No 142 – série 2024-2025
Évangile du mardi 11 février – Fête de la bienheureuse Vierge Marie de Lourdes
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes » (Mc 7, 1-13)
En ce temps-là, les pharisiens et quelques scribes, venus de Jérusalem, se réunissent auprès de Jésus, et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c’est-à-dire non lavées. – Les pharisiens en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, par attachement à la tradition des anciens ; et au retour du marché, ils ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau, et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d’autres pratiques : lavage de coupes, de carafes et de plats. Alors les pharisiens et les scribes demandèrent à Jésus : « Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils prennent leurs repas avec des mains impures. » Jésus leur répondit : « Isaïe a bien prophétisé à votre sujet, hypocrites, ainsi qu’il est écrit : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains. Vous aussi, vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes. »
Il leur disait encore : « Vous rejetez bel et bien le commandement de Dieu pour établir votre tradition. En effet, Moïse a dit : Honore ton père et ta mère. Et encore : Celui qui maudit son père ou sa mère sera mis à mort. Mais vous, vous dites : Supposons qu’un homme déclare à son père ou à sa mère : “Les ressources qui m’auraient permis de t’aider sont korbane, c’est-à-dire don réservé à Dieu”, alors vous ne l’autorisez plus à faire quoi que ce soit pour son père ou sa mère ; vous annulez ainsi la parole de Dieu par la tradition que vous transmettez. Et vous faites beaucoup de choses du même genre. »
Méditation – Honore ta mère
« Il y a de quoi se frapper la tête contre les murs », dit-on parfois lorsque nous sommes enfermés dans une situation bloquée de toutes parts. Cette parole du désespéré décrit la meurtrissure du réel : l’ennemi me cerne (Ps 17,9), nos yeux parcourent l’horizon pour espérer un échappement… mais, que vois-je ? Sur le fil de l’horizon, court un long mur sans brèche. Le monde est sans mot et sans parole, comme un monde minéral où seule la pierre existe… C’est alors que notre cœur aussi dur que notre désespoir ramasse la première pierre qui blesse nos pieds pour la jeter contre notre prochain (Jn 8,7). Au début de La pesanteur et la grâce, la philosophe Simone WEIL (1909-1943) se souvient de cette misère qui veut que nous frappions autrui là où nous souffrons : « Ne pas oublier qu’à certains moments de mes maux de tête, quand la crise montait, j’avais un désir intense de faire souffrir un autre être humain, en le frappant précisément au même endroit du front. »
Au milieu de nos misères, nous ne sommes pas seuls. Le Seigneur dans Sa divine sagesse guide chacun à travers son désert : « Il le trouve au pays du désert, chaos de hurlements sauvages. Il l’entoure, il l’élève, il le garde comme la prunelle de son œil » (Dt 32,10). Ce qui relève de la pierre, l’Esprit est capable de le liquéfier. La roche de notre cœur… l’Esprit peut la faire fondre comme au désert, lorsque Moïse frappa le rocher qui se fendit pour libérer une eau pure (Nb 20,11 ; Ex 17,6). Dans cette page d’évangile, Notre Seigneur guide notre cœur pour en amollir la dureté.
Pour ceux qui sont blessés, tout se met au service de la blessure. Le culte, la tradition, les rites et les commandements sont enrôlés comme des armes pour blesser autrui là où nous sommes blessés. La Loi devient alors un tas de « pierres qui sont lancées à la vie des personnes » (Amoris Laetitia, n°305). C’est assez naturel pour une humanité blessée… toutes les époques illustrent cette « justice des hommes » bornée par nos rancœurs. Aujourd’hui, les réseaux sociaux se remplissent de haine… ce qui devait mettre en réseau pour ouvrir une sociabilité se fait véhicule de condamnations… Nos cœurs sont durs.
Mais, ce qui est « pierres mortes à lancer contre les autres » (Amoris Laetitia, n°49), le Seigneur le transforme en eau délicieuse à boire par « la force régénératrice de la grâce et la lumière de l’Évangile ». Aujourd’hui, Jésus nous invite à passer « des lèvres » qui marmonnent des formules pour descendre dans la pulpe vivante de notre être. Jésus cite le prophète Isaïe qui déplore la récitation stérile de formules qui ne vivifient plus la vie. « Le Seigneur dit : « Ce peuple s’approche de moi, il m’honore de la bouche et des lèvres, mais son cœur est éloigné de moi et la crainte qu’il a de moi n’est qu’un commandement humain, une leçon apprise. » (Isaïe 29,13). Loin des « bouches » creuses et des « lèvres » sèches, l’Esprit délivre une autre connaissance entendue dans l’intime. Le prophète Jérémie évoquait cette métamorphose : « Ils n’auront plus besoin de s’enseigner l’un l’autre, en répétant chacun à son compagnon ou son frère : « Il faut que tu connaisses l’Éternel ! » Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands » (Jérémie 31,34). Une connaissance intime que Dieu partage au cœur… voilà la communion désirée de l’humain et du divin.
Pour descendre du mental au cœur, pour passer de la pierre à l’eau, il faut naître. Aujourd’hui, nous fêtons Notre-Dame de Lourdes qui fit sourdre l’eau du rocher. S’émerveiller de la richesse inépuisable de l’existence est une clé. Il y a bien longtemps le philosophe Platon voyait dans l’ébahissement du regard ce qui dilate le réel : « Au commencement de la philosophie était l’étonnement… Le sentiment philosophique : s’étonner. C’est l’origine même de la philosophie. » (Platon, Théétète, 115 d). Comme dans un bain baptismal, le cœur retrouve sa dimension aquatique et maternelle. Pour trouver ce chemin, il nous faut « le bain d’eau qu’une parole accompagne » (Ep 5, 26). Renouer avec notre origine vivante suppose d’emprunter le chemin de notre histoire. Jésus en redit la porte : « Honore ton père et ta mère. » Remarquons que ce commandement a pour but notre prospérité : « Honore ton père et ta mère, afin que TES jours se prolongent dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne. » (Ex 20,12). Nous avons à parcourir nos racines historiques terrestres pour renouer avec nos racines du ciel en retrouvant notre Père céleste et ce qui en Dieu est tendre comme une Mère (Is 49,15).
Mais, dans notre endurcissement, nous préférons rester comme des pierres. Ce qui en nous est « ressources », nous le stérilisons. Et, sous une fausse invocation à Dieu, nous déclarons « korbane » ce que nous retirons à Dieu. La ruse des hommes invente une mauvaise nouvelle pour éluder la Parole de Dieu : « vous annulez ainsi la parole de Dieu par la tradition que vous transmettez. »
Marie, toi qui donne naissance au Christ dans notre vie,
Que la pierre dure de notre cœur
donne naissance à une tendresse humectée de rosée divine.
Vierge qui, en nous, ouvre la porte de notre cœur,
Vierge qui délivre l’eau d’un baptême nouveau,
Viens, toi la toute-simple, la toute-donnée.
Vincent REIFFSTECK – vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

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