No 80 – série 2024-2025
Évangile du mercredi 27 novembre – 34e semaine du Temps ordinaire
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu » (Lc 21, 12-19)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « On portera la main sur vous et l’on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon nom. Cela vous amènera à rendre témoignage. Mettez-vous donc dans l’esprit que vous n’avez pas à vous préoccuper de votre défense. C’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer. Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d’entre vous. Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie. »
Méditation – « Mettez-vous dans l’e(E)sprit » d’une Présence indéfectible
Chers frères et sœurs dans le Christ, à la veille du Temps de l’Avent, nous partons à la rencontre d’un Dieu qui vient en Jésus-Christ pour demeurer au milieu de tous et chacun (Cf. Za 2, 14). « Car voici que le Royaume de Dieu est au milieu de vous » comme une réalité déjà agissante « au-dedans de vous », atteste Jésus (Lc 17, 21). Toutefois, Jésus, dans l’évangile du jour, n’est pas dupe. Au train où vont les choses, point besoin d’être devin pour prédire une ère de persécutions pour lui et les siens. Jésus annonce à ses disciples des poursuites religieuses et judiciaires devant les instances juives et romaines, mais se veut rassurant en les situant dans le plan divin de Salut. « Mettez-vous bien dans l’e[E]sprit que vous n’avez pas à vous préoccuper à l’avance de votre défense. C’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer » (Lc 21, 14-15). « C’est moi ! »
Comme il l’avait dit, marchant sur les « eaux du mal », « ayez confiance, c’est moi, soyez sans crainte » (Mt 14, 27). « Je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet pour qu’il soit avec vous à jamais […] Je ne vous laisserai pas orphelin. Je viendrai vers vous, […] vous verrez que je vis et vous aussi, vous vivrez » (Jn 14, 16.18-19). « C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie […] et pas un cheveu de votre tête, [croyez-moi], ne sera perdu » (Lc 21, 19). Qu’on se le tienne pour dit au plus profond de notre cœur; « mettez-vous bien dans l’e[E]sprit » ! Or, qu’il me soit permis un anachronisme qui n’en est sans doute pas en un dans l’Éternel Présent de Dieu au cœur de l’histoire du Salut. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Jésus parle en connaissance de cause. En effet, pas plus tard que dimanche dernier, il comparaissait lui-même devant Pilate, incarnant dans toutes les fibres de son être sa paradoxale et renversante royauté seigneuriale où l’amour du pouvoir fait place au pouvoir de l’Amour.
Alors que tout portait à croire que « ça allait mal finir », il prêcha alors par l’exemple, incarnant lui-même la Parole de sa prédication devant Pilate. Le mal, mère de tous les maux, Jésus-Christ le connaît bien de tout son être sans en être pourtant empêtré, il marche dessus à sueur et à sang, nous assurant que jamais ce « contre-destin du mal[1] », cet « anti-destin de l’homme[2] », n’aura le dernier mot, car il est l’anti-échec par excellence par sa vie, sa mort et sa résurrection « au milieu de nous ». N’ayons donc crainte de le placer au centre de notre vie, de porter avec lui le joug qui nous lie, afin d’y trouver le repos en toutes circonstances (Cf. Mt 11, 28). Au milieu de nous, il nous invite et nous attend, assis à la Source du Père, afin de nous « repos…itionner » par Lui, avec Lui et en Lui dans notre véritable identité filiale.
Si « eux », proches ou lointains, te livrent au mal, « Lui » délivre toujours-déjà du mal, quel qu’en soit la nature et l’infranchissable portée à tes yeux. Le choix de « bien se mettre dans l’e(E)sprit » repose, au centre de l’agitation désordonnée du mal-adverse, dans une attente et une attitude priantes – un « tendre constant vers » Dieu – enchâssées dans l’écrin du cœur profond. Ce joyau recèle, d’une part, un lâcher-prise de cette part et de cette peur ténébreuses et mortifères en nous qui refusent notre finitude humaine au bénéfice, d’autre part, d’un tenir-bon-d’Amour bienveillant et bienfaisant, fermement enraciné et fleurissant au cœur de la révélation progressive de notre identité filiale et de notre v(V)ie-en-Dieu dans et par la foi, la charité et l’espérance, cette « armure de Dieu » évoquée par Saint Paul (Ep 6, 13-18).
