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Le dialogue en personne – Méditation du mardi 8 avril 2025

No 198 – série 2024-2025

Évangile du mardi 8 avril 5ème Semaine de Carême

Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous comprendrez que moi, JE SUIS » (Jn 8, 21-30)

En ce temps-là, Jésus disait aux pharisiens : « Je m’en vais ; vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché. Là où moi je vais, vous ne pouvez pas aller. » Les Juifs disaient : « Veut-il donc se donner la mort, puisqu’il dit : “Là où moi je vais, vous ne pouvez pas aller” ? » Il leur répondit : « Vous, vous êtes d’en bas ; moi, je suis d’en haut. Vous, vous êtes de ce monde ; moi, je ne suis pas de ce monde. C’est pourquoi je vous ai dit que vous mourrez dans vos péchés. En effet, si vous ne croyez pas que moi, JE SUIS, vous mourrez dans vos péchés. » Alors, ils lui demandaient : « Toi, qui es-tu ? » Jésus leur répondit : « Je n’ai pas cessé de vous le dire. À votre sujet, j’ai beaucoup à dire et à juger. D’ailleurs Celui qui m’a envoyé dit la vérité, et ce que j’ai entendu de lui, je le dis pour le monde. » Ils ne comprirent pas qu’il leur parlait du Père. Jésus leur déclara : « Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous comprendrez que moi, JE SUIS, et que je ne fais rien de moi-même ; ce que je dis là, je le dis comme le Père me l’a enseigné. Celui qui m’a envoyé est avec moi ; il ne m’a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui est agréable. » Sur ces paroles de Jésus, beaucoup crurent en lui.

Méditation – Le dialogue en personne

Jésus parlait aux Pharisiens qui ne Le comprenaient pas. Dans ce faux dialogue, les Pharisiens jouaient un rôle, ils étaient réduits à un personnage qui évolue sur la scène sociale. Il y a beaucoup de manières de ne pas comprendre. On ne comprend pas quand, plein de soi, nulle place ne reste pour faire un écho en soi à l’autre. Ils voulaient être « quelque chose » au lieu d’« être quelqu’un » (1). Quand un intérêt se frotte à un autre intérêt, on se côtoie sans se rencontrer, c’est la gloire qui vient des hommes : « Ils préféraient la gloire qui vient des hommes à la gloire qui vient de Dieu » (Jn 12,43).

Pourtant, d’autres dans l’assistance qui entoure Jésus, aux mêmes mots, donnaient foi et se fiaient à Lui : « Sur ces paroles de Jésus, beaucoup crurent en lui. » Quand une parole éveille quelque chose en l’autre… Alors, tout change. Un désir se creuse… un écho vibre. Et, dans ce quelque chose qui surgit… quelqu’un se lève !

« Je n’ai pas cessé de vous le dire. À votre sujet, j’ai beaucoup à dire et à juger. » Jésus n’arrêtait pas de le dire aux Pharisiens. Il avait beaucoup à dire et beaucoup à juger. Le Fils juge. Or, juger, c’est dire la vérité d’une chose. C’est mettre la vérité sur la table commune pour qu’elle serve de référence afin qu’un échange naisse, qu’un dialogue dévoile des personnes vivantes.

Ce dialogue de Jésus avec ceux qui croient prend naissance dans un dialogue entre Jésus et Son Père. En effet, la parole du Fils ne surgit pas de son propre fond comme s’il inventait, à Lui tout seul, la boussole du monde. La Parole de Jésus n’est pas issue de lui-même, mais il s’agit d’une parole reçue dans un dialogue avec le Père. Certes, le Fils a dit qu’Il était la vérité : « Moi, je suis le chemin, et la vérité, et la vie ; nul ne vient au Père que par moi » (Jn 14,6). Mais, cette vérité qu’est le Fils est proclamée sur les routes du monde, elle est en marche : « D’ailleurs Celui qui m’a envoyé dit la vérité, et ce que j’ai entendu de lui, je le dis pour le monde. » C’est de l’intérieur de notre vie que cette Parole retentit dans notre langue maternelle. Cette mise en route qui passe par le vrai aboutit à la Vie en plénitude. Jésus n’est pas auto-centré comme un dictateur délirant qui se proclamerait lui-même. Il descend dans nos mots pour nous conduire au Père.

