Évangile du samedi 11 mai – 6e semaine de Pâques (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Le Père lui-même vous aime, parce que vous m’avez aimé et vous avez cru » Jn 16, 23b-28
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Amen, amen, je vous le dis : ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera. Jusqu’à présent vous n’avez rien demandé en mon nom ; demandez, et vous recevrez : ainsi votre joie sera parfaite.
En disant cela, je vous ai parlé en images. L’heure vient où je vous parlerai sans images, et vous annoncerai ouvertement ce qui concerne le Père. Ce jour-là, vous demanderez en mon nom ; or, je ne vous dis pas que moi, je prierai le Père pour vous, car le Père lui-même vous aime, parce que vous m’avez aimé et vous avez cru que c’est de Dieu que je suis sorti. Je suis sorti du Père, et je suis venu dans le monde ; maintenant, je quitte le monde, et je pars vers le Père. »
Méditation
Cette Parole aujourd’hui me hante, tant par sa brièveté que par sa densité. Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde… Ce témoignage incarné parmi nous de l’Amour accouché nous renvoie à la justesse de la perspective anthropologique du Pèlerin, et l’éclaire. Nous-mêmes, sortis du Père, accouchés comme une Parole d’amour pour le monde, nous venons au monde lors de cette prise de conscience fondamentale. Lors de notre propre co-naissance de Dieu, avec, par et en Lui.
Cette nébuleuse du mystère de la co-naissance entre Dieu, moi et le monde me renvoie aussi à certaines conceptualisations folles parce que trop pleines de sens. Je songe aux travaux de la théologienne Catherine Keller qui m’ont tant fascinée, alors étudiante en théologie. Une pensée qui saisit Dieu comme une matrice maternelle, un utérus portant le monde et le vivant dont la complexité s’organise et évolue perpétuellement sans être soumise à ce Dieu. À l’image des relations vitalisées et tissées par l’amour qui relie, rattache et guérit. Un Dieu comme une toile de relations qui se créent, se tissent, se retissent alors que nous effilochons, cisaillons, détricotons. Dans cette perspective propre à la théologie dite du process, la théologie tout comme le Dieu vivant n’est pas un discours fermé, définitif et parfait parce que complet. Il est ouverture, commencement, changement. Le Dieu vivant est un co-créateur avec la création qui s’organise, se réorganise avec intelligence, finesse, adaptation. Un Dieu co-créateur qui ne domine pas, ne contient pas, et passe par l’humilité de l’humaine condition pour contribuer à la création qu’il ne saurait maîtriser sous peine de compromettre sa liberté. Le Dieu vivant est ainsi la pleine puissance du renoncement, la force suprême de la vulnérabilité pour laisser-être le vivant qui sort de lui, pour laisser-être son amour incarné dans nos corps et nos destins. Depuis le murmure du ruisseau jusqu’au rire d’un bambin. À la ressemblance du Christ, nous sommes sortis de Dieu pour venir dans le monde. Notre identité spirituelle qui irrigue tout notre être et infiltre chaque pore de notre peau ne provient pas du monde.
La voie de l’accouchement, le chemin de la naissance de notre être filial à travers une toile vivante de relations infinies, amoureuses et toujours renouvelées est touchante de vérité. Maintenant je quitte le monde, et je pars vers le Père… maintenant le Christ quitte la chair pour devenir présence dans cette toile d’amour, présence qui s’insinue de relations en relations au cœur de nos êtres, au cœur de la création.
Aimer, ce n’est donc que rendre vivante la présence du Christ en nos relations. Aimer, c’est prendre conscience que nous sommes sortis de Dieu pour venir dans le monde. Aimer, c’est réaliser que notre identité filiale, divinement accouchée et en infinie co-naissance avec ce Père si maternel, s’incarne dans la mission de co-créer. Et pour que la création conserve sa capacité de créer, encore doit-elle disposer de sa liberté, la laisser être dans son intelligence, dans sa complexité et dans ses efforts d’organisation et de réorganisation. Chacun de nos arrachements, de nos renoncements au pouvoir, chaque fois que nous embrassons la pleine vulnérabilité du vivant au sein de nos relations, chacun de ces instants est un accouchement de soi. Chaque fois est la venue dans le monde d’un enfant bien-aimé. Et chaque naissance est un commencement porteur d’espérance, porteur de salut autant pour le ruisseau cristallin que pour le destin du bambin.
Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)
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