Méditation quotidienne du mercredi 22 mai : Pour une autre Église (No 248 – série 2023-2024)

Évangile du Mercredi 22 mai 7ème Semaine du Temps Ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Celui qui n’est pas contre nous est pour nous » Mc 9, 38-40

En ce temps-là, Jean, l’un des Douze, disait à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. » Jésus répondit : « Ne l’en empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous. »

Méditation

Je trouve que la compréhension de l’Église que nous offre ce texte est essentielle. Les apôtres apprennent à marcher avec Jésus et, rapidement, cette Église qui se forme et qui doit être au service du monde entier veut se refermer sur elle-même, en se centrant sur un petit groupe de privilégiés. Plus encore, les pouvoirs que Jésus a donné à ses apôtres semblent réservés : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. »

Cette tendance à se refermer et à se réserver des pouvoirs a toujours traversé l’Église. Elle a été la source d’un cléricalisme qui nous hante encore et d’une hiérarchie des états de vie chrétiens qui place en haut de la pyramide, évêques et prêtres, suivis des religieux et religieuses et, au bas de l’échelle, les pauvres laïcs. Nous avons toutefois une espérance de changement avec les résultats du Synode sur la synodalité où tous les états de vie chrétiens sont placés sur le même pied, avec des charismes différents, et où l’Église est vue comme un peuple en communion.

Un tel changement possible nous encourage à revoir absolument nos façons de saisir l’Église et de ce que nous avons appelé l’évangélisation. Depuis trop longtemps, nous réduisons l’Église à son institution et aux personnes qui sont baptisés mais, comme le Christ est mort pour toutes et tous, l’Église est, en réalité, toute l’humanité… de toutes races, de toutes cultures, de toutes religions, etc. L’Église est cette humanité sauvée. Il n’y a donc pas nous et les autres mais une humanité Corps du Christ.

Aussi, quand on parle d’évangélisation, il ne s’agit pas d’une Église en sortie, dans le sens que nous allons vers les personnes qui sont en dehors de l’Église mais, bien plutôt, évangélisation vue comme une marche avec des frères et des sœurs qui cherchent ensemble à devenir Évangile; ce qui veut dire concrètement d’aider chaque homme et chaque femme à découvrir la parole de Dieu unique qu’elle est dans l’Unique Parole qu’est le Fils. Nous n’allons donc pas vers les autres pour imposer une Parole mais pour aider chacun.e à naître à sa propre parole de Dieu. C’est, d’ailleurs, dans cette perspective qu’il nous faut saisir cette Église en sortie.

La sortie de l’Église est une participation à la « sortie » du Fils d’auprès du Père : « Lui, de condition divine, ne retient pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes. S’étant comporté comme un homme, il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix ! (Jn 2, 6-8). Notre « sortie » est, donc, à la suite du Christ, une incarnation, une kénose de notre don, de notre parole de Dieu unique, un « perdre sa vie » par Amour de nos frères et sœurs. Il n’est donc pas un pouvoir mais une livraison de soi. Et l’exemple donné de chasser les démons dans cet Évangile nous rappelle bien que cette livraison est celle d’un salut à communiquer, c’est-à-dire d’une libération de nos frères et sœurs du mal qui les assaille. À ce titre, c’est le désir très profond de travailler à une humanité en communion non à partir de la mort du mal mais de la Vie de Dieu.

En somme, ce que ce texte, me semble-t-il, nous révèle est que toutes et tous nous formons Église et nous sommes tous frères et sœurs d’un même Dieu. L’Église n’est pas au service d’une religion ou d’un pouvoir mais de chaque femme et de chaque homme afin qu’ils sachent que Dieu les aime infiniment et qu’ils portent un don de Dieu unique qui les fait filles ou fils de Dieu, et donc héritiers de ce Dieu infini. L’évangélisation est donc cet appel à libérer nos sœurs et nos frères du mal en leur donnant de naître à la parole de Dieu unique qu’ils sont et, ainsi, devenir eux-mêmes Évangiles vivants pour ce monde.

Ainsi, l’évangélisation est d’aider chacun à prendre « parole de Dieu » sur leur vie et devenir alors les témoins du Tout Autre. Et son but demeurera toujours, ce que Dieu désire le plus pour nous, que nous partagions son Amour et sa Vie afin de n’être plus qu’UN en Lui. Il n’y a donc pas nous puis les autres, ou les gens du dehors et nous du dedans, mais un seul Dieu qui est en toutes et en tous. Et nous comprenons que le plus grand défi de l’évangélisation est pour l’Église-Corps du Christ de vivre chaque instant dans une conversion continuelle qui implique la kénose (le don incarné) de nos vies par Amour.

Si bien que « celui qui n’est pas contre nous est pour nous », car n’est contre nous que la personne qui vit contre sa nature propre, sa parole de Dieu unique propre, car elle vit dans la mort au lieu de vivre dans la Vie. Elle vit « contre » la Vie de Dieu qui l’habite.

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

DROIT D’AUTEUR

La méditation peut être partagée à toutes et à tous, en tout ou en partie, mais le nom de l’auteur et l’indication du centre le Pèlerin avec l’adresse du site (www.lepelerin.org) doivent être inscrits, car les droits d’auteur demeurent. Merci de votre compréhension.