Dans le creux de mon cœur, un peu du feu du ciel – Méditation du mardi 1er octobre 2024

No 23 – série 2024-2025

Évangile du mardi 1er octobre 26e semaine du Temps ordinaire

Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem » Luc (9, 51-56)

Comme s’accomplissait le temps où il allait être enlevé au ciel, Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem. Il envoya, en avant de lui, des messagers ; ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue. Mais on refusa de le recevoir, parce qu’il se dirigeait vers Jérusalem. Voyant cela, les disciples Jacques et Jean dirent : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions qu’un feu tombe du ciel et les détruise ? » Mais Jésus, se retournant, les réprimanda. Puis ils partirent pour un autre village.

Méditation – Dans le creux de mon cœur, un peu du feu du ciel.

À partir leurs pulsions secrètes, les hommes imaginent un être supérieur capable de satisfaire leur violence. Cette projection hors de soi de sa colère est à double tranchant : on rêve d’un dieu qui punit les ennemis et donne la satisfaction de les voir défaits. La vengeance qui incendie le cœur de l’homme monte au ciel en colonne de feu : quel sentiment de victoire ! Mais, ce dieu incendiaire que l’on imagine est imprévisible, il est capable de se retourner soudainement contre les hommes avec férocité. Alors, effrayés par l’éclair de notre propre violence, nous sommes terrifiés ! Eschyle, le dramaturge antique, évoquait l’audace de Typhée qui « se proposait de renverser de vive force la tyrannie de Zeus ». Le souverain des dieux répondit en consumant l’ennemi de sa foudre divine :

« Il  fut touché par le trait toujours prêt à servir de Zeus,

Qui s’abattit sur lui, la foudre, dans un souffle de feu ;

Elle le précipita du haut de sa fanfaronne

Outrecuidance ; il fut atteint en plein cœur,

Sa force, ébranlée par le choc, en fut anéantie. »1

Ainsi, les hommes se représentent-ils aisément un dieu à leur mesure, à partir de leurs propres pulsions de violence !

Nous, les hommes modernes, surs de leur supériorité morale, nous nous moquons des Anciens qui honoraient Zeus foudroyant. Pourtant, le psychisme humain n’a guère progressé à travers les siècles. Faisons-nous mieux ? Si le feu du ciel ne tombe pas assez vite, les hommes rectifient cette erreur en allumant des bûchers. Le XX° siècle inventa des fours crématoires industriels pour consumer ceux que le régime totalitaire nazi souhaitait éradiquer. Puis, à une époque où beaucoup s’imaginent que le ciel est vide, les hommes firent tomber le feu du ciel sur de grandes villes ennemies. Et sur des centaines de milliers d’innocents, un champignon atomique poussa dans un nuage de feu. Nous n’avons pas besoin de dieu pour faire brûler un enfer, notre imaginaire violent invente tout seul un feu destructeur ! 

À l’opposé de cette violence, la révélation biblique accompagne les hommes dans une difficile conversion du cœur. Devant le buisson ardent, Moïse nous a appris que Dieu est un feu qui brûle et éclaire sans détruire, ni consumer (Ex 3,2). Le feu céleste diffère en tout point des bombes que les hommes font tomber des avions. Le feu divin apporte la chaleur de Sa lumière sans anéantir l’être où il fleurit. Ce feu ne détruit pas par vengeance comme la bombe atomique, il ne dissuade pas par l’équilibre de la terreur, mais ce feu révèle ce qu’il y a de meilleur en l’homme. Le prophète Isaïe prolonge cette révélation en affirmant que le Messie ne sera pas un homme vindicatif : « Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu qui a toute ma faveur (…). Il ne brisera pas le roseau qui fléchit, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit. » (Is 42,1-3). Le Messie, qui n’éteindra pas notre faible lueur, révèlera notre cœur à sa capacité de lumière.

Le Messie divin qui, par une bouche humaine, dit qu’Il était « venu apporter un feu sur le terre » (Lc 12,49) refusa d’ordonner qu’un feu tombât du ciel pour détruire ce village samaritain inhospitalier. La petite Thérèse, que nous fêtons aujourd’hui,  voyait le « feu du ciel » comme une « très douce flamme » dont la miséricorde remet sur pieds ceux qui tombent. C’est l’accueil de notre cœur qui donne à ce feu sa place naturelle :

« Rappelle-toi de la très douce Flamme

Que tu voulais allumer dans les cœurs.

Ce Feu du Ciel, tu l’as mis en mon âme,

Je veux aussi répandre ses ardeurs. » 2

Conservant l’image d’un dieu qui punit les hommes au premier faux pas, beaucoup craignent ce feu divin. Ce feu du ciel serait vorace, avide de la vie des hommes. Pourtant, ce feu de vérité et de lumière ne consume que nos fausses images de Dieu, il brûle les obstacles dont nous entourons la vie pour la restreindre. Se donner à ce feu, c’est accepter de perdre ce qui nous diminue. C’est confier au feu divin nos diminutions afin de grandir avec Lui. Perdre ce qui nous diminue, c’est le chemin du salut. Le Christ a-t-il jamais fait perdre à quelqu’un sa liberté ? 

1Eschyle, (525-456 avant JC), Prométhée enchaîné, vers 358 à 362.

2Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face (1873-1897), Poésie « Jésus mon Bien-Aimé, rappelle-toi !… »

Vincent REIFFSTECK – vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

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