Ma belle… – Méditation du mardi 15 octobre 2024

No 37 – série 2024-2025

Évangile du mardi 15 octobre 28e semaine du Temps ordinaire

Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Donnez plutôt en aumône ce que vous avez, et alors tout sera pur pour vous » Luc (11, 37-41)

En ce temps-là, pendant que Jésus parlait, un pharisien l’invita pour le repas de midi. Jésus entra chez lui et prit place. Le pharisien fut étonné en voyant qu’il n’avait pas fait d’abord les ablutions précédant le repas. Le Seigneur lui dit : « Bien sûr, vous les pharisiens, vous purifiez l’extérieur de la coupe et du plat, mais à l’intérieur de vous-mêmes vous êtes remplis de cupidité et de méchanceté. Insensés ! Celui qui a fait l’extérieur n’a-t-il pas fait aussi l’intérieur ? Donnez plutôt en aumône ce que vous avez, et alors tout sera pur pour vous. »

Méditation – Ma belle…

Sous une pluie fine, Michelle avance perchée sur ses talons hauts qui lui donnent une allure vacillante entre le charme et la fragilité. Sur l’esplanade du quartier d’affaire, luisante sous les nuages gris, elle se fraye un chemin, accrochée au téléphone.

« Michelle, ma belle, sont des mots qui vont très bien ensemble… très bien ensemble… »

Le prénom de Michelle vient de la chanson des Beatles que ses parents fredonnaient. Habillée avec style, Michelle est maquillée d’une élégance discrète qui exige tout un art. Un parfum subtile laisse derrière Michelle la nostalgie de sa présence. Chaque matin, son mari se demande pourquoi elle passe autant de temps à se préparer, à choisir ses robes, ses foulards, son parfum assorti aux circonstances de la journée à venir… chaque matin est une cérémonie qui met en place des rituels ordonnés. Elle doute, chaque matin, que « Michelle » aille si bien « avec ma belle » !

Chaque matin, Michelle, en déroulant à sa journée à venir, voit dans le miroir une femme qui tremble. Alors, les rites d’embellissement tissent un cocon protecteur autour de ses doutes. Alors, autour de ses angoisses, elle enroule un foulard de soie. Ses peurs, elle les maquille ; elle parfume ses aigreurs. La beauté est une armure, mais à l’intérieur, cette beauté ne pénètre pas. Restent intactes les phrases qui répètent depuis l’enfance : « tu ne vaux rien », « on ne fera rien de bien de toi ». Des phrases de malédiction ? Elle les collectionne ! Des phrases piquantes… des phrases acérées… des coupantes et des tranchées… elle voudrait se rendre sourde à ses phrases. Mais, ces mots tapissent son intérieur. Ses rituels dressent devant ses peurs un mur fragile de maquillage et de soie parfumée.      

Hier comme aujourd’hui, le pur et l’impur jalonnent nos existences. L’impur qui conduit à la dévalorisation, à la déperdition de la vie doit être repoussé par des rites, des gestes et des paroles. Le pur qui redonne espoir doit être vivifié, conforté dans son mouvement. Mais, notre époque est souvent perdue : qu’est-ce qui est pur ? Où se trouve ce qui donne vie ? Les Pharisiens de l’époque de Jésus disposaient de rituels pour séparer le pur et l’impur. Par exemple, les ablutions rituelles purifiaient l’extérieur des plats. Nous sommes aujourd’hui souvent en quête de rituels pour endiguer l’immense marée de ce qui étouffe la vie. Chacun tâtonne à sa manière pour continuer à vivre au milieu des décombres.

A son époque, Jésus bousculait les prescriptions rituelles de pureté. Et aujourd’hui ? Loin d’être un enseignement dépassé, le déplacement qu’opère Jésus montre la faiblesse de nos tentatives individuelles de nous sauver par nous-mêmes. L’extérieur peut être beau, mais l’intérieur est atteint, meurtri : « Vous purifiez l’extérieur de la coupe et du plat, mais à l’intérieur de vous-mêmes, vous êtes remplis de cupidité et de méchanceté. » Nous accomplissons des gestes pour colmater nos blessures sans parvenir à nous guérir. Nous maquillons une chair malade. Le diagnostic de Jésus sonne juste : « Insensés ! » Nous avons perdu le bon sens, le sens de ce qui offre à la vie son ampleur et sa souplesse.

C’est pourquoi Jésus nous ramène devant notre Créateur. Il nous place devant l’amour bienveillant qui nous crée. A sa Parole, nous sommes devant « Celui qui a fait l’extérieur », mais « aussi l’intérieur ». Au lieu de protéger l’intérieur contre les assauts de l’extérieur, Jésus nous recentre sur l’amour guérissant du Père. Le mur de séparation tombe sous l’impulsion de la Source unifiante de l’amour divin (Eph 2,14). Séparer, isoler, construire des murs ne guérit pas. La thérapeutique de Jésus invite à boire à la Source, ensuite Il nous tourne vers la relation. Celui qui a reçu l’amour divin peut enfin s’ouvrir : « donnez ! ». Dès lors, délivrés des cloisonnements apeurés, des fausses frontières qui ne protègent de rien, nous vivrons dans l’unification intérieure : « tout sera pur pour vous ». Tout ne sera pas facile, mais tout sera occasion de se tourner vers le Père guérissant.

Le véritable rite de purification, Jésus l’accomplira sur la croix où Il affronte l’impureté maximale. Notre purification se vit dans le baptême qui lave l’extérieur par un peu d’eau accompagnée d’une Parole. A nous d’accompagner, ce que le sacrement a entamé par la purification d’une vie tournée vers le Père.

Alors « Michelle » et « belle » pourront bien aller ensemble. La beauté est ce vêtement de noces qui vient avec l’amour reçu de Dieu.         

« Michelle, ma belle, sont des mots qui vont très bien ensemble… très bien ensemble… »

L’amour créateur qui mène le soleil et les étoiles, l’amour qui fait lumière sur l’extérieur et sur l’intérieur prononce, au profond de notre Source, les Paroles créatrices. Chacun peut entendre le Père dont la voix bruisse d’une lumière qui palpite (Is 43,4) :

« Je t’aime, je t’aime, je t’aime
C’est tout ce que je veux te dire
Je te dirai les seuls mots que je sais que tu comprendras »
« Michelle, ma belle, sont des mots qui vont très bien ensemble… très bien ensemble… »

Vincent REIFFSTECK – vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

DROIT D’AUTEUR

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