Méditation quotidienne du mercredi 7 juin : D’une enfance à l’autre (No 259 – série 2022 – 2023)

Évangile du mercredi 7 juin – 9e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants » Mc 12, 18-27

En ce temps-là, des sadducéens – ceux qui affirment qu’il n’y a pas de résurrection – vinrent trouver Jésus. Ils l’interrogeaient : « Maître, Moïse nous a prescrit : Si un homme a un frère qui meurt en laissant une femme, mais aucun enfant, il doit épouser la veuve pour susciter une descendance à son frère. Il y avait sept frères ; le premier se maria, et mourut sans laisser de descendance. Le deuxième épousa la veuve, et mourut sans laisser de descendance. Le troisième pareillement. Et aucun des sept ne laissa de descendance. Et en dernier, après eux tous, la femme mourut aussi. À la résurrection, quand ils ressusciteront, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour épouse ? » Jésus leur dit : « N’êtes-vous pas en train de vous égarer, en méconnaissant les Écritures et la puissance de Dieu ? Lorsqu’on ressuscite d’entre les morts, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme les anges dans les cieux. Et sur le fait que les morts ressuscitent, n’avez-vous pas lu dans le livre de Moïse, au récit du buisson ardent, comment Dieu lui a dit : Moi, je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob ? Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Vous vous égarez complètement. »

Méditation

En méditant ce matin sur le Dieu vivant, une autre parole, en écho, fraye son chemin. Pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? (Ac 1.1-11). Enfants, qui de nous ne s’est pas déjà étendus dans l’herbe afin de regarder le ciel pour y décoder les figures secrètes et nuageuses qui se profilaient juste pour nous ? Rester là à contempler le ciel, accueillir la surabondance et le vivant de Dieu qui s’y prélasse. L’enfant saisit qu’il a le même ciel, le même divin en lui. Reflet de ce bleu miraculeux en soi qui éclaire, avec ses joies légères, la promesse d’un grand bonheur délicatement déposée par l’auteur des cieux : celui suspendu au-dessus des têtes baissées, celui intérieur d’une immensité toute convoitée. Dans l’écart entre les deux, nous avions entendu l’appel à aller vers soi, comme vers une terre sacrée. Dans l’écart entre les deux, nous avons lutté avec des anges pour devenir soi, un soi béni et non plus blessé. L’écart entre les cieux s’est rétréci à mesure que nous sommes entrés dans le monde, la promesse du bonheur s’est assoupie et l’enfant a grandi. Mais la traînée bleutée des cieux qui se mouvaient au-dessus de nos têtes et en nos cœurs d’enfants a attisé une ardeur qui nourrit le manque sans rien consumer. Avec l’enfant, le manque a grandi et la morsure du ciel est demeurée. Une brèche nous a ouvert jusqu’à l’infini malgré les blessures et le dénigrement de notre démesure. Oui, le monde et le réel nous ont appris à espérer avec modération mais nous avions déjà goûté à la contemplation, là, à regarder vers le ciel. Le goût du ciel ne s’en est jamais allé et l’écart disparaîtra lorsqu’Il reviendra.

Aujourd’hui, je regarde ces enfants qui m’entourent, penchés sur leurs écrans, maudissant ce ciel déréglé et brûlant, craignant qu’il ne leur tombe sur la tête. Se sont-ils déjà étendus dans l’herbe pour y déchiffrer ce langage secret et nuageux qui leur est adressé ? Ont-ils la moindre idée qu’il s’agit de Dieu et de sa promesse d’un intérieur tapissé de cieux, de soi et de bleu ? Pour nos adolescentes, il n’y a pas d’écart entre deux cieux et leur regard, qui n’a déjà plus rien de l’enfant, ne s’élève ni ne s’abaisse pour chercher le vivant. Parmi les petites morts qui s’annoncent et s’accumulent jusqu’à boucher leur horizon, la mémoire s’éteint et les racines s’assèchent, le goût de l’autre et le goût du ciel deviennent détresse. La consommation d’antidépresseurs a augmenté de 84% entre 2018 et 2022 chez les jeunes filles de 12 à 14 ans au Québec. 40 à 45% d’entre elles s’estiment anxieuses ou dépressives, de façon modérée à sévère. Cet hiver, le tiers des étudiantes des écoles secondaires (12-17 ans) pensaient qu’elles seraient mieux mortes*. Depuis quand les fleurs pensent-elles à mourir lors de leur floraison ? Qu’avons-nous transmis, nous qui nous targuons de témoigner de l’amour d’un Dieu qui fait vivre ? L’amour transmis les consume, l’espérance léguée est modérée, mesurée et bien tassée. Elles ont appris que le vivant de la vie peut décevoir alors que Dieu est chassé de leur mémoire. Qui leur a dit qu’elles étaient nues jusqu’à être dépourvues de ciel en elles ?

Discuter de la succession juridique des épousailles mondaines au Royaume alors que nos jeunes ont le goût de la mort avant même d’entrer dans la vie nous rappelle le tragique de vivre comme si notre cœur n’avait jamais fait l’expérience bouleversante de l’amour. Celui qui inonde de bleu et ravive, celui qui se transmet et délivre, celui qui leur est destiné pour nous faire ressusciter. Cet amour de Dieu, fragile et enfant, qui se donne en esprit est le seul qui accomplit en même temps, la promesse et le vivant. Par nous, Dieu a fait entrer en ce monde ces enfants fleurs en gravant sa promesse sur leur cœur. Promesse d’amour et de vie, promesse du baptême qui nous a légué le pouvoir du Messie de sortir la vie de la mort. Ébréché par l’infini et le regard ébloui, il nous revient de transfigurer le ciel évidé de l’enfance en un espace couleur innocence, il nous revient de chérir nos adolescents en désespérance. Pourquoi restons-nous là à regarder vers le ciel ? Il reviendra, Il est déjà là, à travers nos yeux posés sur eux et sur elles, à travers la promesse de bonheur délicatement déposée au fond d’eux et au plus profond d’elles. En leur rappelant, en les appelant au souvenir du Dieu vivant, à travers eux et à travers elles, Il nous fait régner aux cieux (Ép. 2.6).

https://www.ledevoir.com/societe/sante/792119/sante-publique-jeunes-filles-en-fleurs-du-mal

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

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