Évangile du Mardi 3 octobre – 26e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem » Lc 9, 51-56
Comme s’accomplissait le temps où il allait être enlevé au ciel, Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem. Il envoya, en avant de lui, des messagers ; ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue. Mais on refusa de le recevoir, parce qu’il se dirigeait vers Jérusalem. Voyant cela, les disciples Jacques et Jean dirent : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions qu’un feu tombe du ciel et les détruise ? » Mais Jésus, se retournant, les réprimanda. Puis ils partirent pour un autre village.
Méditation
Dans ces quelques versets de l’Évangile, à peine six, il semble que se résume une part de la dynamique de la longue histoire entre Dieu et l’être humain. C’est la nôtre aussi, la mienne … La majorité des verbes de ce passage de St Luc sont des verbes de mouvement: ‘être enlevé’ (au ciel), ‘prendre la route’, ‘envoyer’ ‘se mettre en route’, ‘entrer’, ‘se diriger’, ‘se retourner’ et ‘partir’. L’histoire que Dieu tisse patiemment avec chacun de nous est pleine de tous ces mouvements … parfois sur de longues périodes, parfois en un laps de temps très court, parfois même en une seule journée. L’histoire du Dieu-avec-nous, la relation qu’Il désire à chaque instant tisser avec nous, n’est pas uniforme ni statique. Elle ‘se met en route’, elle bouge comme tout ce qui est vivant. Et le premier qui se met en mouvement, c’est Lui, notre Dieu … en Jésus. Sa Parole ce matin prend elle aussi la route …
J’ai été frappée de trouver ces mots dans l’hymne de l’office des lectures du jour, en écho à notre Évangile en mouvement:
Quand ce fut le jour, et l’heure favorable,
Dieu nous a donné Jésus, le Bien-Aimé :
L’arbre de la croix indique le passage
Vers un monde où toute chose est consacrée.
Qui prendra la route vers ces grands espaces ?
Qui prendra Jésus pour Maître et pour ami ?[1]
“Qui prendra la route vers ces grands espaces ?” Chaque matin, nous sommes appelés à prendre la route … Et dans la voix de Dieu, il y a toujours un murmure vers le large. Vers un espace plus grand, plus aéré que celui qui nous retient prisonnier de nos pensées, de nos sensations, de nos craintes.
Je relisais il y a quelques jours une conférence[2] sur Edith Stein (sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix). La carmélite qui a écrit ce texte a magnifiquement su nous accompagner dans l’itinéraire de la philosophe, depuis sa recherche éperdue de la vérité jusqu’à sa rencontre avec le Christ.
Quand ce fut le jour, et l’heure favorable,
Dieu nous a donné Jésus, le Bien-Aimé :
L’arbre de la croix indique le passage.
Edith Stein a elle aussi connu “ce jour et cette heure favorable” au coeur de son histoire humaine, de son expérience de l’impuissance et de l’échec, des doutes et des crises de non-sens … Pour elle aussi, “l’arbre de la croix a indiqué le passage” vers la lumière, vers la rencontre du Bien-Aimé.
Décrivant la route suivie par Edith, son ‘expérience de Dieu’ dans l’expérience de sa vie telle qu’elle fut, la carmélite posait cette question – si urgente, à mon sens – : Qu’est-ce que l’expérience de Dieu ? Peut-on expérimenter Dieu ? Et elle poursuivait en partant du sens du mot ‘expérience’ en allemand:
“Le mot “Erfahrung“, “erfahren“, exprime un mouvement sur des roues. Il semble mettre en lumière d’une certaine manière que l’expérience ne consiste pas à posséder ce que l’on expérimente, mais que la réalité s’ouvre à nous, se donne à nous pour que nous nous y engagions. Non pas pour nous l’approprier, mais pour la connaître.
Le paysage que nous traversons en voiture ne bouge pas, nous ne pouvons pas l’emporter avec nous, mais nous pouvons nous y livrer et en apprécier la beauté et la douleur, le message qu’il a pour nous. Nous pouvons écouter sa mélodie, sa parole historique et actuelle. Tout cela peut nous transformer de l’intérieur, influencer le cours de notre vie et nous ouvrir à des horizons insoupçonnés, mais le paysage est toujours là, entier, inépuisable dans ses mystères et ses messages pour ceux qui veulent les “expérimenter”, les “erfahren“.”
Et elle terminait en disant: “Dieu est ce paysage dans lequel nous nous engageons tout au long de notre vie, nous le traversons comme on traverse un pays. Il nous enveloppe de son mystère et parfois, dans des moments éternels, nous fait percevoir sa mélodie faite de mots et de souffles. Toute notre vie est comme un voyage à travers le champ de Dieu. L’expérience de Dieu a de nombreuses facettes, ce sont les innombrables variantes de la perception de la vie, avec tout ce qu’elle a de dramatique et de joyeux.”
Il y a une profonde vérité et sagesse dans ces mots. Je crois que tous, chacun tel qu’il est, nous pouvons faire ‘l’expérience de Dieu’ sans jamais Le posséder, sans jamais nous approprier son mystère. Notre vie en mouvement – si nous l’acceptons, si nous l’accueillons – poursuit son voyage dans le champ de Dieu. “C’est en Lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être” nous rappelle le livre des Actes des apôtres (17, 28).
N’est-il pas passionnant d’entrevoir cette journée qui s’offre à nous comme une étape de plus de notre ‘voyage humain et divin’? Une journée pour nous imprégner de sa brise légère, pour laisser le souffle des grands espaces envahir notre monde intérieur … Ne refusons pas de Le recevoir comme les Samaritains de notre Évangile.
Qui prendra la route vers ces grands espaces ?
Qui prendra Jésus pour Maître et pour ami ?
Laurence Vasseur
[1] Hymne de l’office des lectures de ce mardi (26ème Semaine du Temps Ordinaire), Pour que l’homme soit un fils
D. Rimaud, CNPL.
[2] Christine Kaufmann (Carmel de Mataró), La experiencia de Dios en Edith Stein, Lleida, 25 de octubre 2003.
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