La « Porte étroite » du Royaume : « un », à la « foi », je vous prie! – Méditation du mercredi 30 octobre 2024

No 52 – série 2024-2025

Évangile du mercredi 30 octobre 30e semaine du Temps ordinaire

Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« On viendra de l’orient et de l’occident, prendre place au festin dans le royaume de Dieu » Luc (13, 22-30)

En ce temps-là, tandis qu’il faisait route vers Jérusalem, Jésus traversait villes et villages en enseignant. Quelqu’un lui demanda : « Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? » Jésus leur dit : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas. Lorsque le maître de maison se sera levé pour fermer la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte, en disant : “Seigneur, ouvre-nous”, il vous répondra : “Je ne sais pas d’où vous êtes.” Alors vous vous mettrez à dire : “Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places.” Il vous répondra : “Je ne sais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice.” Là, il y aura des pleurs et des grincements de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, et que vous-mêmes, vous serez jetés dehors. Alors on viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu. Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers. »

Méditation – La « Porte étroite » du Royaume : « un », à la « foi », je vous prie!

Chères sœurs et chers frères dans le Christ, l’évangile du jour, de prime abord, peut paraître dur et rebutant. Le salut ne serait-il en définitive que l’affaire d’une élite d’individus triés sur le volet ? Non, en vérité, il est Bonne Nouvelle d’un appel à la foi, à la fidélité à une espérance, à une bienheureuse et bienveillante conversion du cœur de pierre en cœur de chair (Ez 36, 26). Nous rejoignons ici et maintenant Jésus achevant sa prédication en Galilée et prenant le difficile chemin de Jérusalem, incontournable « plaque tournante » de sa v(V)ie et de la nôtre, là où meurent les prophètes, là où il connaîtra sa Passion-Mort-Résurrection, là où l’Église naîtra universellement (Ac 1, 8) de l’ouverture de son côté (Jn 19, 34.37) comme véritable Porte de salut (Jn 10, 7). Mine de rien, tout est là !

Nous sommes effectivement tous et chacun ce Galiléen qui monte, perplexe, non sans raison, à Jérusalem avec Jésus et qui questionne l’accès au salut qui n’est pas mince affaire comme en témoigne le destin du Nazaréen et le quotidien de nos jours. Or, nous pouvons choisir de marcher plus ou moins à distance de Jésus en simples touristes, profitant du paysage, des plaisirs de la route et de l’air du temps, insouciants parce qu’assurés et enorgueillis par le poids de notre bagage, convaincus « d’avoir en mains l’affaire gagnée d’avance », puis… de « passer littéralement à côté » de la Porte étroite du Royaume. Ou nous pouvons choisir d’emboîter le pas de Jésus en pèlerins engagés, cheminant dans la foi, l’espérance et la charité, dépouillés, tout comme Lui, de ce qui nous alourdit inutilement et nous tient subrepticement à distance de nous-mêmes, de Lui et de l’autre, pour entrer humblement dans la Communion divinement salvatrice. Choisir, c’est inhéremment renoncer, d’où la paradoxale étroitesse humaine et la Divine Grandeur de cette Porte.

Contrairement à ce que nous pouvons d’emblée penser, elle n’est pas restrictive. Elle est plutôt la condition de possibilité de l’élargissement de l’horizon de salut. Elle est grande ouverte à tous. Toutefois, elle est étroite parce qu’elle ne permet le passage que d’une personne à la fois, signifiant par le fait même qu’elle requiert instamment un « oui » personnel et inconditionnel dont nul n’est dispensé en raison de pseudo-privilèges de naissance, d’appartenance ou de droits acquis découlant de supposés mérites accumulés. Par cette parabole, Jésus nous révèle qu’en Lui et à son exemple, nous ne sommes jamais acculés au pied du mur, mais plutôt posés au pied de la Porte, perpétuellement interpellés à Le rencontrer « justement » en soi et en l’autre : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez-lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi » (Ac 3, 20).

