Évangile du Mercredi 18 octobre – Saint Luc – 28e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux » Lc 10, 1-9
En ce temps-là, parmi les disciples, le Seigneur en désigna encore 72, et il les envoya deux par deux, en avant de lui, en toute ville et localité où lui-même allait se rendre. Il leur dit : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin. Mais dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : “Paix à cette maison.” S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous. Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l’on vous sert ; car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison. Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis, mangez ce qui vous est présenté. Guérissez les malades qui s’y trouvent et dites-leur : “Le règne de Dieu s’est approché de vous.” »
Méditation
Nous avons déjà commenté ce texte à la Méditation 32. Aujourd’hui, j’aimerais m’attacher à un point de cet Évangile et où le génie du Christ apparaît : « le Seigneur en désigna encore 72, et il les envoya deux par deux ».
Dans ces simples mots, se trouve pour moi une clef pour nos dérives égoïstes en Église. Je l’ai vu dans ma vie, je l’ai vu dans des paroisses, dans des communautés religieuses ou dans des organismes : il nous est si facile de faire nos projets, de préparer nos plans et de les exécuter soi-même et, peut-être, avec l’aide de quelques personnes. Je me souviens entre autres d’un soir, quand j’étais en communauté religieuse, où j’ai trouvé un confrère, entré à peine depuis un an, pleurer seul dans une grande salle à minuit du soir. Je me suis assis avec lui et il m’a dit : « Je n’en peux plus, ce n’est pas pour cela que je suis entré. J’ai l’impression d’être dans un hôtel où chacun vit sa petite vie religieuse, fait ses petites affaires, mais où est la communauté ? ». N’est-ce pas là un vieux drame de notre Église, spécialement quand sa structure est pyramidale ?
Dans l’Évangile, Jésus les envoie deux par deux. Et il dit, dans un autre texte : « Que deux ou trois, en effet, soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Mt 18, 20). Cela me fait réfléchir que tous nos projets devraient non seulement être travaillés collégialement en équipe mais qu’ils devraient être aussi réalisés ensemble. Il me semble trouver ici un antidote puissant, communionnel, à toutes nos dérives égoïstes et sectaires. Cet antidote est puissant, car Jésus nous dit que si nous agissons ainsi, Il est là au milieu de nous et, pourrions-nous ajouter, qu’il y a là une sorte d’assurance que le projet prendra plus les couleurs de Dieu et sera plus porteur de sa Vie.
À relire ce texte dans cette lumière, pouvons-nous penser que la condition pour ce “marcher ensemble” est de « ne porter ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluer personne en chemin ». N’est-ce pas vrai que cet « appel » à la communion, du départ à la fin de la mission, nous oblige à chaque pas à écouter les autres, à leur laisser de la place, à être déplacé intérieurement par les autres, à se laisser questionner et corriger (correction fraternelle) sur nos façons d’agir, nos paroles, ou nos manières de vivre les relations, à apprendre par le regard des autres à voir autrement, etc. ? N’est-ce pas vrai, et de manière plus significative encore, que, dans cette marche accompagnée, les autres sont des paroles de Dieu qui nous engendrent et nous sauvent, qu’ils sont « une lampe sur nos pas, (une) parole, une lumière sur notre route » (Ps 119, 105), une source du Souffle de Vie qui nous balaie le cœur et le revivifie, une grâce de conversion, etc. ?
Bien sûr, ce chemin n’est pas facile, car il nous dépouille de notre bourse, de notre sac et de nos sandales ne pouvant marcher avec les autres et le Tout Autre sans y laisser de soi-même, sans abandonner certains attachements ou habitudes auxquelles nous nous agrippons, sans entrer continuellement dans une attitude de pardon face à soi et face aux autres, si mis à nus dans nos imperfections… De plus, un tel chemin nous oblige à « ne saluer personne en chemin », ce que je lis comme autant de fuites vers des consolations, vers ce besoin d’être confirmé dans ce que nous faisons, vers cette nécessité de multiplier les temps de repos, de distractions, que nous jugeons nécessaires, pour poursuivre la route, …
Quelle grâce que cette Église de l’accompagnement où nous marchons ensemble avec nos frères et sœurs continuellement, grâce à eux, mis à disposition de Dieu et des humains ! Un groupe de frères et de sœurs qui répondent à cette exigence, du deux et plus, de la mission posée par Jésus, et qui vivent dans l’écoute de cette Présence au milieu d’eux, sont déjà le témoignage d’une communion et vivent cette eucharistie de leurs vies partagées par, avec et en le Christ. Je crois personnellement que nous avons beaucoup perdu cette qualité de communion, de synodalité (du synode actuel du même nom), d’accompagnement. Nous avons perdu le sens de la mission qui ne peut naître que de la communion et mener à elle. Que cet Évangile éclaire notre route !
Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)
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