No 24 – série 2024-2025
Évangile du mercredi 2 octobre – 26e semaine du Temps ordinaire
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Leurs anges dans les cieux voient sans cesse la face de mon Père qui est aux cieux » Matthieu (18, 1-5.10)
À ce moment là, les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Qui donc est le plus grand dans le royaume des Cieux ? » Alors Jésus appela un petit enfant ; il le plaça au milieu d’eux, et il déclara : « Amen, je vous le dis : si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. Mais celui qui se fera petit comme cet enfant, celui-là est le plus grand dans le royaume des Cieux. Et celui qui accueille un enfant comme celui-ci en mon nom, il m’accueille, moi. Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits, car, je vous le dis, leurs anges dans les cieux voient sans cesse la face de mon Père qui est aux cieux. »
Méditation – Tous « égo » ou égaux ? Être à la « hauteur de Dieu », mon ange !
Chers frères et chères sœurs en Jésus-Christ, en « dépliant » les textes liturgiques du jour, et a fortiori en cette fête des saints anges gardiens, je vous avoue être encore tombé des nues, voire à la renverse. D’évidence, il ne peut en être autrement en Jésus-Christ, me direz-vous en toute simplicité. Soit. Pourtant, je ne m’y habitue bienheureusement pas, toujours gracieusement surpris, dérouté, voire frappé de plein fouet par l’inattendue et inédite Humilité de Dieu. Elle sourd et se donne, telle une source jaillissante, au cœur de mon enfant intérieur interpelé à devenir pleinement fils et, par le fait même, parole du Père dans l’Unique Parole qu’est le Fils dans la communion de l’Esprit.
Or, tel un enfant qui trébuche en apprenant à marcher vers sa mère ou son père, je goûte, malgré cela, la joie consolatrice d’être relevé et encouragé à reprendre le pas, ayant foi, c’est-à-dire cette fidélité à une espérance, que « celui qui tombe et qui se relève [en Dieu] est bien plus fort que celui qui ne tombe jamais », stipule François Gervais. Puis tiens, voilà que s’entonne étonnamment et mystérieusement en moi ce couplet d’une chanson d’Éric Lapointe : « Mon ange, il est temps que je change le visage de mon Dieu. Veux-tu étendre ta beauté sur mes brûlures ? Mon ange, les anges ont tes yeux, j’en suis sûr. Si tu savais tout c’que j’te jure, du fond de mon armure »1.
Ne serait-ce pas, aujourd’hui même, à la lumière de l’Évangile, que je suis convié à accueillir et intégrer un renversement de perspective, un « voir Autrement », et à devenir moi-même « renversant » de la Gloire de Dieu incarnée en « l’Homme Vivant » dans ma vie ? Cette Divine Parole Filiale révèle le Cœur même de Dieu qui, de toute éternité, n’a jamais dédaigné de s’abaisser à notre hauteur, souvent vaniteuse, et de prendre sur Lui la pauvreté de nos blessures et de notre orgueil peccamineux, tout-puissant ou « culpabiliste »2.
Or, Jésus-Christ, en s’identifiant à l’enfant, court-circuite les logiques hiérarchiques infernales et nous invite à faire de même : « celui qui accueille un enfant comme celui-ci en mon nom, il m’accueille, moi » (v. 5). Ne dit-on pas d’ailleurs communément qu’un être humain n’est jamais aussi grand que lorsqu’il est à genoux pour aider un enfant ? « Devenir ainsi petit » est notre réponse à Dieu et notre vocation en Dieu qui coïncident avec Son Désir Salvateur en nous, pour nous, avec nous et par nous. Nulle question ici de nous humilier dans un élan doloriste mortifère, mais de renoncer plutôt à nos élans de grandeur pour habiter notre juste place de fils et filles de Dieu en Jésus-Christ, ne dérobant pas la place du Père, mais laissant Dieu être Dieu.
