Évangile du Mardi 17 octobre – 28e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Donnez plutôt en aumône ce que vous avez, et alors tout sera pur pour vous » Lc 11, 37-41
En ce temps-là, pendant que Jésus parlait, un pharisien l’invita pour le repas de midi. Jésus entra chez lui et prit place. Le pharisien fut étonné en voyant qu’il n’avait pas fait d’abord les ablutions précédant le repas. Le Seigneur lui dit : « Bien sûr, vous les pharisiens, vous purifiez l’extérieur de la coupe et du plat, mais à l’intérieur de vous-mêmes vous êtes remplis de cupidité et de méchanceté. Insensés ! Celui qui a fait l’extérieur n’a-t-il pas fait aussi l’intérieur ? Donnez plutôt en aumône ce que vous avez, et alors tout sera pur pour vous. »
Méditation
Alors que j’écris cette petite méditation (quelques jours avant qu’elle soit publiée), notre monde continue d’être secoué, frappé, blessé dans tant et tant de lieux. Depuis quelques jours la violence et la destruction de la guerre déchirent une fois de plus la Terre Sainte. Des tremblements de terre ont eu lieu en Papouasie Nouvelle Guinée et en Afghanistan. Le conflit en Ukraine ne semble pas cesser … Ma prière, notre prière ne peut se désolidariser du cri de douleur de tant de nos sœurs et frères. Pour eux ce matin nous nous mettons à l’écoute de la Parole. Pour eux, nous supplions l’Esprit de nous guider vers la paix.
En méditant le court passage de l’Évangile d’aujourd’hui, je me suis d’abord interrogée sur l’intention qu’avait bien pu avoir le pharisien qui invita Jésus chez lui. « Pendant que Jésus parlait, un pharisien l’invita pour le repas de midi. » Il semble que cette invitation était toute spontanée, en plein milieu de l’enseignement que Jésus était en train de donner. La disponibilité de Jésus est totale, Il entre chez le pharisien et prend place. Mais rien ne nous est dit de l’intention de son hôte, de son désir …
La seule chose que l’Évangile mentionne est l’étonnement du pharisien « en voyant qu’Il n’avait pas fait d’abord les ablutions précédant le repas. » Jésus s’aperçoit de cet ‘étonnement’ et, toute la suite du texte, ce sont uniquement les paroles de Jésus sur le comportement des pharisiens. On n’entend absolument pas parler l’homme qui a invité Jésus chez lui. Ce silence m’interpelle.
Jésus, quant à Lui, semble avoir profité de ce moment où l’étonnement de son hôte le frappe, pour dire toutes les paroles qui nous sont relatées aujourd’hui. « Bien sûr, vous les pharisiens, vous purifiez l’extérieur de la coupe et du plat, mais à l’intérieur de vous-mêmes vous êtes remplis de cupidité et de méchanceté. Insensés ! Celui qui a fait l’extérieur n’a-t-il pas fait aussi l’intérieur ? » Si ces mots ne sortaient pas de la bouche du Seigneur, de Celui qui lit dans les cœurs et discerne leurs pensées, on les qualifierait aussitôt de jugement téméraire ! Il avait déjà dû observer de nombreuses fois l’attitude de ceux qui souvent l’épiaient, cherchaient à le prendre en défaut, Lui ou ceux qui l’accompagnaient.
Tant de fois Jésus s’est confronté à ce côté absurde d’un comportement « religieux » totalement externe, fidèle à l’excès aux normes, mais sans connexion vitale avec le cœur, avec l’intériorité. Cette non-connexion, cette incohérence entre les attitudes extérieures – qui peuvent êtres ‘saintes’ et apparemment irréprochables – et le climat intérieur du cœur, Jésus la nomme « insensée ». « Insensés ! Celui qui a fait l’extérieur n’a-t-il pas fait aussi l’intérieur ? »
Si c’est Dieu, si c’est vraiment Lui que vous voulez honorer avec vos normes externes, alors ne soyez pas à ce point insensés d’y prêter toute votre attention … tout en laissant votre cœur habité par la méchanceté et la cupidité. Ces mots forts de Jésus peuvent nous rejoindre ce matin. Ils ne viennent pas seulement ‘juger les pharisiens’, des comportements religieux plus traditionnels – qui dans certains lieux se multiplient et semblent critiquer un certain laxisme -. Non ! Pour chacun de nous, dans le silence en présence de Celui qui « a fait l’extérieur et aussi l’intérieur », l’appel est de nous laisser rejoindre par sa Parole limpide.
