Méditation quotidienne du mardi 21 novembre : Reconnaître et respirer un divin air de famille (No 79 – série 2023-2024)

Évangile du Mardi 21 novembre – 33e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Étendant la main vers ses disciples, il dit : “Voici ma mère et mes frères” » Mt 12, 46-50

En ce temps-là, comme Jésus parlait encore aux foules, voici que sa mère et ses frères se tenaient au-dehors, cherchant à lui parler. Quelqu’un lui dit : « Ta mère et tes frères sont là, dehors, qui cherchent à te parler. » Jésus lui répondit : « Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? » Puis, étendant la main vers ses disciples, il dit : « Voici ma mère et mes frères. Car celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. »

Méditation

Chers frères/soeurs dans le Christ, qui d’entre nous n’a pas un jour entendu cette réflexion lors d’une fête de famille chez « ma tante aux becs en pincette » : « Eh ! qu’ils ressemblent à leur mère les p’tits bonjours. En tous cas, ils ne peuvent pas se renier, ils ont vraiment un air de famille ! » Or, la liturgie et le texte évangélique du jour nous invitent précisément aujourd’hui à une reconnaissance et à une consécration de notre commune parenté humaine et spirituelle au moment de célébrer la Présentation de la Vierge Marie au Temple. Nous sommes ainsi appelés à méditer sur le sens spirituel et théologique profond qu’évoque pour nous aujourd’hui cette fête offerte par l’Orient chrétien à l’Occident latin qui commença à la célébrer, sous l’impulsion de la piété populaire et de la dévotion mariale, au XIVe siècle[1], et qui nous insuffle un air de famille à « re-con-naître » et à perpétuer. Rappelons d’abord très brièvement les origines de cette fête. Le récit de la Présentation de la Vierge Marie au Temple provient du Protévangile de Jacques, écrit apocryphe (gr. apόkruphos : caché, secret) attribué à l’apôtre Jacques le Mineur et rédigé probablement dans la région égyptienne au IIe siècle. Il y est rapporté que la petite Marie, miraculeusement née en quelque sorte de parents fort avancés en âge, Anne et Joachim, a été présentée et consacrée au Temple en action de grâce à Dieu vers l’âge de 3 ans. Le récit relate qu’elle y serait demeurée en service et en contemplation, préparant pour ainsi dire sa destinée de mère du Messie, jusqu’à sa majorité (12 ans), âge auquel elle aurait été accordée en fiançailles à Joseph. Or, rappelons que cet écrit n’a pas été retenu dans le canon biblique en raison notamment de sa datation tardive et du merveilleux dont il est empreint. Néanmoins, l’Église nous invite aujourd’hui en cette fête liturgique à porter notre regard et notre cœur, non pas sur l’historicité incertaine de cet événement dont nous ne trouvons aucune trace dans les évangiles, mais sur la vérité du sens spirituel et théologique qui s’y dévoile par la médiation de la figure historique et iconique de Marie, mère et disciple par excellence. À la source comme au sommet de son être, Marie naquit perpétuellement du don accueilli du Verbe de Dieu enfanté en elle et dans sa vie, consacrant en retour son être et sa vie au don total à Dieu dans une disponibilité filiale à l’actualisation de son être-parole — « Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! » (Lc 11, 28) — en devenant le Temple de Vie et d’Amour de l’Emmanuel, Dieu-parmi-nous. La Présentation de Marie au Temple se veut la fête de la présence à la Présence, une fête du cœur dédié/consacré à la volonté du Dieu de Jésus-Christ et à « l’e(E)sprit de famille ». En vérité, la Présentation de Marie n’a pas été qu’un moment de sa vie, s’il en est ! Ce fut bien plus l’ensemble de l’œuvre, une vie entière offerte et donnée fidèlement par amour de Dieu et de sa Volonté dans, par, avec et pour l’a(A)utre. Ainsi, à l’image et à la ressemblance de Marie, nous sommes filialement conviés à devenir porteurs du désir inaliénable de Dieu, le Temple Saint où le Verbe se fait perpétuellement chair au cœur de notre être-parole en devenir, invités à fleurir là où nous sommes plantés grâce à notre humble et fragile don consacré à l’a(A)utre. N’est-ce pas là le divin air de famille hérité de notre Sainte Mère qui nous caractérise et nous rassemble en une communauté profonde d’amour et de vie appelée au service de la vie évangélique en soi et autour de soi pour la gloire de Dieu et le salut du monde ? N’est-ce pas ce à quoi Jésus appelle dans l’Évangile du jour en « étendant la main vers… » (v. 49) l’étendue de sa famille ? « C’est la volonté de celui qui m’a envoyé que je ne perde rien de tout ce qu’il m’a donné » (Jn 6, 39). « Tout ce que me donne le Père viendra à moi, et celui qui vient à moi, je ne le jetterai pas dehors » (Jn 6, 37). En effet, ne dit-on pas que « ce qui n’est pas donné est perdu » pour reprendre l’essence d’une maxime sanskrite ? Le fiat marial à cette volonté de Dieu, qui fait de nous une véritable famille en qui nous nous re-con-naissons à la suite de Marie et de Jésus-Christ son fils, nous enfante mystiquement et donne à chacun.e, pour reprendre les verbes clés de Teilhard de Chardin, de « se centrer, se décentrer, se surcentrer. “ Se centrer sur soi ”, afin d’exister dans le monde comme un individu, et non s’y disperser comme une vapeur d’eau. “ Se décentrer ”, pour devenir soi-même grâce à l’amour de l’autre, donné et reçu. “ Se surcentrer ” sur un plus grand que soi, pour accomplir en nous l’Humanité[2] ». Puissions-nous donc goûter la grâce et la joie d’être en famille et, pourquoi pas, de fredonner un p’tit air familier à l’unisson de Jésus et de Marie : « Je voudrais qu’en vous voyant vivre, étonnés les gens puissent dire : “ Voyez comme ils s’aiment, voyez leur bonheur ” » (Je voudrais, P. Robert Lebel). À l’instar de Marie, devenons par conséquent ce que nous sommes en vérité : des êtres confiés-confiants, aimés-aimants, espérés-espérants. Voilà notre « divin air de famille consacrée » à respirer spirituellement à pleins poumons ! Ça donne de l’air, du souffle, un élan salvifique pour prendre son erre d’aller pour apprendre à aimer. Car « l’amour qui manque au monde est celui que je ne donne pas ! », rappelle le poète Henry Bauchau. Offrons donc, en cette fête de la Présentation de la Vierge Marie, le présent de notre présence dans le présent de notre aujourd’hui serti dans l’Éternel Présent-Présence du Dieu trois fois Saint.

Bénédiction et union de prière !

Dany Charland


[1] La fête fut reconnue par le pape Grégoire XI en 1372 et inscrite au calendrier liturgique d’Occident qu’en 1585 par le pape Sixte V.

[2] Gustave Martelet,sj, « Pierre Teilhard de Chardin Prêtre Jésuite, homme de science et philosophe », Jésuites. Europe occidentale francophone [En ligne]. https://www.jesuites.com/pierre-teilhard-de-chardin-pretre-jesuite-homme-de-science-et-philosophe/ (page consultée le 8 novembre 2023)

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