Mais, qu’il est difficile de laisser Dieu être Dieu dans notre vie ! Qu’il est difficile de consentir et de prendre la mesure, en Jésus-Christ dans la communion de l’Esprit, de « la grandeur du Royaume de Dieu », et de prendre, comme Lui, à bras-le-corps et à cœur mais jamais à la légère, l’enfant, l’humble petit, pour le soulever avec tendresse et le poser continuellement au beau milieu, debout, en soi et autour de soi. Voilà le sens évangélique de la véritable grandeur qui n’a aucune mesure avec les lois du plus fort ou du plus grand ni avec le jeu des gens parfaits où le paraître méprise l’être. Ces subterfuges, au contraire, dénaturent nos identités, nos relations et nos communions et fourvoient leur sain/saint devenir d’accomplissement. « Le corps grandit en prenant de la taille. L’esprit grandit en perdant de la hauteur »3, concluait à juste titre feu Christian Bobin.
Alors, ne ressens-tu pas, en toi et autour de toi, l’appel à « re-con-naître » – littéralement : à naître de nouveau avec l’a(A)utre – en véritable enfant du Père, LA Grandeur à accueillir en plein cœur de la richesse de ta pauvreté fondatrice (tout recevoir, tout donner) et de ton humilité confiante ? Sainte Mère Teresa disait que seule lui importait cette disposition du cœur : « ma faiblesse et Sa grandeur. Je crains tout de ma faiblesse – je fais aveuglément confiance à Sa grandeur ». Comme elle l’a éprouvé et exprimé dans et par sa vie, jusque même dans « le royaume de sa nuit », ceux et celles qui acceptent et s’engagent gracieusement à se mettre à « hauteur d’enfants », des « petits », « risquent » davantage, dans la foi en Jésus-Christ par l’Esprit, de croiser le regard du Père, de le rencontrer, de discerner sa voix et de vivre en communion par et avec Lui.
Car c’est le propre du Dieu de Jésus-Christ de s’abaisser à hauteur d’hommes, nous invitant du coup à faire « eucharistiquement » de même pour collaborer à l’instauration du Royaume, afin que tous et chacune en vivent éternellement dans la communion divine. « Chaque fois que vous aidez quelqu’un à se mettre debout, vous aidez l’humanité à se relever », rappelle sagement Steve Marabou. Alors, pour reprendre à mon compte une assertion du Dr Deepak Chopra : « Let it go [l’ego] and let God » faire de nous tous des enfants de Dieu égaux en dignité qu’importe notre condition de pauvreté.
Que ses saints anges gardiens, reconnus comme « vérité de foi » dans l’Église catholique, veillent sur nous, afin de nous garder à la bonne hauteur, à la hauteur de son Véritable Amour Miséricordieux pour nous-même et pour l’a(A)utre, puisque de « l’enfance au trépas, la vie humaine est entourée de leur garde et de leur intercession. Chaque fidèle a à ses côtés un ange comme protecteur et pasteur pour le conduire à la vie. Dès ici-bas, la vie chrétienne participe, dans la foi, à la société bienheureuse des anges et des hommes, unis en Dieu » (CEC, § 336).
Or, en méditant cette Parole de Dieu en ce jour, ne ressentez-vous pas l’appel à joindre votre voix aux anges pour louer Dieu notre Père, Trinité d’Amour ? Moi si ! Cette louange s’épanche de mon cœur: « Admirable grandeur. Étonnante bonté. Du maître de l’univers. Qui s’humilie pour nous. Au point de se cacher. Dans une petite hostie de pain. Regardez l’humilité de Dieu. […] Faites-vous tout petits. Vous aussi devant Dieu. Pour être élevés par lui. Ne gardez rien pour vous. Offrez tout entier. À ce Dieu qui se donne à vous. Regardez l’humilité de Dieu. Regardez l’humilité de Dieu. Regardez l’humilité de Dieu. Et faites-lui l’hommage de vos cœurs ».
Bénédiction et union de prière !
Dany Charland – danycharland173@gmail.com
1 « Mon ange », À l’ombre de l’ange, 1999.
2 Néologisme, le « culpabilisme » désigne cette fausse culpabilité a priori et permanente, une culpabilité morbide et poussée à la dérive, marquée par la peur et qui barre le chemin à tout redressement. Cf. Adolphe Gesché, Le mal, coll. « Dieu pour penser », no 1, Paris, Cerf, 2002, pp. 102 & 114-115.
3 Cité dans Olympia Alberti, Le Royaume de sa nuit. Mère Teresa. Le récit d’une vie, Paris, First Editions, 2010, p. 169.
4 Catéchisme de l’Église catholique (CEC) § 328.
5 Extrait de « Regardez l’humilité de Dieu », chanson de Graines de saints, 2015.
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