Faire famille en Dieu – Méditation quotidienne du mardi 24 septembre 2024

No 16 – série 2024-2025

Évangile du Mardi 24 septembre 25e semaine du Temps ordinaire

Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la mettent en pratique » Lc 8, 19-21

En ce temps-là, la mère et les frères de Jésus vinrent le trouver, mais ils ne pouvaient pas arriver jusqu’à lui à cause de la foule. On le lui fit savoir : « Ta mère et tes frères sont là dehors, qui veulent te voir. » Il leur répondit : « Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la mettent en pratique. »

Méditation – Faire famille en Dieu

Les relations se nouent dans un cadre qui les rend possible : les contacts de travail supposent le bureau, les copains de sport se retrouvent au stade. Un espace de rencontre dynamisé par un centre d’intérêts communs resserre les liens. Ceux qui sont aux marges de ce cadre tombent dans l’indifférence. Nos sociétés individualistes resserrent autour du « moi » tout ce qui existe : la famille et quelques amis concentrent pour l’individu sa petite société. Au XIX°s, après son voyage aux États-Unis, Alexis de Tocqueville décrivait ainsi l’esprit démocratique qui produit autour de l’individu un cercle restreint : « Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine ; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point ; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul, et s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie. »1 Au-delà des préoccupations de l’individu, n’étant plus réchauffée par l’intérêt du « moi », l’humanité n’existe plus. Il ne s’agit pas d’égoïsme, mais d’une manière de faire société autour des soucis exclusifs de l’individu. Les liens du sang ou les liens d’intérêts sont restrictifs : ils n’éclairent qu’une petite zone autour d’un moi isolé.

Le « moi » en question ne trouve pas nécessairement son compte dans cet appauvrissement des relations. La profondeur… la sécurité… la vérité… manquent cruellement. La liberté suffit-elle quand tout le reste fait défaut ? Peut-on vivre ces liens autrement, de manière plus ample et élargie ? Beaucoup connaissent une solitude terrible au milieu des mégalopoles où l’on se côtoie sans se rencontrer.

Le sociologue Zygmunt Bauman a décrit les relations amoureuses modernes à partir du concept d’amour liquide. Dans notre société, les relations ont tendance à s’évaporer : « Bien des malaises contemporains viennent du fait que nous avons, pendant un temps, abandonné une part de notre sécurité pour élargir notre liberté. En amour, ce caractère « liquide » n’a pas que des agréments. Si vous pouvez, à tout moment, dire à votre partenaire : « C’en est assez ! », lui aussi peut le faire. Ainsi, vous vous trouvez écartelé entre trop de sécurité, d’une part, et vous avez l’impression de tomber en esclavage ; trop de liberté, d’autre part, et vous craignez sans cesse de perdre votre amour. J’ai l’impression que les gens rêvent aujourd’hui de plus de sécurité que de plus de liberté. »2 Dans notre post-modernité, la volatilité des sentiments peut susciter une angoisse. La quête de vérité dans l’amour est alors l’espérance d’un fondement qui accomplisse le désir de notre cœur profond. Dans ce contexte actuel, l’évangile peut être une bonne nouvelle : une sociabilité nouvelle naît du cœur de Dieu. 

Aux sentiments éphémères qui se brûlent contre la flamme pour se réchauffer, Jésus propose une croissance. Au désir de la liberté de rencontrer la vérité, Jésus donne un fondement. Devenir humain, c’est ce que Dieu propose. Aux liens légitimes du sang ou des intérêts, Jésus propose une autre assise, un appui dans l’union au Père. Les étrangers réunis par la foi au Christ se découvrent alors membres d’un nouveau corps : « vous n’êtes plus des étrangers ni des gens de passage, vous êtes concitoyens des saints, vous êtes membres de la famille de Dieu, car vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondations les Apôtres et les prophètes ; et la pierre angulaire, c’est le Christ Jésus lui-même. » (Éphésiens 2,19-22) Dieu fait famille en intégrant ceux qui sont éloignés de nous. Dans le Christ, le lointain peut devenir notre prochain.

Le Nouveau testament conserve une trace très concrète de cette redéfinition des relations humaines à partir de cet amour neuf vécu dans le Christ. La lettre de Saint Paul à Philémon dévoile le bouleversement de cette filiation nouvelle. À son maître Philémon, Saint Paul renvoie l’esclave Onésime qui avait trouvé refuge auprès de l’apôtre. Il le renvoie à son maître renouvelé par le Christ : « Peut-être a-t-il été séparé de toi pour un temps afin que tu le retrouves pour toujours, non plus comme un esclave, mais bien mieux encore, comme un frère bien-aimé. Il l’est particulièrement pour moi dans vos rapports humains et dans le Seigneur. » (Philémon 1,16). Paul confie donc Onésime à ce nouveau sentiment de la foi qui fait d’un esclave un frère dans le Christ.

Comment peut-on inventer aujourd’hui cette remise à neuf de nos relations vivifiées par le Christ ? Quelle trouvaille répondra à l’inventivité de Son amour ?

De nos jours, nous divisons les gens selon des catégories. Mais Dieu ne fait acception de personne. Établit-Il des divisions en croyants et non croyants ? En pratiquants et non pratiquants ? Les catégories dont notre esprit humain a besoin sont remaniées par Dieu qui élargit les cœurs. Ainsi, Dieu libère nos relations. 

Vincent REIFFSTECK.      vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

1Alexis de Tocqueville (1805-1859), De la démocratie en Amérique, 4°partie, chap. VI.

2Zygmunt Bauman (1925-2017), article donné à la revue Philosophie magazine, août 2012.

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