Méditation quotidienne du mercredi 15 mars : La naissance de la loi (No 178 – série 2022 – 2023)

Évangile du Mercredi 15 mars 2023 – 3e semaine de Carême (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Celui qui les observera et les enseignera, celui-là sera déclaré grand » Mt 5, 17-19

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Amen, je vous le dis : Avant que le ciel et la terre disparaissent, pas un seul iota, pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise. Donc, celui qui rejettera un seul de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire ainsi, sera déclaré le plus petit dans le royaume des Cieux. Mais celui qui les observera et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le royaume des Cieux. »

Méditation

Accomplir la loi…sans doute est-ce là un de mes chemins de crêtes. Armée de mes idéologies et d’une justice idolâtrée, j’ai traversé les tribunaux comme j’ai traversé la vie. Dans les yeux fixes des accusés, dans le regard trop plein des victimes, je me frayais un passage croyant faire le bien. Traînant dans les couloirs blafards des palais, à la recherche de la justice, je ne pouvais imaginer qu’elle avait déserté. Laissant là l’épouvantail de l’ordre, elle était partie en catimini rencontrer amoureusement et en secret l’amour. À mon insu, quoique…

Puis l’ordre m’a enligné avec son mauvais œil, sa prestance gonflée et évidée de toute vérité. Assise innocemment sur la mauvaise chaise cette fois, la pitié m’a assaillie devant cette mascarade en robes, cette valse en toges. Soudain, m’est apparue mon infidélité dans un passage du Père Girard : « La pire façon de violer la loi est de veiller à son intégrité au détriment des personnes pour lesquelles elle a été écrite » (Croire jusqu’à l’ivresse, 2006, p. 227). Quand un moine fait la leçon à l’enquêteur, il ne peut que se produire une révolution. L’enchevêtrement de la justice, de l’intégrité et de la vérité avait fait son œuvre et faussé mes croyances. Le face à face fraternel avec les victimes débordantes de plaies et de gratitude m’a magnifiquement dé-rangée. Enfin, je pouvais quitter le piédestal, la tribune et la tablette pour rentrer chez moi.

Par le pardon, j’ai fait plier la loi, un genou à terre pour jardiner ma pitié devant ce mal maintenant aimé. Ce mal aimé, enfant terrassé par la haine, m’a soignée, recueillie et guérie comme une samaritaine sur le bord de la vie. Grâce à lui, j’ai desserré l’étreinte, je n’avais plus besoin de la loi pour rester debout. Elle s’est éclipsée sur la pointe des pieds, retournant sournoisement errer dans ses palais, la faim martelante.

Quelque chose s’était désormais accomplie, une vitalité aussi folle que contraire aux prescriptions auxquelles j’étais attachée s’infiltrait. La peur s’est trouvée du travail ailleurs, laissant un vide pacifié refusant de plus en plus d’être comblé. La robe tombée, ma pauvreté et ma nudité apparaissaient dans leurs plus beaux atours, d’une richesse enviable. L’erreur réparée participait malgré moi à l’attendrissement du cœur, le rendant plus charnu avec un arôme de récompense. Désormais perméable à la souffrance de l’autre, je sais intimement que la joie peut croître au sein du fumier, des traumatismes et des bords râpeux de l’existence.

Il est donc possible qu’un « seul acte de confiance en l’indulgence du Père pour notre faiblesse et nos éventuelles erreurs de parcours nous libère le cœur et nous aide, paradoxalement, à mieux discerner la route que nous devons suivre » (p. 123). Un seul acte, un seul pardon, qui m’a réveillée par surprise. La surprise du condamné libéré sans s’y attendre, par vice de procédure.

J’ai pardonné au mal aimé. L’amour n’effacera pas le mal mais l’abolit en vérité, le temps de laisser la loi du Christ s’accomplir. Le temps de laisser le divin rendre l’éclat du condamné et de son visage tout à coup si humain. Le temps que la justice s’unisse secrètement à l’amour, quittant tous les palais et se réfugiant au fond de nos temples. Son ventre bientôt arrondi ne ment pas, la vérité est la petite soeur jumelle de la loi.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

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