque pour un endroit désert, à l’écart. Les gens les virent s’éloigner, et beaucoup comprirent leur intention. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux. En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement.
Méditation – De pains donnés !
L’Évangile d’aujourd’hui me semble construite avec deux parenthèses. La première est celle de la mission, formée du retour des apôtres de leur apostolat et de Jésus, pris aux entrailles, qui se met à enseigner à cette foule sans berger. La seconde est celle marquée d’un côté par l’appel que Jésus fait aux apôtres de « venir à l’écart dans un endroit désert pour se reposer un peu » et, de l’autre, le départ en barque vers cet endroit. Et, au milieu de ces deux parenthèses, une phrase qui, surprenante, se dresse : « De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l’on n’avait même pas le temps de manger ».
En lien avec la parenthèse sur la mission, cette phrase centre d’abord sur cette foule qui doit occuper le cœur de toute mission. C’est pour eux que le Christ est venu et c’est pour eux que les apôtres doivent consacrer leurs vies. Il n’y a pas d’autres alternatives que d’être là pour répondre à leur faim, celle de Dieu foncièrement. Jésus est venu pour être pain de Vie pour eux et rassasier leur âme de Ciel. Quant aux apôtres, ils sont appelés, à la suite de Jésus à être mangés par cette foule, car c’est eux, comme pains de Vie en le Christ, qui doivent être donnés. Plus encore, la seule façon de vivre la mission est de se laisser creuser par la faim de toutes ces personnes et avoir, oserais-je dire, plus faim de Dieu encore, en soi comme en eux. La mission ne peut donc être ainsi portée que dans le creusement de sa soif ou de sa faim de Dieu. C’est par la faim des apôtres que le Fils peut les rassasier tout comme les apôtres ont à rassasier ces personnes, et Dieu, en ayant de plus en plus faim de Lui. Et cette faim se creuse réellement dans leur chair.
Mais il y a cette autre parenthèse, celle du temps de silence, de la mise à l’écart et du repos en Dieu. Mais il manque un mot dans la traduction qui est essentiel au sens du texte, à savoir « venez VOUS-MÊME (bible de Jérusalem) ou VOUS AUTRES (bible de Chouraqui) ». Dans la première parenthèse, cette mise à l’écart signifie un appel à la mission mais, dans cette seconde, elle coïncide avec l’appel d’un regard fixé sur Dieu en contemplation. En d’autres mots, comme le Fils, la mission ne prend sens, dont la faim et le don de soi qu’elle exige, qu’en cet élan de cœur filial vers le Père. Sinon, aucun apôtre ne saurait tenir, s’il ne se nourrissait à la grâce totalement gratuite de l’Amour du Père et du Fils dans l’Esprit.
C’est cette contemplation qui met « à l’écart » ou, autre traduction, « à part », qui comble la mission. Ce lieu désert n’est pas un lieu d’abord physique mais une entrée dans un désert où demeure Dieu et où Dieu met « à part » en Lui, chaque personne y trouvant sa demeure. Mais, du fait de cette phrase au centre, si la contemplation retourne l’être intérieur vers le Père, elle doit aussi y trouver toutes ces personnes qui arrivent et qui partent. Ils sont ces gens qui ne savent pas encore se reposer en Dieu, et qui vont et viennent sans toucher terre en Dieu. Car, faut-il le dire, tout humain est fait pour Dieu et sait quelque chose de Dieu ou, pour mieux dire, a connu un jour ou l’autre de sa vie cette rencontre avec Dieu ou, du moins, le porte en lui.
S’il n’en était pas ainsi, comment cette phrase de l’Évangile prendrait-elle sens ? « Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux. » Où est-ce « là-bas » ? si ce n’est que le cœur de Dieu. Un lieu que tous reconnaissent inconsciemment et où Dieu se fait présent en leurs vies. Ce lieu d’écart est où toute la vie humaine trouve son repos et son sens. C’est ce que l’on constate en accompagnement. Les gens arrivent et partent, porteurs souvent d’une grande souffrance et confusion. Le rôle de la personne accompagnatrice est d’aider la personne à retrouver ce « lieu désert » en elle où elle s’est sentie mise à l’écart en l’Amour de Dieu. Elles y sont entrées lors de telle ou telle expérience, mais personne ne les a aidées à comprendre cette expérience.
La mission est de les y reconduire, car, en elles, il y a cette Source qui est la réponse à toutes les soifs et les faims de l’humain. Les personnes accompagnatrices ou tout chrétien sont donc appelés à s’y tenir par la foi, y reposer suffisamment, « un peu » nous dit le texte, pour en reconnaître les parfums en l’autre au point de retrouver le chemin intérieur vers la Présence.
Acceptons d’être tourmentés par la faim de toutes ces personnes pour être pains de Vie donnés dans le Fils pour chacune d’elles.
Stéfan Thériault – stheriautl@lepelerin.org

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