Afin qu’Il ne passe pas inaperçu, mais plutôt aimé/aimant en toi, moi, nous ! – Méditation du mercredi 16 octobre 2024

No 38 – série 2024-2025

Évangile du mercredi 16 octobre 28e semaine du Temps ordinaire

Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Quel malheur pour vous, pharisiens ! Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous ! » Luc (11, 42-46)

En ce temps-là, Jésus disait : « Quel malheur pour vous, pharisiens, parce que vous payez la dîme sur toutes les plantes du jardin, comme la menthe et la rue, et vous passez à côté du jugement et de l’amour de Dieu. Ceci, il fallait l’observer, sans abandonner cela. Quel malheur pour vous, pharisiens, parce que vous aimez le premier siège dans les synagogues, et les salutations sur les places publiques. Quel malheur pour vous, parce que vous êtes comme ces tombeaux qu’on ne voit pas et sur lesquels on marche sans le savoir. »
Alors un docteur de la Loi prit la parole et lui dit : « Maître, en parlant ainsi, c’est nous aussi que tu insultes. » Jésus reprit : « Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter, et vous-mêmes, vous ne touchez même pas ces fardeaux d’un seul doigt. »

Méditation – Afin qu’Il ne passe pas inaperçu, mais plutôt aimé/aimant en toi, moi, nous !

Chers frères et chères sœurs dans le Christ, l’évangile du jour, à la fois dur et plein d’espérance, me remue toujours beaucoup de l’intérieur. D’une part, il se fait mémorial d’un événement familial marquant de ma vie alors que j’étais à la toute fin de mon adolescence : l’ordination de mon père au diaconat permanent, dont le thème était justement ce texte du Jugement dernier. Mais, d’autre part et plus encore, du fait que le choix de cette Parole « présidait » au cœur de la célébration de l’ordination, c’est dire, par le fait même, qu’elle avait d’abord siégé au cœur de la théologie concrète du quotidien de mon éducation familiale, puis, subséquemment, de mes aspirations spirituelles et de ma quête théologique émergentes dont je psalmodie ici « l’essen-ciel » : « Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant, quand irai-je et verrai-je la face de Dieu. Mes larmes, c’est là mon pain, le jour, la nuit, moi qui tout le jour entends dire : Où est-il, ton Dieu ? » (Ps 41, 3-4) Oui, où est-il Dieu, ne cessé-je incessamment de me demander : hier, aujourd’hui et demain ? LA réponse ? Là où il se donne à rencontrer dans/par sa présence réelle en l’a(A)utre « eucharistié » : « Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits de mes frères [et sœurs], c’est à moi que vous l’avez fait » (v. 40). Là « se fait jour », en toute simplicité, une vérité profondément théologique et spirituelle qui révèle paradoxalement toute la Gloire de Dieu en Jésus-Christ dans la communion de l’Esprit : Il est là, se faisant immédiatement et éternellement Présent dans et par la médiation de la rencontre de l’a(A)utre, comme a(A)utre, quelle que soit la grandeur et splendeur de sa petitesse, fragilité, vulnérabilité au quotidien de nos jours. Cependant, savons-nous Le reconnaître en reconnaissant miséricordieusement le « pauvre », en paroles mais surtout en écoute et en actes, en soi et autour de soi ? Dans l’évangile du jour, que ce soit les « brebis » de droite ou les « chèvres/boucs » de gauche, personne n’a reconnu Celui qui parle à tous et qui est appelé Seigneur par tous.

Toutefois, ceux qui ont vu avec les yeux du cœur, ceux qui ont écouté la voix et suivi la voie divinement christique de leur cœur profond, se sont gracieusement et quasi-inconsciemment ajustés à son projet et à sa promesse, puis ont agi, avec et par une sincère et ardente charité, pour soulager la détresse humaine et spirituelle de tant d’êtres à qui l’on peine à reconnaître toute leur dignité humaine et leur statut d’authentiques frères et sœurs en Jésus-Christ. L’évangéliste Mathieu nous présente ici le portrait grandiose du Jugement dernier et du Royaume dans la Gloire de Dieu. Or, nous devons garder bien présente et vivante à l’e(E)sprit cette vérité de foi traduite par saint Irénée de Lyon : « La gloire de Dieu c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme c’est la vision de Dieu ». Entrons donc dans la vision de Dieu pour v(V)ivre en vérité, debout, bienheureux ressuscités en marche avec le Ressuscité quel qu’en soit le visage. Il n’y a qu’une seule vérité pour v(V)ivre pleinement en Dieu : aimer sans compter et sans rien attendre en retour, puisqu’en Dieu de Jésus-Christ, l’Amour a toujours-déjà le dernier mot. Mais, voilà du coup tout le défi et l’interpellation : as-tu aimé en vérité comme tu es Aimé ? « Vous serez jugés sur l’Amour », à la lumière de la « science de l’amour » où « l’amour ne se paie que par l’amour », nous enseigne saint Jean de la Croix, et, cela dit, en n’omettant jamais cette parole de saint François de Sales à l’effet qu’il ne faut pas s’aimer soi-même moins que Dieu nous aime, c’est-à-dire infiniment.

