No 184 – série 2024-2025
Évangile du mardi 25 mars – Annonciation du Seigneur
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils » (Lc 1, 26-38)
En ce temps-là, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie. L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. » À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. » Marie dit à l’ange : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais pas d’homme ? » L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu. Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu. » Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. »
Alors l’ange la quitta.
Méditation – Le nouveau apparaît comme un miracle
Jour de l’Annonciation, dans neuf mois, nous fêterons une naissance. Un couple apprend la naissance de leur enfant à partir d’un secret, le secret d’une conception qui s’origine dans leur amour, dans l’étreinte des corps, dissimulée au regard extérieur et seulement connue par l’intime. C’est ainsi qu’une personne nouvelle fait irruption, tout à neuf, dans notre vieux monde. Quelque chose d’unique survient en inventant de l’inédit. Sous les générations anciennes perce de l’inouï, une personne qui devra apprendre à marcher sur terre, qui inventera une nouvelle manière de se tenir face au monde.
Laissons-nous enseigner par ce qu’une philosophe agnostique, Hannah ARENDT, dit du miracle de la naissance. Le nouveau a contre lui les lois statistiques et leur probabilité écrasante. Le nouveau a contre lui les lois du déterminisme qui font que notre esprit est tenté d’abdiquer sa grandeur en se soumettant à la répétition du passé. C’est pourquoi, « le nouveau apparaît donc toujours comme un miracle. Le fait que l’homme est capable d’action signifie que de sa part on peut s’attendre à l’inattendu, qu’il est en mesure d’accomplir ce qui est infiniment improbable. Et cela à son tour n’est possible que parce que chaque homme est unique, de sorte qu’à chaque naissance quelque chose d’uniquement neuf arrive au monde. Par rapport à ce quelqu’un qui est unique, on peut vraiment dire qu’il n’y avait personne auparavant. Si l’action en tant que commencement correspond au fait de la naissance, si elle est l’actualisation de la condition humaine de natalité, la parole correspond au fait de l’individualité, elle est l’actualisation de la condition humaine de pluralité, qui est de vivre en être distinct et unique parmi les égaux. » (1)
Au miracle d’une action humaine qui ose le nouveau dans le monde, Dieu ajoute la semence de Son mystère : la possibilité d’un amour. La beauté de l’Annonciation se pose comme un oiseau sur le mystère ordinaire de la natalité. Il y a du mystère dans le banal. Il y a du divin dans l’humain. Sous nos yeux usés, surgit de l’extraordinaire que nous ne voyons pas. Le tissu quotidien des jours intègre aux vieux fils hérités des antiques étoffes le fil de la merveille. Chaque couple qui apprend une naissance sent que cet enfant surgit de plus loin. À partir d’eux, ce dialogue charnel noué dans leur amour devient une personne.
Dans le mystère de l’Annonciation, Dieu fait parler le mystère ordinaire de la vie pour Se dire. Comme un enfant joueur, Dieu reprend le matériau ordinaire de Sa Création pour le disposer autrement et Il invente un signe… Dieu Se dit dans un secret venu d’ailleurs. Dieu Se dit dans une conversation avec Marie qui prendra la forme d’une personne comme la possibilité vivante de Dieu parmi les hommes. Ce mystère de la maternité divine de la Vierge se cache dans l’ordinaire d’une natalité. À partir de là, tout change dans le dialogue de Dieu avec les êtres humains, puisque leur conversation tissée dans le secret devient une personne qui marche dans notre monde et nous accompagne. « Lors de l’Annonciation, le dialogue entre Dieu et l’humanité s’accomplit dans le plus secret de la Personne. (…) A partir du Christ, s’opère un changement prodigieux qui consiste en ce que le dialogue entre Dieu et l’humanité s’accomplit désormais dans le secret de la Personne. (…) C’est maintenant un dialogue secret de Dieu avec une jeune fille, parce que Dieu veut se révéler dans son intimité la plus personnelle en suscitant en elle la réponse qui constituera notre personnalité. » (2)
Le dialogue de Dieu avec Marie a pour écho le songe de Joseph enseigné par l’ange, car la Parole de Dieu devenue chair est le rêve de Dieu pour l’humanité, un rêve de bonheur. « Et le rêve de Dieu pour ses enfants est un rêve de joie. Si ses enfants ne sont pas entrés dans la joie, ce n’est pas la faute de Dieu qui est la première victime de la douleur, du péché, de la mort. Victime dans son cœur, parce que c’est le cœur du premier Amour et que chacune de nos fautes est une blessure infligée à l’Amour ; victime du mal et de la douleur dans le cœur de ses enfants, dans le corps de ses enfants en lesquels il a été déchiré, car il est plus mère que toutes les mères et la compassion de Dieu pour ses enfants est infinie. » (3) L’Annonce faite à Marie annonce une joie qui irradie dans la fêlure du quotidien. Une joie s’offre à notre « oui ».
Vincent REIFFSTECK – vincent.reiffsteck@wanadoo.fr
Notes :
(1) Hannah ARENDT, Condition de l’homme moderne, Chapitre V, « La révélation de l’agent dans la parole et l’action », éditions Pocket, p.234.
(2) Maurice ZUNDEL, Un autre regard sur l’Homme, Éditions Sarment, p.195.
(3) Maurice ZUNDEL, retraite prêchée à Bourdigny (Genève) en 1937.

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