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L’adoption filiale ! – Méditation du samedi 22 mars 2025

No 181 – série 2024-2025

Évangile du samedi 22 mars 2e semaine de Carême

Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie » (Lc 15, 1-3.11-32)

En ce temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » Alors Jésus leur dit cette parabole : « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : “Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.” Et le père leur partagea ses biens.
Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre. Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin. Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien. Alors il rentra en lui-même et se dit : “Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim ! Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.” Il se leva et s’en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Le fils lui dit : “Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.” Mais le père dit à ses serviteurs : “Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.” Et ils commencèrent à festoyer.
Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait. Celui-ci répondit : “Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.” Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier. Mais il répliqua à son père : “Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !” Le père répondit : “Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé !” »

Méditation – L’adoption filiale !

À la lecture de cet Évangile, nous partons souvent avec le présupposé que le père de cette parabole est Dieu, ce qui nous amène continuellement à parler de la conversion du fils prodigue. Mais si cette parabole était plutôt l’histoire de la conversion du père. Car, avouons-le, cette famille est passablement dysfonctionnelle.  Nous avons d’abord une famille où personne n’a de nom, comme si tous avaient perdu leur individualité ou étaient sans visage.

Dans cet anonymat, le fils prodigue, lui, ne veut plus rien savoir du père en réclamant son héritage, car, pour lui, son père est mort ou, peut-être, plus exactement, est source de mort pour lui. Ce père l’a tué intérieurement, si bien qu’il veut s’arracher à tout prix et, rapidement, à ce milieu mortifère. Son besoin de détachement est si grand qu’il part pour un pays lointain, à distance de sa famille. Et là, il dilapide ce qu’il a reçu du père dans une sorte d’exorcisme de tout ce qui appartient au père tout en s’en servant pour se jeter dans mille inconduites qui le jettent ou qui prolongent, pour un fils sans nom, l’oubli de lui-même.

Du même coup, lui, le mouton noir de la famille, s’éloigne de son frère qui, au lieu de se rebeller, est devenu le parfait fils à papa, le servant et lui obéissant en tout. Le premier existe dans la délinquance et la révolte, le second dans un service où, rempli de colère et de ressentiment, il disparaît et meurt un peu plus tous les jours. Entrer dans la joie d’une fête pour son frère, comment est-ce possible quand, depuis si longtemps, il ne sait plus ce qu’est la fête ou la joie ?!  

Quant au père, le texte commence en nous parlant d’un « homme » sans nom qui avait deux fils, et non d’un père. On peut comprendre alors que les deux fils n’existent pas, si le père n’existe pas lui-même; et on pourrait sûrement ajouter à cela l’absence de la mère en ce récit. Une autre preuve de cette inexistence du père est que, à la demande du plus jeune de recevoir son héritage, cet homme se sent si coupable qu’il donne son argent à ses deux fils; pourtant le deuxième ne lui avait rien demandé. D’ailleurs, ce dernier ne sait même pas quoi en faire, car il continuera à servir son père afin de gagner une forme d’existence ou de place auprès de lui. Et ce qu’il dit à son père est fort parlant : « Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis ». Ces paroles sont celles d’un fils qui crie en plein visage à son père : « tu ne m’as jamais vu et reconnu, malgré tout ce que j’ai fait pour toi ». Sa souffrance intérieure est grande.

En somme, les deux fils semblent souffrir d’une relation filiale au père, le premier le déclarant mort, le second, tout autant, en acceptant passivement l’héritage. Mais voilà que le plus jeune fils, au cœur de cette famine, éprouve le manque intérieur profond de vivre en relation (« personne ne lui donnait rien », nous dit le texte). Alors la grâce le rejoint et il dit : « je me lèverai, j’irai vers mon père ».  Non seulement, parle-t-il en je mais il se met debout, se met en marche et, en son cœur, reconnaît sa blessure et sa responsabilité dans cette famine qu’il vit. 

Son retour à la maison sera un réel bouleversement pour le père qui, depuis son départ, l’attend, car ce départ l’avait touché profondément.  Son regard, d’ailleurs, le cherche toujours sur la route, avec l’espoir qu’il revienne. À sa vue et à sa venue, soudain, il retrouve sa place de père, car ce fils qui était mort pour lui depuis si longtemps est « revenu à la vie et est retrouvé ». Il rétablit ainsi son fils dans sa dignité de fils, car son jeune fils l’a rétabli dans sa dignité de père.

Ce récit raconte donc une double conversion, celle d’un jeune fils et d’un père. Quant au fils aîné, il demeure pour l’instant dans sa colère mais le retour de son frère et l’attitude de son père envers ce dernier ouvrent grand en lui sa blessure. Ceci est une grâce pour lui en vue de vivre, à son tour, le chemin de la conversion et le rétablissement de sa filiation.  Ce récit questionne alors l’impossibilité de ses pharisiens qui ne reconnaissent pas qui est Jésus, l’identifiant uniquement comme un homme qui « fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! ». N’est-il pas venu, en fait comme un fils prodigue, pour nous rétablir chacun dans notre filiation au Père !!!

Stéfan Thériault – stheriault@lepelerin.org




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