No 153 – série 2024-2025
Évangile du samedi 22 février – Chaire de saint Pierre
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Tu es Pierre, et je te donnerai les clés du royaume des Cieux » (Mt 16, 13-19)
En ce temps-là, Jésus, arrivé dans la région de Césarée-de-Philippe, demandait à ses disciples : « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » Ils répondirent : « Pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes. » Jésus leur demanda : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Alors Simon-Pierre prit la parole et dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » Prenant la parole à son tour, Jésus lui dit : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »
Méditation – La libre joie !
En cette fête de la chaire de Pierre, nous sommes placés au centre du mystère du Christ : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! ». Pierre a connu ce mystère, parce qu’il a laissé le Christ vivre en lui. Ce miracle lui a été possible parce qu’il a réellement accueilli la Parole qu’est le Fils. Il a laissé le Père la dire en lui : « ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux ». Ce faisant, il a connu la naissance du Fils en lui et il a pu ainsi accueillir sa naissance en Lui, son nom nouveau, que le Fils lui révèle : « tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ».
C’est grâce à cette expérience que Pierre écrira dans sa première lettre : « Approchez-vous de lui, la pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie, précieuse auprès de Dieu. Vous-mêmes, comme pierres vivantes, prêtez-vous à l’édification d’un édifice spirituel. » (1 Pi 2, 4-5). Il a saisi aussi que, en ce qui a trait à cette expérience, toutes et tous sont appelés à vivre ce mystère. Chaque personne est invitée à être pierre vivante, pour que « la puissance de la Mort ne l’emporte pas sur elle ».
La chair humaine, par la chair du Christ, devient chair de Dieu, corps de Dieu, Église. La chaire (cette fois la chaire avec un « e ») de Pierre n’est pas alors le siège d’un pouvoir mais le siège de la « joie » : « heureux es-tu, Simon fils de Yonas ». La joie est le signe, en le cœur de l’humain, de l’Alliance qui se tisse avec Dieu et avec tous les humains. Le seul triomphe dont cette joie est le témoin est l’Amour.
Si pendant trop longtemps, la chaire de Pierre a pris les allures d’un pouvoir terrestre, elle est en fait un anti-pouvoir. Elle devrait en être la contradiction constante au cœur de toutes les sociétés du monde. Son autorité ne trouve racine qu’en la Parole. Elle n’en est pas une qu’elle se donne ou qui lui est confiée par les humains mais elle lui vient du Père qui engendre son Fils en elle dans l’Esprit. Cette autorité renvoie donc à l’humilité d’une écoute et d’une obéissance à cette Parole. Il ne s’agit pas d’une emprise mais d’un service marqué par la dépossession de Dieu en soi et de soi en Dieu.
Cette autorité est essentiellement expression de l’Amour qui tisse l’Alliance avec Dieu, si bien que « tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux ». Cet Amour est, à la fois ce qui lie mais, aussi, ce qui délie l’humain et, les pouvoirs de ce monde, avec leurs haines, leurs égoïsmes, leurs violences, etc. L’Église est appelée à porter au monde la joie d’un Amour qui lie et délie, ancrant l’humain dans le Christ, et chacun.e y découvrant son nom nouveau proclamé par le Fils dans le Père, don par lequel l’Amour veut se répandre.
« Les clés du royaume des Cieux », c’est chaque personne humaine en qui la Parole a trouvé naissance. Si bien que chaque personne, en la Parole, devient commencement, source d’une Vie nouvelle et d’un bonheur qui est né non de la chair et du sang mais du Père. Ensemble, en Église, en une humanité liée d’Amour et déliée du mal, nous sommes, nous dira Pierre, « une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, pour proclamer les louanges de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 Pi 2, 9).
Oui, les ténèbres, la mort, n’ont aucun pouvoir sur nous, car l’autorité en nous est celle de la Parole et cette Parole est créatrice et rédemptrice. Engendrés en la Parole, que notre service, le don de notre vie, soit ministère de déliement et d’une libre joie, celle d’une louange qui surgit de la Lumière.
Stéfan Thériault – stheriault@lepelerin.org
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