No 122 – série 2024-2025
Évangile du mercredi 22 janvier – 2ème semaine du temps ordinaire
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Est-il permis, le jour du sabbat, de sauver une vie ou de tuer ? » (Mc 3, 1-6)
En ce temps-là, Jésus entra de nouveau dans une synagogue ; il y avait là un homme dont la main était atrophiée. On observait Jésus pour voir s’il le guérirait le jour du sabbat. C’était afin de pouvoir l’accuser. Il dit à l’homme qui avait la main atrophiée : « Lève-toi, viens au milieu. » Et s’adressant aux autres : « Est-il permis, le jour du sabbat, de faire le bien ou de faire le mal ? de sauver une vie ou de tuer ? » Mais eux se taisaient. Alors, promenant sur eux un regard de colère, navré de l’endurcissement de leurs cœurs, il dit à l’homme : « Étends la main. » Il l’étendit, et sa main redevint normale.
Une fois sortis, les pharisiens se réunirent en conseil avec les partisans d’Hérode contre Jésus, pour voir comment le faire périr.
Méditation – Pas de main morte mais le cœur sur la main et la main sur le cœur
Depuis quelques jours, nous cheminons avec Jésus et ses disciples au cœur d’une controverse dont l’intensité, ma foi, atteint aujourd’hui son paroxysme de malversations, mais qui continue paradoxalement à être Source de Vie. Nous contemplons en Jésus celui qui, en dépit des circonstances troublantes, n’a pas froid aux yeux, mais a profondément foi en Dieu son Père et en son projet d’alliance salvatrice. En son âme et conscience, Jésus n’y va pas de main morte en faveur de la Bonne Nouvelle qu’il incarne, à tel point que, des ennemis jurés, pharisiens et hérodiens, se liguent contre lui dans une curieuse alliance pour le faire périr. Ses paroles et ses gestes de salut gênent « dangereusement » les pouvoirs en place selon leur propre lecture. Qu’à cela ne tienne, Jésus ressent, lui, qu’il a le cœur serti en Dieu son Père et qu’il donne ainsi des mains à Sa Providence. Ce « Sacré-Cœur » désire ardemment tout attendrir dans son passage et débordement d’Amour allant même jusqu’à la sainte colère qui n’est jamais une haine de l’autre. Jésus interpelle ses interlocuteurs, avec toute la vigueur de sa conviction, à détourner audacieusement le regard de l’interprétation étroite et de la pratique extérieure de la lettre de la Loi, afin de plutôt la repositionner intérieurement selon son e(E)sprit au service de la Vie. Rabbi Jésus s’autorise et s’affaire alors, en Fils de l’homme et maître du sabbat, à attirer l’attention sur l’essentiel au milieu de la synagogue de Capharnaüm en tout respect du jour du sabbat. En fait, il n’a de yeux que pour l’être souffrant et inaperçu de cet homme à la main atrophiée. Il en fait son centre d’attraction compatissante et le lieu de son Être-Parole agissant pour célébrer la manifestation du Royaume qui s’annonce et en rendre gloire à Dieu. Il honore ainsi le sens du sabbat en libérant cet homme éprouvé et le sabbat lui-même des convenances socioreligieuses qu’il juge délétères. Pour Jésus, et il le ressent très bien au milieu de la synagogue, il est question hic et nunc de vie et de mort. Pour lui, le temps n’est plus d’interdire mais de permettre – « est-il permis », demande-t-il – à la v(V)ie de renaître et de circuler à nouveau au cœur de la part sclérosée de notre être, de nos relations et de nos communautés au Jour du Seigneur ? Pour Jésus, poser la question est y répondre. Pour lui, il ne s’agit pas ici de guérir – le travail de thaumaturge étant interdit le jour du sabbat sous peine d’exclusion et de mort (Ex 31, 14) – mais de sauver, le sauvetage étant permis légalement le jour du repos sacré (Dt 22, 4). Or, à l’instar de Moïse et Aaron au désert, obéissant