Méditation quotidienne du mardi 5 décembre : « À l’heure même », emprunter le regard et marcher dans les traces du Dieu de Jésus-Christ au cœur du monde (No 93 – série 2023-2024)

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Évangile du Mardi 5 décembre – 1re semaine de l’Avent (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Jésus exulta de joie sous l’action de l’Esprit Saint » Lc 10, 21-24

À l’heure même, Jésus exulta de joie sous l’action de l’Esprit Saint, et il dit : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. Tout m’a été remis par mon Père. Personne ne connaît qui est le Fils, sinon le Père ; et personne ne connaît qui est le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. »
Puis il se tourna vers ses disciples et leur dit en particulier : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Car, je vous le déclare : beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous-mêmes voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu. »

Méditation

« À l’heure même » (Lc 10, 21) de ce temps de l’Avent, au moment même de cette méditation, les affres de la guerre, notamment au Proche-Orient et en Ukraine, défilent sous nos yeux et « font rage » partout dans le monde. « À l’heure même, je lis : « Jésus exulta de joie sous l’action de l’Esprit… » (Lc 10, 21). Quelle concomitance stupéfiante ! Quel paradoxe ! Je dois avouer, au premier regard, que je suis quelque peu rebuté, voire renversé ! Pourtant… Paradoxe, du latin paradoxum, signifie « absurde en apparence mais réellement vrai ». Jung soutenait d’ailleurs que le paradoxe est l’une de nos possessions spirituelles les plus précieuses et un grand témoin de la vérité. Or, « à l’heure même », quelle est cette réjouissante vérité à laquelle nous sommes conviés par Celui qui est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6), Celui qui s’offre en modèle afin que nous suivions ses traces (cf. 1P 2, 21) ? Dans cette fidélité à une espérance qui constitue la foi qui me porte, force m’est de constater que ces traces exhalent à n’en pas douter un doux parfum de « joie imprenable, c’est-à-dire « une plénitude du sentiment d’exister[1] ». Ces pas nous conduisent à rebours aux confins de la béatifique pauvreté et paix du cœur profond, un oasis spirituel unique, inaltérable, inaliénable, source de cette « joie imprenable ». Jésus nous invite ainsi à l’y suivre et à l’y rejoindre pour nous y ancrer ici et maintenant, quelles que soient les circonstances. « L’homme en possession de l’esprit de paix n’est troublé par rien. Il est comme sourd quand s’abattent sur lui tristesses, calomnies et persécutions », affirmait Saint Séraphin de Sarov (1759-1833). Toutefois, « comment cela peut-il se faire », pour reprendre le questionnement de Nicodème à Jésus. Et Jésus de répondre : « Tu es Maître en Israël, et ces choses-là, tu ne les saisis pas ? » (Jn 3, 9) « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. Tout m’a été remis par mon Père » (Lc 10, 21-22). Jésus révèle « à l’heure même » que la Source de la joie durable et de la paix intérieure se trouve dans la communion à son Père dans l’Esprit au « sacré cœur » de son identité et de sa vie filiales, là où il est établi à demeure, là où il nous attend en cœur à cœur, là où il se fait Bonne Nouvelle salvatrice sollicitant notre écoute, notre accueil et notre adhésion. Or, cette joie imprenable et sereine n’est pas qu’un état de grâce. Elle est simultanément un pèlerinage intérieur au cœur des méandres de notre propre vie, afin d’y Voir-Clair-et-Autrement Grâce aux « lentilles théologales-filiales » (foi, charité, espérance) qui élargit le regard aux dimensions de Dieu en Jésus-Christ son Fils par la communion de l’Esprit. Chemin faisant, tel un nouveau printemps « à l’heure même », voit-on éclore discrètement ces fruits de l’Esprit, notamment la joie, la paix, la charité, la confiance (cf. Ga 5, 22,) qui nous donnent d’être et de devenir toujours davantage en accord avec nous-mêmes et avec l’a(A)utre (prochain, monde-nature, Dieu de Jésus-Christ). Or, ce chemin, cette vérité et cette vie « exultant de joie » appellent à revêtir « une pauvreté fondatrice[2]» béatifique (tout recevoir, tout donner) incarnée « à l’heure même » en Jésus-Christ (cf. Rm 13, 14; Ga 3, 27). D’une part, revêtir l’âme de pauvre de Jésus-Christ, c’est d’abord consentir à « la Grâce de l’imperfection[3] », la grâce de se recevoir d’un a(A)utre et de s’accueillir « parfaitement imparfait », comme « tout-petits » (Lc 