Méditation quotidienne du samedi 24 juin : Quel sera donc cet enfant ? (No 276 – série 2022 – 2023)

Veuillez noter que les méditations cesseront le dimanche 25 juin pour la période des vacances et recommenceront en septembre prochain. Toute notre gratitude d’avoir marché avec nous et demeurons unis dans la prière.

Nous reprendrons les méditations le 4 septembre 2023.

Évangile du samedi 24 juin – Nativité de Jean-Baptiste11e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Jean est son nom » Mt 6, 19-23

Quand fut accompli le temps où Élisabeth devait enfanter, elle mit au monde un fils. Ses voisins et sa famille apprirent que le Seigneur lui avait montré la grandeur de sa miséricorde, et ils se réjouissaient avec elle. Le huitième jour, ils vinrent pour la circoncision de l’enfant. Ils voulaient l’appeler Zacharie, du nom de son père. Mais sa mère prit la parole et déclara : « Non, il s’appellera Jean. » On lui dit : « Personne dans ta famille ne porte ce nom-là ! » On demandait par signes au père comment il voulait l’appeler. Il se fit donner une tablette sur laquelle il écrivit : « Jean est son nom. » Et tout le monde en fut étonné. À l’instant même, sa bouche s’ouvrit, sa langue se délia : il parlait et il bénissait Dieu. La crainte saisit alors tous les gens du voisinage et, dans toute la région montagneuse de Judée, on racontait tous ces événements. Tous ceux qui les apprenaient les conservaient dans leur cœur et disaient : « Que sera donc cet enfant ? » En effet, la main du Seigneur était avec lui.
L’enfant grandissait et son esprit se fortifiait. Il alla vivre au désert jusqu’au jour où il se fit connaître à Israël.

Méditation

Ce jour de la nativité de saint Jean le Baptiste est aussi la fête nationale des Québécois. Le Québec, cet enfant-nation précurseur du nouveau monde avait, depuis la fin des années 60, déjà retiré le garçon blond et bouclé représentant le petit saint Jean de la parade tout en laissant, pour un temps, le mouton désormais esseulé qui l’accompagnait. Devant ce Québec qui se déchristianise à vitesse grand V, s’immerge dans une laïcité hostile au catholicisme, devant ce Québec qui ostracise honteusement son passé religieux en délestant à la hâte ses dimensions culturelle et identitaire, je me demande quel passage me fait vivre cet extrait évangélique.

Depuis son avant-poste parfois apocalyptique, le Québec s’estime guidé par le progrès, ce nom si attendu et si célébré en nos sociétés occidentales fatiguées. La fulgurance des demandes d’aides médicales à mourir, c’est-à-dire une euthanasie présentée comme un soin médical, nous a propulsés au premier rang mondial du mourir volontaire1. Délaissant l’ancien titre d’une des nations les plus suicidaires en 19992, nous embrassons encore la mort avec l’éclat de la puissance du choix et de la brillance de l’auto-détermination où la dépendance et la grâce ne sont plus requises. La tension entre le sacré de la vie et la liberté du sujet est encore affaire de négociation et non d’accueil à en juger par la rapidité de l’élargissement des critères d’acceptation de l’aide médicale à mourir. Un élargissement qui n’est pas sans écho à celui qu’a connu l’avortement qui ne s’embarrasse d’aucun critère autre que la simple formulation d’une demande. Debout, attendant le défilé de la Saint-Jean en ce 24 juin 2023, j’attends le char allégorique qui célèbrera le sacré de la vie. Un char qui célèbrera l’amour de l’humanité, un amour vrai, débordant de sa condition individuelle, qui fait de l’interdépendance le jusqu’au bout du vivant, enserrant tantôt la reconnaissance d’un fils né d’un avortement raté tantôt l’espérance d’un père dont la vieillesse est assaillie par l’indignité.

Que signifie donc cette figure prophétique qui crie dans le désert, invite au baptême de l’eau qui lave et annonce le Tout-Autre pour cet enfant-nation qui se précipite dans un monde nouveau, le goût de la mort et du défraîchi à la bouche ? En tant que baptisés, nous avons été plongés dans la nouveauté du Christ, dans la fraîcheur et l’éternité d’un Dieu plus vivant en nos propres vies. À la suite de Jean, nous continuons à baptiser pour annoncer, pour déposer la foi dans la vie donnée, celle de demain, celle que l’on ne peut encore imaginer à partir de nos déserts, de nos cris mais aussi à partir de notre nom reçu au coeur de l’inattendu.

À ce Québec, si jeune et encore enfant, qui ne peut faire la paix avec le vide et le vivant, je nous fais présent des paroles de confiance. Celles qui habitaient le prophète saint Jean, devant la légèreté mortifère de Salomé, celles qui habitaient Dietrich Bonhoeffer devant la logique déshumanisante des nazis. La veille de son fusillement, le théologien résistant écrivit une lettre à son neveu bientôt baptisé : « Ce n’est pas à nous de prophétiser le jour – mais le jour viendra – où les gens seront encore une fois appelés à annoncer la parole de Dieu, une parole qui changera et renouvellera le monde. Ce sera un nouveau langage, peut-être entièrement non religieux, mais libérateur et rédempteur – comme l’était le langage de Jésus -, ce sera le langage d’une nouvelle droiture et d’une nouvelle vérité, proclamant la paix de Dieu et l’avènement de son Royaume »3.

En ce 24 juin, en ce monde nouveau qui verra l’Église de demain, baptisés et pèlerins, célébrons la présence inimaginable de cette vie tumultueuse, de ce Jourdain, au sein de la misère de nos cœurs et du désespoir contemporain. Que le Pèlerin continue sa mission d’abreuver les racines du langage nouveau, de moissonner en réponse à la faim d’une vérité, celle de tout enfant-nation qui aura enfin à la bouche le goût du Royaume, qui aura enfin à la bouche la Parole de vie vivante.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

  1. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1956764/aide-medicale-mourir-quebec-commission-soins-fin-vie-consultation-medecins
  2. Le suicide au Québec : 1981 à 2018 – Mise à jour 2021 (inspq.qc.ca)
  3. bonhoeffer, D. ‘Thoughts on the baptism of D.W.R”, dans Letters and Papers from Prison, Eberhard Bethge (éd.), Londres, 1967, p. 171-171. Cité et librement traduit par radcliffe, T. Faites le plongeon. Paris/Montréal, Cerf/Novalis, 2012, p. 29-30.

DROIT D’AUTEUR

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