Écoutons le Fils qui écoute le Père. « Il avait dit que le Père ne juge personne mais laisse au Fils de tout juger. Ici il donne la clé : Parce que je ne suis pas seul. Ni Dieu ni son Messie ne joue à l’infaillibilité. Les infaillibles sont des caricatures. Le Père et le Fils se concertent : le Père laisse le Fils décider et le Fils ne décide que par connivence avec le Père. Personne n’est quelqu’un tout seul. Pas même Dieu. Quelqu’un n’est une personne que par rapport à une autre. » (2)

Comment connaître une personne ? Dans le dialogue, les personnes se manifestent. Une certaine manière de parler, une certaine manière d’entendre la parole de l’autre dessinent le contour de la personne. Et chacun parle avec sa personnalité. Les personnes dans la Trinité ne sont pas de simples rôles, mais des manières distinctes de parler dans lesquelles se révèle chaque personne. En Dieu, chaque personne est parole à sa façon propre. Dieu ne joue pas un rôle. Il n’y a aucun personnage.

Dans l’Antiquité grecque ou romaine, la notion de « personne » n’existait pas. Il n’y avait aucun équivalent à la notion de « personne », si l’on entend par là un être humain singulier, conscient de soi, digne et autonome, défini par la conscience de ce qu’il apporte d’unique au monde. Là où le moderne parle de « personne », le grec parle d’être humain en général. (3)

Or, par ce dialogue entre le Père et le Fils, tout change ! L’évangile introduit dans le monde antique une révolution en révélant l’Esprit, le Fils et le Père qui se parlent. À partir de ce dialogue, la réflexion chrétienne élabora, dès le II° siècle, la notion de « personne ». Tertullien s’intéressa à cette question et il relia la « personne » à la place qu’elle prend dans un « dialogue ». Tertullien remarque l’échange des paroles et le dialogue des personnes au sein de la Trinité. Parler, se dire dans un « je » offert à l’autre, répondre de soi face à l’autre…. voilà les caractéristiques du dialogue trinitaire et en même temps, c’est ce qui définit une « personne ». « Ce peu de lignes suffit néanmoins pour établir invinciblement la distinction de la Trinité. Qu’y trouvons-nous, en effet ? Un Esprit saint qui parle, un Père auquel il parle, un Fils de qui il parle. De même les autres passages, qui tantôt s’adressent au Père ou au Fils, au sujet du Fils ; tantôt au Fils ou au Père, au sujet du Père ; tantôt enfin à l’Esprit, constituent chaque personne avec sa propriété distincte. » (4)

Dans l’accompagnement spirituel, c’est bien dans le dialogue que les personnes se suscitent l’une l’autre. Le Père apporte sa profondeur, le Fils sa bouche humaine lourde de l’expérience du corps et du monde, l’Esprit souffle une circulation qui simplifie dans l’unité.

Et moi ? Quelle est ma place dans la parole ? Comment le dialogue peut-il me définir ? Comment mes paroles dessinent-elles le profil de mon visage sur les mots que je prononce ?     

Vincent REIFFSTECK – vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

NOTES :

  • Gustave Flaubert, lettre du 13 juin 1878 à la princesse Mathilde.
  • L’ironie christique de Jean Grosjean, Gallimard, 1991, (p.146)

(3) Christopher Gill, dans un article : « Is there a concept of person in Greek philosophy ? »

(4) Contre Praxéas ou sur la Trinité (chapitre XI), Tertullien (né vers 150 – mort en 220).




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