Nous sommes, de fait, le fruit du don gracieux de l’Amour et nous sommes appelés, par cette grâce et pour notre accomplissement en plénitude, à porter du fruit en correspondant de plus en plus parfaitement à ce don en devenant pour les autres ce qu’Il est pour nous : un artisan d’Amour et de Vie. Amen, en effet, comme baptisé.es, formant à proprement parler le corps, la psyché, le cœur profond, l’intelligence, l’affectivité et la puissance d’agir du Christ Ressuscité, notre responsabilité à l’égard des faims, soifs, nudités, maladies, étrangetés, emprisonnements du prochain de tout acabit n’est pas une option; elle fait partie de notre ADN, de notre identité et, ipso facto, de notre mission. En ce sens, le pape François, dans sa catéchèse du 24 avril 2013 rappelait, en méditant ce texte de Mathieu 25, que « regarder le jugement dernier ne doit jamais nous faire peur; cela doit plutôt nous pousser à mieux vivre le présent. Dans sa miséricorde et sa patience, Dieu nous offre ce temps afin que nous apprenions chaque jour à le reconnaître dans les pauvres et dans les petits, que nous nous attachions à faire le bien et que nous soyons vigilants dans la prière et dans l’amour ». N’oublions jamais, en effet, que le Christ s’attache tellement à chacun et chacune d’entre nous qu’il est le premier crucialement touché en plein cœur quand une vie humaine, quelle qu’elle soit, est tout aussi bien aimée qu’abîmée. Or, en cette fête de sainte Marguerite d’Youville, la première Canadienne qui fût élevée au rang de sainteté, affectueusement surnommée « mère des pauvres, voire même « Mère de Charité universelle » par le pape Jean XXIII, et dont « on se souviendra toujours, mentionne la notice biographique du Vatican, comme d’une mère aimante qui a servi Jésus-Christ dans les pauvres », puissions-nous, à son exemple, faire de notre vie une œuvre concrète d’amour miséricordieux là où nous sommes et tels que nous sommes, afin de voir et servir Dieu puis de siéger en béni.es du Père à sa droite dans le Royaume déjà mystérieusement présent en tant que devenir ici et maintenant.

C’est aussi en cela le sens du mot de la fin de Jésus qu’évoque Mathieu au terme de son évangile : « Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20) en cette multiplicité de visages du « pauvre ». « M’y reconnaîtrez-vous ou vais-je passer inaperçu ? », de répondre Jésus. Certes, « Jésus-Christ, il aura ton visage; Jésus-Christ, il aura tous les âges; Jésus-Christ sera toi, sera moi, sera nous; Jésus-Christ sera chacun de nous ». « Regarde ton frère : tu vois ton Dieu […] Est-ce pour cela que personne ne l’a reconnu ? […] Tu n’as pas de visage. Si ce n’est celui de l’enfant confiant. Du vieil homme meurtri. De l’ombre de moi-même quand je suis démunie. Tu renverses nos valeurs, tu déplaces nos attentes. Puisque je ne sais pas où tu te dissimules. J’accueille l’enfant meurtri et le vieil homme confiant. Et pour que tes visages entrent dans ma maison. Ai-je d’autres choix, mon Dieu. Que d’élargir l’espace de ma tente ? » (Marion Muller-Colart, Éclats d’Évangile) Alors, en ce temps où nombre de conflits armés ne cessent de générer impuissance et moult misères sans nom en nos âmes, que monte vers Vous, mon Père-Fils-Esprit, ma prière de supplication : « Instillez-moi l’humilité […] de vous reconnaître dans vos enfants les plus disgracieux et les plus petits[1] ». « Que pouvez-vous faire pour promouvoir la paix dans le monde ? », questionna un jour Mère Teresa, autre témoin privilégié de la Présence du Dieu de Jésus-Christ au cœur du pauvre, « rentrer chez-vous et aimer votre famille », répondit-elle !

Bénédiction et union de prière !

Dany Charland – danycharland173@gmail.com


[1] Luc Adrian, « Le muchas gracias de Quasimodo del Camino », À Compostelle. Hommage au chemin de Saint-Jacques (Collectif), 2021.

DROIT D’AUTEUR

La méditation peut être partagée à toutes et à tous, en tout ou en partie, mais le nom de l’auteur et l’indication du centre le Pèlerin avec l’adresse du site (www.lepelerin.org) doivent être inscrits, car les droits d’auteur demeurent. Merci de votre compréhension.