Mais, toi, quelles sont dans ton être et ta vie les affres bien concrètes du mal-adverse auxquelles tu es paradoxalement attaché malgré toi, te « persécutant », insinuant pernicieusement le venin du doute malveillant dans ta confiance en toi-même, en l’a(A)utre et en la v(V)ie, le repli frileux et intéressé dans ton amour, la démission résignée encline à la mort dans ton espérance ? « Va », qu’importe ton mal-adverse. Rejoins avec hâte, dans la chambre haute de ton cœur, Celui qui t’attend en tenant-bon-dans-la-Vie-et-l’Amour, cloué d’une main au bois du supplice et de la supplication, mais lâchant-gracieusement-prise-sur-la-mort de l’autre main, pour te la tendre miséricordieusement et te relever, afin que, debout au pied de la Croix, imprégné et débordant de son inaltérable Foi-Amour-Espérance suintant de son côté, tu chantes la Gloire du Père qui est « Homme Vivant » dans la communion de l’Esprit. « C’est moi, t’inquiète, même si je n’ai pas belle figure! », rappelle Jésus ».
Rappelons-nous justement ces trois jeunes gens jetés dans la fournaise par le roi Nabuchodonosor. Stupéfait, le roi disait : « “Mais je vois quatre hommes en liberté qui se promènent dans le feu sans qu’il leur arrive de mal, et le quatrième a l’aspect d’un fils des dieux.” […] “ Béni soit le Dieu de Shadrak, Meshak et Abed Nego […] car il n’est pas d’autre dieu qui puisse délivrer de la sorte » (Dn 3, 25.28-29). Ainsi, on renaît et on n’est pas chrétien tout seul, puisque nul n’est une île. Ensemble, avec l’autre, et superlativement en Présence de l’Autre, l’Emmanuel – Dieu-avec-nous – nous sommes plus forts, courageux, vainqueurs du mal et portés plus loin à cause de Lui.
C’est d’ailleurs pourquoi, nous sommes appelés à devenir ambassadeurs du Christ (2 Co 5, 20) et à « rendre témoignage » (Lc 21,13) à l’Amour et la Vie en toutes circonstances, afin que la Lumière brille dans les ténèbres au milieu de notre monde intérieur et extérieur. Dieu en Jésus-Christ-en-Croix, puissante fragilité, a besoin de nous pour se donner et enlacer l’humanité et toute la Création de ses bras, et faire voir le monde Autrement, dans l’horizon du Divin Salut. Puissions-nous toujours-déjà vivre la grâce de ne jamais perdre de vue, oh ! combien renversante, qu’à l’orée du chemin du Calvaire imminent, Jésus priait pourtant pour nous : « C’est pour eux que je prie » (Jn 17, 9).
Alors, aux heures où notre chemin mène à Gethsémani, tentés de tout abandonner et de l’y abandonner du même coup, toujours-déjà Jésus prie, et nous prie de tenir-bon en choisissant, avec Lui, la Vie, et de lâcher-prise sur nos détours mortifères et mortifiants, en nous abandonnant à l’Amour miséricordieux du Père dans la communion de l’Esprit : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23, 43). Or, selon l’expression consacrée de Maurice Zundel, « le paradis, on n‘y entre pas, on le devient! ». Or, toi qui médites avec moi l’évangile du jour sur le chemin qui est le tien, susurre avec moi à l’oreille de Jésus cette prière tirée d’un très beau cantique de Taizé : « Jésus-Christ, lumière intérieure. Ne laisse pas mes ténèbres me parler […] Donne-moi d’accueillir ton Amour ». Car, « oui, j’en ai l’assurance, [rien…] ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 8, 38-39).
Bénédiction et union de prière !
Dany Charland – danycharland173@gmail.com
[1] Adophe Gesché, Le mal, « Dieu pour penser », no I, Paris, Cerf, 1993, p. 74.
[2] Ibid., p. 95.
DROIT D’AUTEUR
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