No 177 – série 2024-2025
Évangile du mardi 18 mars – 2e semaine de Carême
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Ils disent et ne font pas » (Mt 23, 1-12)
En ce temps-là, Jésus s’adressa aux foules et à ses disciples, et il déclara : « Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Donc, tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas. Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens : ils élargissent leurs phylactères et rallongent leurs franges ; ils aiment les places d’honneur dans les dîners, les sièges d’honneur dans les synagogues et les salutations sur les places publiques ; ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi. Pour vous, ne vous faites pas donner le titre de Rabbi, car vous n’avez qu’un seul maître pour vous enseigner, et vous êtes tous frères. Ne donnez à personne sur terre le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux. Ne vous faites pas non plus donner le titre de maîtres, car vous n’avez qu’un seul maître, le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé. »
Méditation – Être élevé par Dieu, comme un Père élève son enfant
Comment les hommes grimpent-ils sur la tête les uns des autres pour s’élever ? Comment mettent-ils en place du « sacré » de contrebande pour mieux consolider leur domination ? Telle est la question de Jésus dans cette page d’évangile. L’Esprit de vérité démasque les metteurs en scène de faux « absolu », les trafiquants de « sacré » de toutes les époques. Suivons la « Master Class » en dés-endoctrinement menée par Jésus : « Qui s’élèvera sera abaissé… »
Que faut-il pour dominer et écraser ? Comment s’élever soi-même ? Il faut d’abord constituer un petit groupe soudé. Puis, ce groupe peut faire main basse sur le « sacré ». « Les scribes et les pharisiens » s’accaparent ce qui fait autorité dans leur société, c’est-à-dire la relation à Dieu à travers la tradition, « la chaire de Moïse ». Ensuite, il faut intimider : ils hérissent leur enseignement d’injonctions onéreuses tout en s’exonérant du poids dont ils chargent les autres. Ils ne remuent pas du doigt les lourds fardeaux liés sur les épaules d’autrui. Il faut donner l’illusion qu’ils sont au-dessus du lot. Leur connexion avec la « high tech » de l’époque fait dégringoler les adversaires tout au bas de l’échelle. Tout cela doit entrer dans les yeux avant de s’inscrire dans les esprits. Ils mettent en scène une visibilité de leur autorité : leurs insignes religieux sont rallongés, étirés pour se rendre ostentatoires.
Les faux maîtres d’aujourd’hui, rabbis de la religion du progrès sociétal, scribes de la performance technologique à tout prix, les pharisiens de la rentabilité capitaliste forcenée font-ils autre chose ? Constituer un groupe soudé à l’idéologie univoque (« j’ai raison »), se présenter comme détenteur du « sacré », c’est-à-dire du si incontestable que les adversaires ne sauraient être que des ennemis à abattre (« j’ai raison et vous avez tort, forcément tort… »), intimider en saturant l’imagination d’informations (« vous avez tort et vous devez en avoir honte d’exister »), gagner la bataille culturelle en envahissant la scène médiatique (« votre honte vous exclut du champ de la parole »), renforcer le tout en se donnant le rôle d’expert (« votre avis est disqualifié, car il est hors du progrès, en dehors de l’histoire, hostile à la libération »). Beaucoup des maîtres de notre époque font la promotion de leur fausse religion en ridiculisant la foi en Jésus. La honte s’inscrit dans les esprits, dans les imaginations en paralysant l’acte de foi. Cette honte diluée dans l’air de l’époque inscrit une honte de croire.
Franz KAFKA décrivait, dans La colonie pénitentiaire, l’organisation sociale de la culpabilité. Dans la prison modèle qu’il dirige, l’officier décrit au visiteur la machine mise en place par son prédécesseur. Cette machine ingénieuse tatoue dans le corps des condamnés leur sentence. Combien de personnes vivent-elles avec une honte gravée dans la chair ? Voici comment l’officier présente la herse-machine au visiteur : « Les termes de notre sentence n’ont rien de sévère. On inscrit avec la herse, sur le corps du condamné, le commandement qu’il a enfreint. Par exemple, à ce condamné (l’officier montra l’homme), on inscrira sur le corps : ‘’Tu honoreras ton supérieur.’’ »
Les Pharisiens pensent que l’Écriture produit la vérité et ils veulent inscrire cette vérité dans le peuple par la stratégie du pouvoir. Toutes les ficelles de la manipulation sont activées : la mise en place des honneurs, la contrainte, la mise en scène, la saturation de l’information etc. Pour eux, la vérité est une chose qui s’imprime dans les habitudes.
Au contraire, pour Jésus, la vérité n’est pas un texte à appliquer, ni un « faire », ni la conformité à une norme. Dans une expérience secrète, la vérité se découvre… dans un émerveillement qui nous ébahit, nous découvrons que nous avons un Père. À ceux qui bouchent le ciel, c’est-à-dire la transcendance, Jésus rappelle que personne ne peut s’asseoir sur la Source de la Vie : « Ne donnez à personne sur terre le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux. » Depuis notre cœur, une verticale monte droit vers le ciel. Car, de sa propre initiative, la Vie s’est manifestée en Jésus (1 Jn 1,2). Le Père agit de l’intérieur dans une connaissance intime de l’être qui ne force aucune porte et ne brise aucune serrure. C’est de l’intérieur que Jésus dit « la paix soit avec vous » (Jn 20, 19-26). Refuser le titre de « maître », c’est comprendre que le maître est intérieur et qu’Il enseigne par la Vie. La vie est alors passionnante, une aventure exaltante avec un plus grand que soi.
Vincent REIFFSTECK – vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

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