Méditation quotidienne du samedi 10 février : L’abondance et la faim (No 146- série 2023-2024)

Image par Daniel Albany de Pixabay

Évangile du Samedi 10 février – 5e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Les gens mangèrent et furent rassasiés » Mc 8, 1-10

En ces jours-là, comme il y avait de nouveau une grande foule, et que les gens n’avaient rien à manger, Jésus appelle à lui ses disciples et leur dit : « J’ai de la compassion pour cette foule, car depuis trois jours déjà ils restent auprès de moi, et n’ont rien à manger. Si je les renvoie chez eux à jeun, ils vont défaillir en chemin, et certains d’entre eux sont venus de loin. » Ses disciples lui répondirent : « Où donc pourra-t-on trouver du pain pour les rassasier ici, dans le désert ? » Il leur demanda : « Combien de pains avez-vous ? » Ils lui dirent : « Sept. » Alors il ordonna à la foule de s’asseoir par terre. Puis, prenant les sept pains et rendant grâce, il les rompit, et il les donnait à ses disciples pour que ceux-ci les distribuent ; et ils les distribuèrent à la foule. Ils avaient aussi quelques petits poissons, que Jésus bénit et fit aussi distribuer. Les gens mangèrent et furent rassasiés. On ramassa les morceaux qui restaient : cela faisait sept corbeilles. Or, ils étaient environ quatre mille. Puis Jésus les renvoya. Aussitôt, montant dans la barque avec ses disciples, il alla dans la région de Dalmanoutha.

Méditation

Cette parole d’abondance, de bonté et de rassasiement dans la multiplication des pains évoque traditionnellement l’annonce eucharistique de la dernière Cène et du Christ ressuscité. En offrande au creux de nos mains, le Christ nous comble; devenant amour donné gratuitement, nourriture offerte dans le dépouillement qui rassasie. Ainsi, l’authentique nourriture qu’est le Christ a le don de nous rendre aussi vulnérables et impuissants que l’Amour lui-même.

Depuis trois jours, Jésus retenait la foule par ses enseignements. À la fois compatissant et soucieux, à la fois responsable aussi, Jésus ne veut pas renvoyer cette foule sur les chemins, le ventre creux. Il est étonnant de lire que ces quatre mille personnes à jeûn, ayant tout délaissé –  champs, activités, maisonnée –  depuis trois jours restaient là, sagement, malgré la faim qui tenaillait durement les enfants et les ennuis d’un retour indéterminé à leur ancienne vie. Quatre mille personnes dans la confiance, ne sachant s’ils pourront manger, ne sachant comment ils retrouveront leurs possessions, ne sachant que faire de cette faim qui les a mis follement en chemin, qui les assoie dans un dénuement tout à coup précieux et tant savouré. Par terre, dans la poussière, les mains et l’estomac vides, la bonté de la Parole et le dépouillement de leur situation les saisissent : vivre dans cette parole, c’est être autrement et plein. Dans la poussière et le rien, ils goûtent le Royaume ici et maintenant dans le recueillement, la faim et les liens. On aurait attendu la révolte. Comblés, la révolte grondait plutôt intérieurement, comment donc rester sur cette faim qui me rassasie en cette vie, cette faim qui me rassasiera pour l’éternité ?

Habituées comme nous à prévoir, maîtriser, compter, calculer, mesurer leur vie pour vivre en dehors et au-dessus d’elle, sur vivre, ces milliers de personnes se sont remises entre les mains de la Parole vivante. Pour elles comme pour soi, la rencontre avec le Christ rompt avec l’ancienne vie, rend grâce avec bonté et fraternité, et nous donne cet appétit insatiable de vivre pour vrai, ce désir de se donner avec sens à autrui comme un levain. Enrichies, comblées, guéries, elles ont accueilli de pain de vie qui fait de l’incertitude et la fragilité de leur vie, de nos vies, une grâce. C’est donc miracle d’abondance et de bonté que de ne pouvoir contrôler, maîtriser, déterminer nos destinées.

Assis dans la poussière avec les quatre mille personnes, nous sourions à voir les corbeilles débordantes de petits pains et de froment se promener de mains en mains. Comme dans l’Amour nous débordant, nous comprenons qu’il y a plus de joie à conquérir le lien qu’à posséder l’autre ou à maîtriser sa vie. Empoignant la corbeille qui passe dans nos mains, nous savons avec une joie sans fin que quelque soit le nombre de pains que nous mangerons, nous aurons encore et toujours creusés par cette faim, la faim des autres et la faim de Lui.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

DROIT D’AUTEUR

La méditation peut être partagée à toutes et à tous, en tout ou en partie, mais le nom de l’auteur et l’indication du centre le Pèlerin avec l’adresse du site (www.lepelerin.org) doivent être inscrits, car les droits d’auteur demeurent. Merci de votre compréhension.