Méditation quotidienne du samedi 25 mars : Cela s’est déjà fait (No 188 – série 2022 – 2023)

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Évangile du Samedi 25 mars 2023 – Annonciation – 4e semaine de Carême (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils » Lc 1, 26-38

En ce temps-là, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie. L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. » À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. » Marie dit à l’ange : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais pas d’homme ? » L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu. Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu. » Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. »
Alors l’ange la quitta.

Méditation

Comment cela se fera-t-il ? Question immense et incalculable qui s’est posée et que j’ai imposé tout au long de ma vie. Le comment porte en lui, déjà, le consentement, le oui de la liberté intérieure qui se faufile dans les sillons de la grâce. Comme certains d’entre nous, j’ai mis un temps fou à réaliser l’abîme de confiance qui séparait le oui de Marie et le mien. Un temps devenu fou par l’écart qui revêt le drapé de l’abandon entre la volonté du Père et ma volonté. Ma volonté, comme un figuier planté depuis quelques temps déjà qui ne donnait pas de fruits jusqu’à ce que le vigneron pose sa main, cultive le soi et le soin. En dehors de Lui, en dedans de ma seule volonté, je ne peux rien faire qui participe à la fécondité du vivant et qui dépasse la somme de mes efforts si coûteux. C’est peut-être ce qu’on appelle le mi-temps de la vie, le moment où le temps s’assagit.

Comment cela se fera-t-il ? Attablé avec un quinquagénaire perdu dans ses chemins sans carrefour, et dont je ne connaissais que le prénom, nous réalisions la patience infinie de la tendresse de Dieu. Il s’appelait Michel, comme l’archange bien armé et prêt à batailler dans tous les ciels. Saisissement à l’aide d’un verre de vin blanc : tout ce que nous avions demandé, nous l’avons reçu au prix fort, au prix d’efforts épuisants et d’idoles au culte trop exigeant. Au prix de notre humanité, essorée de sa vitalité, de sa paix et de sa joie. Statut professionnel, prestige social, abnégation admirative, savoir enviable. Notre volonté n’était que Colosse aux pieds d’argile, elle était forte sans être solide, elle était habile sans être intelligente, surtout, elle n’était discernée qu’à partir de la blessure, suivant avec engouement la toile tissée d’un système de salut aussi faussé qu’égocentré. Pour moi il y aura eu l’accompagnement, Michel n’a pas emprunté cette voie et n’a pas encore croisé un Cléophas pour faire route avec lui.

Vrombissement agaçant de son téléphone, il a dû quitter en catastrophe, une autre obligation inutile voleuse de sa présence le requérait. Devant la table vide et la coupe intacte, j’aimerais lui répondre, j’aimerais témoigner. Comment cela se fera-t-il Michel ? Cela se fera pour moi et pour toi, non par moi et par toi. Immense découverte qui semble pourtant si évidente. L’évidence est sans doute le propre de la vie spirituelle et donc de la vie tout court. Nous nommions cette abondance couronnée qui arrivait à point nommé, la seconde chance alors qu’il s’agissait du chemin que devait prendre l’exaucement premier. Celui que nous avons hâté, diminué et gâté par nos efforts insensés et notre volonté obèse d’une puissance fabriquée. Dieu préfère garder le parfait intact, il exaucera autant de fois qu’il le faut pour le dérober à ce qui pourrait le gâcher.

Tu l’as remarqué sans peut-être y consentir, lors d’épisodes de ce que les contemporains fatigués appellent le lâcher-prise. Une constellation d’évènements positifs s’enlignent, des relations créatrices surgissent, des fruits aussi juteux de vie que croquants de plénitude sont offerts, sans qu’on y soit pour rien, sans rien faire. Dieu attendait la dissipation et la tombée qui lui feraient un peu d’espace pour nous exaucer comme il se doit, avec surprise, avec surcroît.

Cet enfant inattendu, cette vocation déraisonnable, cette carrière avortée, ce trauma inévitable, cette nouvelle inespérée, ces rencontres impossibles. Que de brèches pratiquées pour sa perche toujours tendue, que d’ouvertures à la démesure dans nos toitures impénétrées, que d’amour qui a tant plu sur nos figuiers desséchés. Comment cela se fera-t-il ? Marie l’a compris au premier souffle, cela ne pourra se faire en dehors de lui, par sa propre volonté ni par le nombre d’hommes à connaître. Cela se fera lorsque nous reconnaîtrons le pain rompu et la brûlure d’un cœur qui ne nous appartient plus. Il n’y a pas de futur qui ne soit déjà là, l’exaucement est toujours en cours. C’est dans nos enfantements où nous sommes instruments que nous devenons enfin vivants. Au sein de tes égarements et de tes plumes perdues, comment cela se fera-t-il Michel ? Ne t’inquiète plus, cela est déjà fait car Dieu seul suffit.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

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