au « commandement » de Yahvé ayant suscité le déferlement des dix plaies d’Égypte (Ex 7, 19-10, 22) et l’ouverture-fermeture de la Mer Rouge (Ex 14, 15-31), Jésus reprend les mêmes mots émergeant du divin GPS – Geste-Parole-Salut – qui fraie un chemin libérateur au cœur de la rigidité du mal asséchant et paralysant et achemine en terre promise : « Étends la main » (v. 5), comme il étendit lui-même la main pour purifier le lépreux en un autre temps, un autre lieu (Lc 5, 13). Jésus prend ainsi à contre-pieds ces endurcis du cœur qui, refusant de se plier humblement à la Parole de salut, s’apprêtent néanmoins ironiquement à faire souffrir, à mettre à mort et à enfreindre ainsi dans leur aveuglement cet autre, d’autant plus important, commandement : « Tu ne tueras point » (Ex 20, 13). Sauver une vie, non, mais tuer, pourquoi pas ? Comme le constate Jésus, certains ont le cœur sur la main et d’autres bien enfermé dans le coffre, pour ne pas dire dans le tombeau, de leurs certitudes. Mais, lui, selon la volonté de son Père et pour sa plus grande Gloire, choisit de se faire l’ami de tous sans oublier aucun souffrant, car le véritable « ami, c’est quelqu’un qui atteint ta main et te touche le cœur (auteur inconnu).
Alors, le Seigneur nous appelle, moi comme toi, à accueillir et à lui confier, en toute humilité, nos rigidités mortifères, nos repliements frileux et nos zones de sécheresse qui reposent, stagnants, au cœur de notre être, de nos relations et de nos lieux de communion. Ne ressentons-nous pas, en cet appel, cette sainte colère du Fils qui gronde en ses mots salutaires repris du prophète Osée (6, 6) : « Allez donc apprendre ce que signifie : “C’est la miséricorde que je veux, et non le sacrifice” » (Mt 9, 13). « Étendons donc la main », irriguée par sa grâce, pour recevoir le don de la vie en abondance, cette promesse dont la puissance nous libère du mal, de ce qui nous fait mal. Sous l’inspiration du Souffle de l’Esprit, accordons-nous, au besoin en accompagnement spirituel, la permission de remettre en doute les « articles de loi » de nos supposées certitudes sur nous-mêmes, sur les autres, sur la Création et sur Dieu. En effet, comme le mentionne à juste titre le personnage principal du long métrage Conclave (2024), le cardinal Lawrence : « S’il n’y avait que la certitude et aucun doute, il n’y aurait aucun mystère, et sans mystère, il n’y aurait plus de foi ». Sans cette troublante prise de conscience et cet acte de foi, nous risquons fort de pérenniser ces « lois », sur lesquelles nous avons fermé la main et dans lesquelles nous avons enfermé le cœur. Elles ont malheureusement permis d’ériger intérieurement et extérieurement des murs imperméables à l’Amour nous empêchant de vivre véritablement le « sabbat du cœur » (s. Augustin). Or, ce « sabbat du cœur » ne trouve effectivement son plein accomplissement que dans les mains gracieusement tendues et ouvertes pour tout recevoir et tout donner avec le cœur sur la main et la main sur le cœur. Gardons toutefois à l’e(E)sprit que « dans les choses où le cœur n’est, la main n’est jamais puissante » (Jules Barbey d’Aurevilly). Alors, en cette semaine spéciale pour l’unité des chrétiens, unité que l’on désire tant intérieure qu’extérieure, faisons nôtre, et surtout « pas de main morte », cette invitation de s. Mère Teresa : « Donne tes mains pour servir et ton cœur pour aimer ». Chaque jour est une bonne journée pour étendre la main et reposer de tout cœur en Dieu pour sa plus grande Gloire et le salut du monde, c’est le Fils qui vous le dit !
Bénédiction et union de prière !
Dany Charland – danycharland173@gmail.com
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