Méditation quotidienne du mercredi 29 novembre : Évidement (No 87 – série 2023-2024)

Évangile du Mercredi 29 novembre – 34e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu » Lc 21, 12-19

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « On portera la main sur vous et l’on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon nom. Cela vous amènera à rendre témoignage. Mettez-vous donc dans l’esprit que vous n’avez pas à vous préoccuper de votre défense. C’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer. Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d’entre vous. Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie. »

Méditation

Ce passage évangélique révèle une dimension essentielle de la vie spirituelle chrétienne : la participation à la Passion du Christ. « À cause de mon nom », répète le texte, nous serons frappés, persécutés, livrés « aux synagogues et aux prisons », amenés à « comparaître devant des rois et des gouverneurs », trahis par nos proches et détestés. S’il est vrai que nous ne serons pas toutes et tous appelés à vivre une telle radicalité, il n’en demeure pas moins que notre vie s’articule à partir de la Croix.

Sur la Croix, le Christ a pris toutes nos souffrances : ce qui signifie que Lui-même a participé à toutes nos croix, en a porté la souffrance et la mort et qu’Il ne nous a jamais laissés seuls dans notre détresse, spécialement en nous offrant son Esprit (« vous n’avez pas à vous préoccuper de votre défense »).  En contrepartie, comme le veut la logique de l’Amour, nous ne pouvons que désirer faire de même avec Lui, c’est-à-dire le soulager nous aussi dans sa souffrance. Un tel appel nous invite à vivre tous nos jours, dont toute la souffrance qui en fait partie, comme une participation à sa propre souffrance. Une telle participation, qui rend notre fardeau léger car saisis dans son Amour à Lui, n’est pas une recherche de la souffrance mais un acte d’Amour.

Pour le dire autrement, de l’instant où le Fils est sorti du Père, qu’Il a accepté de s’évider pour nous (ce qu’on appelle la kénose) afin de nous communiquer la Vie du Père, Il nous a révélé, par ce geste, que la kénose existe d’abord en Dieu, car sa relation entre le Père et Lui en est une de don total de soi dans l’Amour. Le chemin chrétien en est donc nécessairement un d’évidement de soi par Amour de l’A(a)utre. Et, dans ce mystère d’évidement, dont la Croix et la descente aux enfers sont sur cette terre le sommet, nous entrevoyons en Dieu une nuit/Lumière bien plus grande que la nôtre.

Il y a en Lui plus que nos nuits, il y a la nuit même de Dieu. Quand par nos « petites » nuits nous touchons au mystère du mal, nous ne percevons que la pointe de l’iceberg de la nuit infinie de Dieu, exprimée aussi par l’existence d’un enfer éternel. Nous méditons rarement sur la souffrance de Dieu et sur ce que peut signifier pour le Père, le Fils et l’Esprit de voir mourir ses enfants. Si nous souffrons à notre mesure, Dieu souffre à sa propre mesure… infinie. L’Amour, la Vie, la Vérité,… en la Trinité sont frappés d’un abîme que nous ne pouvons comprendre de par son immensité.

La participation à la Passion du Fils, qui est une Passion trinitaire, où le Père et l’Esprit souffrent de leur séparation avec le Fils, car Celui-ci meure réellement sur la Croix, devient donc, mais à très faible mesure, une participation non seulement à la nuit des humains mais à la nuit de Dieu. Si, d’une manière très pauvre, tout humain participe à cette réalité et que toute mission humaine est participation à la Mission du Fils, et donc à sa Passion humaine et divine, il n’en demeure pas moins que la participation à la nuit Divine est une grâce que nous touchons, mais à notre faible mesure, sans la comprendre.

Toutefois « cette nuit toute sombre est si lumineuse. Cette nuit n’est pas un désespoir mais le vêtement moiré qui cache et (exprime) à la fois le mystère d’amour entre le Père et le Fils dans l’Esprit, et qui recouvre la souffrance et la mort humaines. Cette nuit de la Foi du Fils est d’une humilité et d’une pauvreté inimaginables, prière sans fin vers le Père, disposition éternelle à tout accueillir du Père ».1

Puissions-nous nous rendre entièrement disponibles à Dieu afin qu’Il dispose de nous comme Il le désire et que, par, avec et en ce don de Dieu qu’il a voulu que nous soyons, Il puisse continuer à s’évider d’Amour par, avec et en nous, nous entraînant dans ce mystère de sa Nuit, mystère de son Amour, mystère à l’origine de la création du monde, de l’incarnation du Fils et de sa Passion et Résurrection.

Puisse cet évidement nous révéler la plénitude de l’Amour comme vie pour l’A(a)utre ! Et que cet évidement soit cette « persévérance (d’Amour) à garder (Sa) vie ».

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

  1. Stéfan Thériault, Revivre comme Lazare, Éditions Salvator, Paris, 2016, p.182.

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