Veuillez noter que les méditations cesseront le dimanche 25 juin pour la période des vacances et recommenceront en septembre prochain. Toute notre gratitude d’avoir marché avec nous et demeurons en union de prière.
Évangile du samedi 10 juin – 9e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres » Mc 12, 38-44
En ce temps-là, dans son enseignement, Jésus disait : « Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à se promener en vêtements d’apparat et qui aiment les salutations sur les places publiques, les sièges d’honneur dans les synagogues, et les places d’honneur dans les dîners. Ils dévorent les biens des veuves et, pour l’apparence, ils font de longues prières : ils seront d’autant plus sévèrement jugés. »
Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait comment la foule y mettait de l’argent. Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes. Une pauvre veuve s’avança et mit deux petites pièces de monnaie. Jésus appela ses disciples et leur déclara : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. »
Méditation
L’émerveillement du Christ devant le don, puisé à l’essentiel, puisé au veuvage ainsi qu’à la fragilité, fait chemin et renvoie à la question cruciale « M’aimes-tu ? ». Le don n’emprunte rien au superflu et permet, paradoxalement, le surcroît à travers la pauvreté. Méditant avec la veuve sur le chemin du retour, je ralentis le pas, lui prend le bras. Veuve, toi qui a déjà tant perdu, de l’amour et d’autrui, de la dignité aussi, dans cette Antiquité qui ne se soucie guère de la précarité. Le regret a-t-il déjà fait son nid dans ton ventre creux ? Le don admet-il dans sa nature le regret ? Au Pèlerin, nous sommes en chemin vers la découverte du don de Dieu que nous sommes, à ce visage de l’Amour donné qui transparaît à travers le mien. Pèlerinant entre la veuve et le fils prodigue, il y a parfois des renoncements, il y a parfois des regrets lorsqu’éclate à la conscience l’auto-suffisance d’un système nommé salut, lorsqu’éclate la saveur de nos péchés dans l’amertume des fausses croyances. Le don enraciné dans l’Amour accueille les regrets non pour la vie donnée mais pour la vie mortifiée, pour la vie qui n’aura pas été perdue, pour l’essentiel qui n’aura pas été offrande.
Attablée devant cette veuve, merveille du Christ, je cherche consolation. Deux mille ans plus tard, dans le superflu de l’existence, des mères regrettent la vie donnée, requise par l’enfance. Un témoignage devenu viral et mouvement social : une mère au désarroi publié, Astrid Hurault de Ligny, souhaite libérer la parole d’un tabou judéo-chrétien qui musèle et culpabilise : Le regret maternel (éd. Larousse, 2022). Témoignant de sa souffrance, d’une vie désormais réquisitionnée et regrettée par l’enfant pourtant désiré qui lui vole ses jours et ses nuits, cette mère affirme que si elle avait été informée des répercussions de la venue de ce petit être, de profondeur et de relation, elle n’aurait pas donné la vie, pour ne pas perdre sa vie. Son témoignage aurait libéré le cri de centaines d’autres mères qui témoignent à leur tour publiquement sur les réseaux sociaux de leur regret maternel. Elles jurent aimer leurs enfants jusqu’à donner leur vie, eux qui demeurent pourtant fils et filles d’un regret plus grand.
La veuve soupire, le prodigue gémit. Dans l’écart entre la vie donnée et la vie reçue, il y a l’amour, le don et la pauvreté qui les entoure. Être mère n’est certes pas une fonction attribuée avec une description de tâches. La maternité est une relation qui donne sens et chair à la vie donnée, à l’amour qui cherche à s’incarner, à la vie perdue pour un autre qui contient déjà tout l’amour de Dieu et son surcroît. Que signifie une vie qui n’est pas perdue, une vie centrée sur ses besoins, préservée pour soi, et donnée que dans le superflu. L’essentiel ne s’accueille que dans l’évidement pour donner la vie, sa vie. Le surcroît est ce lieu où se confondent l’humain et le divin, il naît de ce temps précieux et perdu de sa vie pour autrui. Pour une rose, un enfant ou une prière, ce temps perdu, ce surcroît qui s’échappe du soi, lorsqu’il fut présence et parfois désarroi ne peut être regretté par sa fécondité et par le don manifesté au cœur des renoncements, par l’offrande mise dans le tronc malgré la pauvreté.
Les petits princes, la veuve et Marie nous rappellent qu’être mère, c’est être veuve, c’est être saisie par l’Amour qui veut naître à travers la chair. Le regret ne peut être réponse à ces Dieu-enfants, prodigues et émerveillés par la vie reçue, qui nous demandent : « M’aimes-tu ? »
Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)
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