Ton cœur, où est-il ? Qu’est-ce qui t’habite vraiment lorsque tu tiens à des gestes externes de ta foi qui semblent immuables ? Au-delà de tout cela, qu’est-ce qui résonne profondément dans ton sanctuaire intérieur ?
L’utopie de la pureté, celle de la perfection … accompagne la lente marche de l’humanité. Une recherche de sécurité – « dans l’extérieur de la coupe et du plat » – qui en épuise tant et tant tout au long de leur pèlerinage sur la terre. La poétesse Marie Noël en a souvent parlé dans ses Notes intimes. Parmi elles, ces mots tellement remplis de ‘sagesse’ qu’elle a écrits en écho à la réponse de l’abbé Mugnier à l’une de ses lettres.
« S’accepter soi-même, imparfait, tantôt saint à demi, tantôt à demi coupable, avec les remous incessants d’ombre et de lumière qu’est une âme vivante. Il ne faut pas s’épuiser à vouloir être trop pur. Les âmes les meilleures, les plus nourricières, sont faites de quelques grandes bontés rayonnantes et de mille petites misères obscures dont s’alimentent parfois leurs bontés comme le blé qui vit de la pourriture du sol. »[1]
Et Celui qui nous a créés comme cela, « âme vivante » de terre et de ciel, de chair et traversée par son Souffle divin, le sait. « Il sait de quoi nous sommes pétris, Il se souvient que poussière nous sommes. » (Psaume 103,14) Et Lui qui sait, qui ne s’en scandalise pas, nous redit : « Donnez plutôt en aumône ce que vous avez, et alors tout sera pur pour vous. » Si tu recherches sincèrement la pureté, celle du cœur et celle des ‘choses sacrées’, alors donne, partage … Ne crains pas de perdre, de te perdre. Tu verras, tout cela purifiera ton cœur du désir de ‘retenir’, de ‘t’approprier’, de ‘garder pour toi’.
Peuple de pèlerins
Poursuis ton voyage
Plus loin que l’incertain
Et que les mirages!
Le monde est un chemin
La terre, un passage!
Passe en donnant la main
L’amour et le pain!
Les dernières paroles de ce vieux chant (Peuple de pèlerins) de mon époque étudiante, me revient encore souvent en mémoire. Il a dû résonner profondément en moi pour encore aujourd’hui, tant d’années après, ressurgir de temps en temps ! Passe, donne la main, partage ton pain, aime … L’essentiel de l’Évangile ne tient-il pas dans ces paroles de Vie ? La pureté, n’est-ce pas laisser l’Amour épouser notre vie et se donner à travers elle ?
« En obéissant à la vérité, vous avez sanctifié vos âmes, pour vous aimer sincèrement comme des frères. D’un cœur pur, aimez-vous les uns les autres sans défaillance » (1 P 1,22)
Laurence Vasseur (vasseurlaurence@hotmail.com)
[1] Les mots de Marie Noël m’ont rappelé ceux d’Eloi Leclerc déjà partagés dans une autre méditation. Le long dialogue de François avec frère Léon sur la pureté de cœur. En voici les dernières lignes : Il faut simplement ne rien garder de soi-même. Tout balayer même cette perception aiguë de notre détresse. Faire place nette. Accepter d’être pauvre. Renoncer à tout ce qui est pesant, même au poids de nos fautes. Ne plus voir que la gloire du Seigneur et s’en laisser irradier. Dieu est, cela suffit. Le cœur devient alors léger. Il ne se sent plus lui-même, comme l’alouette enivrée d’espace et d’azur. Il a abandonné tout souci, toute inquiétude. Son désir de perfection s’est changé en un simple et pur vouloir de Dieu. » (Sagesse d’un pauvre).
DROIT D’AUTEUR
La méditation peut être partagée à toutes et à tous, en tout ou en partie, mais le nom de l’auteur et l’indication du centre le Pèlerin avec l’adresse du site (www.lepelerin.org) doivent être inscrits, car les droits d’auteur demeurent. Merci de votre compréhension.