Méditation quotidienne du mercredi 12 avril : En chemin (No 206 – série 2022 – 2023)

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Évangile du Mercredi 12 avril 2023 – Octave de Pâques (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

Il se fit reconnaître par eux à la fraction du pain Lc 24, 13-35

Le même jour (c’est-à-dire le premier jour de la semaine), deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem, et ils parlaient entre eux de tout ce qui s’était passé.
Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Jésus leur dit : « De quoi discutez-vous en marchant ? » Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes. L’un des deux, nommé Cléophas, lui répondit : « Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci. » Il leur dit : « Quels événements ? » Ils lui répondirent : « Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth, cet homme qui était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple : comment les grands prêtres et nos chefs l’ont livré, ils l’ont fait condamner à mort et ils l’ont crucifié. Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. Mais avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé. À vrai dire, des femmes de notre groupe nous ont remplis de stupeur. Quand, dès l’aurore, elles sont allées au tombeau, elles n’ont pas trouvé son corps ; elles sont venues nous dire qu’elles avaient même eu une vision : des anges, qui disaient qu’il est vivant. Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu. » Il leur dit alors : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait.
Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin. Mais ils s’efforcèrent de le retenir : « Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux.
Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. Ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? » À l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui leur dirent : « Le Seigneur est réellement ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. » À leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain.

Méditation

S’éloigner du lieu où l’on a connu la douleur de la déception… n’est-ce pas très humain ? Les disciples d’Emmaüs n’échappent pas à cette tentation en quittant Jérusalem après la Pâque. En cheminant avec eux, je les entends parler de cette espérance qui les habitait tandis qu’ils accompagnaient Jésus. Et de leur immense déception en voyant le maître qu’ils aimaient cloué à la croix.

Ils sont ensemble cependant, et relisent en marchant ces évènements qu’ils viennent de vivre. Ils ne s’enferment pas dans leur tristesse, mais osent une parole : « ils s’entretenaient et s’interrogeaient… ». C’est déjà un pas important. Cette ouverture qu’ils ont, l’un envers l’autre, leur permet aussi d’accueillir cet inconnu qui se joint à eux et les interroge, lui aussi : « De quoi discutez-vous en marchant ? ». Voilà qu’ils s’arrêtent : ils prennent le temps de se poser, tant la question est importante. Cette tristesse qui les habite, quelle est-t-elle ? Cela mérite de prendre du temps. La relecture qu’ils font, à eux deux, part des faits objectifs qui se sont produits, puis reprend l’espérance qui les habitait et la déception après trois jours écoulés depuis la mort de Jésus. L’écoute attentive de leur interlocuteur leur permet de laisser remonter aussi cet épisode surprenant du tombeau vide et de la vision rapportée par les femmes. « A vrai dire » : il s’agit bien de « dire vrai », de dire même ce qui surprend, ce qui reste incompréhensible, ce qui n’a pas suffit à les faire sortir de leur désespoir, mais qui cependant entrouvre leur esprit et leur cœur à une réalité qui les dépasse. Cette fissure dans le bloc de leur douleur, Jésus s’y engouffre, mais elle était déjà là. Il n’apporte aucun fait nouveau, aucun texte nouveau. La réalité des faits, les disciples déçus la connaissaient, et ils étaient capables de la retracer objectivement. Les textes de l’Écriture : ils en étaient nourris depuis toujours. Un peu de lumière se fait en eux cependant à partir de ce que Jésus leur dit. Non pas une lumière éblouissante et renversante comme ce qui se produira pour Saul sur le chemin de Damas (Ac 9). Mais une lueur qui donne envie d’aller un peu plus loin dans le partage : « ils s’efforcèrent de le retenir ». L’initiative vient d’eux, Jésus ne force pas la porte. Ils ont pris le temps de s’arrêter pour lui parler de ce qui leur tenait à cœur. Lui, Jésus, a pris le temps de leur parler pour interpréter « dans toute l’Écriture, ce qui le concernait ». Il faut du temps encore, et un geste qui les rejoints au cœur pour que leurs yeux s’ouvrent au point d’inverser leur direction et leur faire reprendre la route, malgré la nuit tombée. Dans le récit qu’ils font ce qu’ils viennent de vivre, l’accent est mis sur la fraction du pain qui leur a fait reconnaître Jésus.

Toutefois, comme accompagnateurs et/ou comme accompagnés, nous mesurons dans ce récit combien il a fallu prendre le temps de l’expression, de la relecture, de l’écoute, de la mise en relation avec « toute l’Écriture » avant que les yeux puissent s’ouvrir à cette reconnaissance de Jésus. Gardons ce texte en filigrane dans nos cœurs pendant ce temps pascal… il est un trésor pour notre vie entière !

Marie-Emmanuel Raffenel

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