10, 21) avec sérénité mais vérité. C’est conséquemment renoncer à ses prétentions d’auto-suffisance, qui font obstacle au don gracieux de la Présence, en se re-con-naissant (litt. naître à nouveau avec) humblement lié au joug[4] d’une « interdépendante autonomie » réciproque avec l’a(A)utre (prochain, monde-nature et Dieu). Renoncer ainsi, c’est, autrement dit, choisir d’engager son cœur profond sur les traces du Christ, où la finitude de notre condition humaine et l’Infini de la Volonté du Désir Divin se rencontrent et s’embrassent d’un baisé qui ouvre l’espace à la réalisation de soi en plénitude dans la divine communion avec l’a(A)utre. Revêtir l’âme de pauvre de Jésus-Christ, d’autre part, c’est « à l’heure même » accorder son cœur au rythme du sien qui donne Tout cet Amour qui vient du Père (cf. Lc 10, 22), n’ayant ainsi plus rien à perdre, mais Tout à gagner au registre de l’adoption filiale. Revêtir l’âme de pauvre de Jésus-Christ, c’est en ce sens aimer Dieu de tout son cœur et aimer son prochain comme soi-même (cf. Mc 12, 30-31). C’est « s’aban-donner » à l’a(A)mour à donner en retour en réalisant que ce n’est jamais se perdre mais, qu’au contraire, c’est se libérer et se trouver pleinement. Feu Abbé Pierre disait en vérité qu’ « on ne donne pas ce qu’on possède, on ne possède que ce qu’on est capable de donner; sinon on est possédé ». Par conséquent, « [h]eureux ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume de Dieu est à eux » (Mt 5, 3) et « voici que le Royaume de Dieu est au milieu/au-dedans de vous » (Lc 17, 21) « à l’heure même ». « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez » (Lc 10, 23). « Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète » (Jn 15, 11). Or, cette joie, cet amour et cette paix qui germent en nos cœur ne doivent pas être « mis sous le boisseau » (Mt 5, 15) mais communiqués au monde et devenir « pandémiques ». D’ailleurs, l’Amour, source de joie et de paix, n’a de cesse, en sa nature même, de vouloir grandir pour pouvoir voir plus loin. Ainsi, exulter de joie, c’est aussi être et devenir toujours davantage des artisans de cet a(A)mour, Source de « joie imprenable », dans la communion filiale du Dieu trois fois Saint. Mais, « je ne suis que “ tout-petit ” (Lc 10, 21), trop pauvre », avons-nous tendance à dire. De fait, en ces temps troubles qui nous laissent, à première vue, un vide au cœur, l’Évangile du jour nous invite à emprunter le regard du Père en Jésus-Christ son Fils. Suivons à la trace le Christ au fond de notre cœur profond pour y revêtir et y éprouver notre âme de pauvre sujette à l’Amour, la Joie et la Paix du ciel que nul ne peut nous ravir. Puis, relevons nos manches, transformons le monde un cœur à la fois/foi en commençant par le nôtre tel que le rappelait avec justesse Simone Pacot : « En commençant par nous-mêmes, en vivant le nécessaire chemin de conversion de nos profondeurs, nous découvrons alors que c’est la plus authentique manière d’aider[5] ». Rappelons-nous enfin que le « tout-petit »(Lc 10, 21)peut avoir un grand impact. Ne pensons qu’au virus de la Covid ou, sur une note plus joyeuse, rappelons cette réflexion empreinte de sagesse et d’humour du Dalaï Lama : « Si vous avez l’impression que vous êtes trop petits pour changer quelque chose, essayer de dormir avec un moustique. Vous verrez lequel des deux empêche l’autre de dormir ». « La beauté est dans les yeux de celui qui regarde » (O. Wilde). Or, voilà notre être en perpétuel devenir de plénitude, voilà notre vocation, notre mission à personnaliser à souhait !

Bénédiction et union de prière !                                                                                                          

Dany Charland


[1] De Lytta Basset, La joie imprenable, Coll. « Lieux Théologiques », 30, Labor et Fides, 1996, p. 23; p. 319.

[2] Je fais mienne cette expression de Stéfan Thériault.

[3]  Expression empruntée à la sociologue Brené Brown, La Grâce de l’imperfection, Boucherville, Béliveau Éditeur, 2018, 200 p.

[4] Rappelons que le joug est un instrument agricole destiné à faire travailler ensemble deux animaux. Or, Jésus nous interpelle : « Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez soulagement pour vos âmes. Oui, mon joug est aisé et mon fardeau léger » (Mt, 11, 29-30).

[5] Simone Pacot, L’évangélisation des profondeurs. Un chemin vers l’unité intérieure, Coll. « Points Vivre »,Paris, Cerf, 2015 (1997), p. 324.

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