No 128 – série 2024-2025
Évangile du mardi 28 janvier – 3ème semaine du temps ordinaire
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère » (Mc 3, 31-35)
En ce temps-là, comme Jésus était dans une maison, arrivent sa mère et ses frères. Restant au-dehors, ils le font appeler. Une foule était assise autour de lui ; et on lui dit : « Voici que ta mère et tes frères sont là dehors : ils te cherchent. » Mais il leur répond : « Qui est ma mère ? qui sont mes frères ? » Et parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : « Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. »
Méditation – Et moi, j’ai des rayons aussi !
Jésus est à l’intérieur de la « maison ». Comment pouvons-nous entrer dans cette maison pour y rejoindre le Christ ? Comment pouvons-nous habiter notre maison intérieure pour y découvrir ce Dieu qui nous attend ? Jésus indique le chemin : faire la volonté de Dieu. Il ne s’agit pas d’un faire, mais d’une fécondité intérieure. Il faut d’abord savoir où est notre mère, ce qui nous engendre à la vie. À la question « qui est ma mère ? », Jésus répond « voici ma mère » en désignant « celui qui fait la volonté de Dieu ». C’est dire assez que l’on n’entre dans la maison du Seigneur que par un engendrement maternel.
La technique ne montre pas comment fabriquer la volonté de Dieu dans un activisme. La volonté de Dieu, ce n’est pas non plus une agitation mentale, ni un plan à calculer. Des rois puissants comme Hérode voulaient plier la volonté de Dieu sous leur pouvoir. Mais, Dieu librement choisit de se communiquer aux pauvres comme les bergers et de se donner aux êtres de désir qui marchent comme ces mages venus de l’étranger.
Déjà, dans la splendeur de la Création, notre vie agrandie par la beauté participe au sens de l’univers. Quand mes pieds foulent une terre odorante sous la pluie et que je contemple les vastes arbres qui se balancent dans le ciel, de « confuses paroles » m’assurent que je foule « un temple ». Mes pas ne se perdent pas dans un agrégat d’atomes voués au néant. « Des forêts de symboles » me regardent et me guident vers un sens.
« La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers. » (1)
La Nature nous enveloppe de sa beauté. L’intuition vivante des animaux sans mots nous guident. Déjà, nous le pressentons : la vie a un sens.
La volonté de Dieu est œuvre de Vie. Il ne suffit pas de venir au monde pour voir le jour. Pour s’éveiller, il faut naître à ce jour et le laisser nous éclairer. Il faut une naissance pour être engendré à la volonté de Dieu. La naissance qui nous a donné au jour s’accomplit dans une seconde naissance : consentir à la vie, reprendre en soi-même cette vie pour la vivre. « Choisis la vie afin que tu vives » (Dt 30,19). Du point de vue du mystère, la vie reçue attend d’être choisie. La vie déposée en nous attend d’être traversée par notre désir comme une lumière et honorée par une décision libre.
Adhérer à la vie est pour un homme blessé un acte de foi qui le dépasse, c’est trop grand et trop simple. C’est alors qu’une mère engendre en nous, dans la douceur, pour que notre se renouvelle en Dieu. La Mère de Dieu reprend, en son sein, nos cœurs brisés. En Marie, le ciel couture et cicatrise ce qui est blessé sur la terre. Le concile d’Éphèse de 431 a mis un mot sur cette réalité spirituelle : Marie est la « théotokos », elle est ce milieu maternel « qui a enfanté Dieu » sur terre. De même, ce miracle se reproduit chaque jour lorsque Marie enveloppe les âmes blessées pour les mener vers le sens.
Marie est ce modèle de la vie sans culpabilité, sans retour anxieux sur elle-même. Elle pose des questions et s’interroge. Elle intègre les événements en elle-même. Dans sa méditation, elle considère sa vie comme une occasion de maturation du sens. Mais, même au sein des épreuves, elle ne doute jamais de la bonté de Dieu, elle ne remet pas en cause l’amour bienveillant du Père. Marie est ce milieu maternel où nous pouvons renaître à la vie. Son être profond repose en Dieu. Allons au-delà des images pieuses ! Par Marie, nous redécouvrons que Dieu est une Présence infinie déposée en nous, accessible par intuition de foi. Ma présence est l’ombre d’une Présence divine plus douce et plus dense.
Faire la volonté de Dieu, c’est être sensible à soi-même, à cet infini que je porte. Faire la volonté de Dieu, c’est ainsi être sensible au monde, respirant au vent qui court, élargissant ses poumons dans l’atmosphère qui nous relie aux autres vivants. L’engendrement suppose le désir d’être vif, disponible à ce qui advient. Par le désir, la vie se fait présence. Marie est-ce modèle d’un cœur tourné vers l’invisible avec lequel elle dialogue. Le réel se fait présence, dialogue et mise en route. De même, Joseph connaît des songes qui lui parlent et l’orientent. Profondément ajustés entre eux, Marie et Joseph sont également profondément ajustés à Dieu. Ils ont quitté la surface de leur être pour entrer dans leur mystère. Comme Marie et Joseph, pour faire la volonté de Dieu, il faut que je naisse à moi-même, comme Jésus le demandait à Nicodème. Il faut que je m’ouvre et que j’intègre en moi cet univers pour l’aimer et le présenter au Seigneur comme une offrande. Comme Marie qui méditait toutes choses en son cœur, je ressaisis intérieurement cette matière contre laquelle je bute, cette vie pleine d’événements, cet univers pour l’offrir amoureusement au Seigneur. Pour devenir cette présence qui s’offre, je dois accepter une transformation de mon être. Dès lors, sur l’âme éveillée à la vie nouvelle, des gouttes d’or descendent du ciel. Victor Hugo donne l’exemple d’une âme qui sait voir la gloire qui affleure : « une humble marguerite » pousse « sur un mur gris ». Même si ses pétales forment une « auréole », beaucoup, qui ne verront rien, passeront leur chemin. Une fleur perce « au bord d’un champ », quel rapport avec la gloire de vivre ? diront certains… Mais, dans le dialogue de la fleur et du soleil, le poète entend comment toutes choses parlent. Il sent cette lumière qui éclaire la vie de confiance.
« Par-dessus l’horizon aux collines brunies,
Le soleil, cette fleur des splendeurs infinies,
Se penchait sur la terre à l’heure du couchant ;
Une humble marguerite, éclose au bord d’un champ,
Sur un mur gris, croulant parmi l’avoine folle,
Blanche, épanouissait sa candide auréole ;
Et la petite fleur, par-dessus le vieux mur,
Regardait fixement, dans l’éternel azur,
Le grand astre épanchant sa lumière immortelle.
— Et moi, j’ai des rayons aussi ! — lui disait-elle. » (2)
Vincent REIFFSTECK – vincent.reiffsteck@wanadoo.fr
Notes :
(1) Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, « Correspondances ».
(2) Victor Hugo, Les contemplations, Livre premier Aurore, XXV « Unité ».
DROIT D’AUTEUR
La méditation peut être partagée à toutes et à tous, en tout ou en partie, mais le nom de l’auteur et l’indication du centre le Pèlerin avec l’adresse du site (www.lepelerin.org) doivent être inscrits, car les droits d’auteur demeurent. Merci de votre compréhension.