Évangile du Samedi 13 avril – 2e semaine de Pâques (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Ils virent Jésus qui marchait sur la mer » Jn 6, 16-21
Le soir venu, les disciples de Jésus descendirent jusqu’à la mer. Ils s’embarquèrent pour gagner Capharnaüm, sur l’autre rive. C’était déjà les ténèbres, et Jésus n’avait pas encore rejoint les disciples. Un grand vent soufflait, et la mer était agitée. Les disciples avaient ramé sur une distance de vingt-cinq ou trente stades (c’est-à-dire environ cinq mille mètres), lorsqu’ils virent Jésus qui marchait sur la mer et se rapprochait de la barque. Alors, ils furent saisis de peur. Mais il leur dit : « C’est moi. N’ayez plus peur. » Les disciples voulaient le prendre dans la barque ; aussitôt, la barque toucha terre là où ils se rendaient.
Méditation
En méditant la Parole de ce matin, remonte à la surface la question de cet enfant, appelons-le Thomas, qui le taraudait tant durant une rencontre de la pastorale jeunesse. Assis en tailleur, la question du petit Thomas le tenaillait au point qu’il ne tenait plus en place, le bras s’étirant frénétiquement dans les airs et les fesses ne touchant plus à terre : « Madame, Madame, pourquoi Jésus n’a-t-il pas nagé jusqu’à eux? Il savait pourtant que ses amis ne savaient pas marcher sur l’eau ! J’aimais mieux l’histoire du paralytique Madame, elle était plus vraie! »
Il est vrai que vous et moi, tout comme Pierre, ne pouvons utiliser notre savoir pour marcher sur la mer. À bien y penser, Thomas a peut-être raison, nous sombrons la plupart du temps. Le sens traditionnel de cette Parole est que la foi, cette intelligence du cœur, nous autorise à fouler les eaux houleuses de l’existence sans naufrage, en demeurant debout devant la déferlante. Bien que le peuple juif n’ait pas la réputation d’être un peuple marin comme leurs alliés Phéniciens, il n’en demeure pas moins que la mer comme le désert fut une voie de fuite. Même sciée en deux, la mer s’avère aussi hostile que salutaire. Dans tous les cas, elle effraie par ses torrents et ses engloutissements. Plus généralement, la mer était considérée malveillante et vineuse par presque tous les peuples et marins de l’Antiquité puisqu’elle porte en elle, la puissance de la mort, l’irrésistible des bas-fonds et autres lieux dont on ne peut remonter vivants.
Jésus ne nage pas, il ne s’immerge pas dans la malveillance, il ne sombre pas. Il tend la main au cœur de cette puissance de mort qui nous a étreint lors de nos naufrages. Dans ces lieux où nous gisons après avoir été entraînés par l’illusion, le péché ou nos mécanismes de protection, il fait jaillir la vie au point de nous remettre debout. Debout et abritant une vie si abondante en soi qu’on peine à croire à sa présence alors qu’elle était noyée de fausses croyances, échouée quelque part entre nos manques et nos idoles.
Marcher sur l’eau, dans ma direction, combien de fois le Christ, a-t-il saisi mon bras pour m’éviter de sombrer ? Toutes ces mains tendues, tant de fois par des inconnus, alors que le vent s’abattait en nos vies, toute cette écoute accordée pour accueillir la plainte, semblable à celle du marin perdu. Marcher sur l’eau, c’est marcher dans cette vérité de la foi. Non plus celle des hommes qui se persuadent d’apprendre obstinément à nager pour traverser le mal, y sombrer, épuisés, cherchant à reprendre un peu d’air, de souffle et de vie. Traverser la vie en apnée, s’immerger dans la peur, s’accrocher à une bouée bricolée croyant ainsi éviter la noyade, n’est qu’illusion. Le mal est ancré dans le mensonge, cette dérive fabriquée par la violence, vide de sens, vide d’amour, vide de rivages. Le sens plus spirituel de cette Parole pourrait être que nous portons certes la trace sablonneuse du mal en nous mais elle n’a ni gravité ni puissance de nous submerger jusqu’à l’asphyxie. La vérité de Dieu, c’est le Souffle de vie qui permet de marcher sur les eaux, la vérité de Dieu, c’est la grâce de témoigner que l’Amour est source de miracles tous les jours. À marée haute, nous pouvons plonger les yeux fermés dans la confiance sans risquer de sombrer. C’est moi. N’ayez plus peur.
Imbibés de manques, détrempés de péchés, qu’à cela ne tienne petit Thomas, quand la confiance est amarrée au Phare qui est lumière dans ta vie, au milieu de tes noirceurs d’une nuit en mer ou dans les profondeurs d’une peur écumée, le Christ sait que tu ne pourras nager sans être emporté. Debout la main tendue, sa voix faisant taire la tempête, il te dira lève-toi et marche. Dans la vérité du Père petit Thomas, même le paralytique peut marcher en toute confiance sur les eaux tumultueuses de l’existence.
Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)
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