Cette « Porte étroite », symboliquement évoquée par l’entrée exigüe de la Basilique de la Nativité à Bethléem, invite, au prix d’efforts engagés et de lutte à finir[1], à s’abaisser avec confiante humilité, à se pencher vers soi et vers l’a(A)utre, afin d’être reconnus et de se « re-con-naître » dignement tous et chacun pauvres et pécheurs, de porter notre croix de « Jérusalem », c’est-à-dire de marcher notre vie telle qu’elle se présente, et de laisser Dieu en Jésus-Christ ne faire « qu’un à la “ foi ” avec nous » dans l’accueil du salut en Son Royaume. Il va sans dire que ce Royaume n’est évidemment pas un lieu, mais un état d’être et d’agir à la suite du Christ dans l’Esprit. « Fixant sur eux son regard, Jésus dit : “ Pour les hommes, impossible, mais non pour Dieu : car tout est possible pour Dieu ” » (Mc, 10, 27).  Bref, cette renaissance salvatrice est avant tout un don de Dieu qui exige une réponse, une responsabilité personnelle, et elle passe par l’étroite Porte qui est l’espace de cette rencontre, en Jésus-Christ, de la patiente miséricorde de Dieu et de la libre volonté des humains à en vivre au sein d’une foi vivante et fidèle en cette Parole de Dieu incarnée dans toutes les pauvretés du monde. « J’aimerais vous proposer quelque chose – disait le pape François. Pensons maintenant un instant, en silence, à tout ce qui nous empêche de franchir cette porte : ma fierté, mon orgueil, mes péchés.

Et puis, pensons à l’autre issue, cette porte grande ouverte par la miséricorde de Dieu qui nous attend de l’autre côté, pour nous accorder son pardon[2] ». Voilà la Justice de Dieu à laquelle nous sommes tous conviés à nous convertir, qu’importe nos misères, pour qu’ainsi revitalisés dans et par cet Amour Miséricordieux en notre identité d’authentiques fils et de filles de Dieu, nous devenions en parole et en actes pour les autres ce même don de Miséricordieux Amour partagé en Jésus-Christ (cf. Mt 25, 31-40). « À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres (Jn 13, 35). […] Si vous demeurer dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples, et vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera (Jn 8, 31-32). Efforçons-nous donc, avec grâce et conviction, les uns les autres, d’entrer, conformément à notre identité et vocation, par la bienheureuse Porte étroite du Seigneur qui est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6). Il est Celui qui nous fait passer de Galiléens, montant douteusement et douloureusement à Jérusalem, à Pèlerins d’Emmaüs cheminant « un pas à la foi(s) », « retournés-réunifiés-vivifiés », et retournant joyeusement et justement à Jérusalem vivre et annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu pour tous ceux qui y consentent et s’y engagent concrètement dans la communion de l’Esprit.

Mais toi, quel est ce seuil de ton existence où tu te sens à l’étroit et hésitant de franchir ? Il correspond sans doute à la Porte étroite du Royaume où Dieu en Jésus-Christ par l’Esprit t’attend pour te faire don et t’y accompagner par la médiation notamment de ton prochain, afin d’élargir ton champ de conscience et de sublimer ton horizon de v(V)ie. N’entends-tu pas son invitation : « retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte [« obombrante »], et prie ton Père qui est là, dans le secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra » (Mt 6, 6). Allez, va, ce qui apparaît comme une « impasse peut devenir passage » (J-Y Leloup) et y « consentir, c’est être sauvé » (Bernard de Clairvaux).

Bénédiction et union de prière !

Dany Charland – danycharland173@gmail.com


[1] Au verset 24, l’évangéliste Luc emploie le verbe grec agônizomaï laissant entendre cette lutte dans les jeux sportifs avec un adversaire que l’on combat. Métaphoriquement, ce verbe évoque également cette lutte engagée avec les difficultés et les dangers de la vie ou celui qui s’efforce d’avoir un extrême zèle et d’obtenir quelque chose.

[2] Pape François, Angelus du 21 août 2016.

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