Méditation quotidienne du lundi 9 octobre : « À moitié mort », à moitié…  seulement… (no 36 – série 2023-2024)

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Évangile du Lundi 9 octobre – 27e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Qui est mon prochain ? » Lc 10, 25-37

En ce temps-là, voici qu’un docteur de la Loi se leva et mit Jésus à l’épreuve en disant : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » Jésus lui demanda : « Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Et comment lis-tu ? » L’autre répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même. » Jésus lui dit : « Tu as répondu correctement. Fais ainsi et tu vivras. »
Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : « Et qui est mon prochain ? » Jésus reprit la parole : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba sur des bandits ; ceux-ci, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à moitié mort. Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l’autre côté. De même un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa de l’autre côté. Mais un Samaritain, qui était en route, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de compassion. Il s’approcha, et pansa ses blessures en y versant de l’huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent, et les donna à l’aubergiste, en lui disant : “Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai.” Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ? » Le docteur de la Loi répondit : « Celui qui a fait preuve de pitié envers lui. » Jésus lui dit : « Va, et toi aussi, fais de même. »

Méditation

Il nous arrive de sombrer comme un caillou dans la boue. La gluante bouche du malheur nous avale et déglutit plusieurs fois. Nous aussi, il nous est arrivé de sortir de Jérusalem, la belle capitale royale, et d’emprunter ce chemin dangereux qui plonge vers Jéricho. Alors, le rouleau compresseur du malheur passe et repasse sur nous. Comme ce voyageur, nous rencontrons des événements qui en veulent à notre vie : « il tomba sur des bandits ».

« Où étais-tu Seigneur pendant ma dépression ? », « Que faisais-tu pendant mon agression ? » Ces questions de colère montent vers le ciel qu’elles remplissent de hurlements. Notre ligne de mort descend en dessous du niveau de la mer comme cette route vers Jéricho. Le malheur fait perdre connaissance. Nous restons vidés sur le bord du chemin. « Dépouillés », « roués de coups », nous gisons… une poussière muette dans la bouche. 

Un « prêtre » ou un « lévite » passent… Ils frôlent notre présence qui expire. On nous dit que Dieu existe, qu’Il est bon… Mais, les mots se ferment. Les mots changent de trottoir. Dans la détresse de notre vie, ce « prêtre » et ce « lévite » n’ont rien à nous dire. Leurs mots disent que là-bas à Jérusalem un Temple de pierre proclame que le Très-Haut est Saint. Les mots du salut ne parlent pas. 

Il y a la ligne de mort… mais il y a aussi une ligne de vie. L’épaisseur de notre malheur n’arrête pas le Christ. Dans l’inconscience, le voyageur, laissé « à moitié mort » est visité : le Christ rejoint l’autre moitié qu’Il tient dans la vie. Comme pour Lazare, cet endormissement ne conduit pas à la mort. Comme pendant la torpeur que le Créateur fit fondre sur Adam, Dieu agit dans le silence.

Combien de personnes, après un long parcours d’accompagnement, après les hurlements et la colère, en viennent à percer le malheur et reconnaissent la présence secrète du Christ agissant ? J’étais laissé « à moitié mort », mais le Christ m’a soutenu. Il a pansé mes plaies. Il a versé l’huile des sacrements sur mes douleurs, le vin du pardon eucharistique sur mes plaies. Il m’a soutenu et m’a réappris à marcher. L’Esprit suscite au cœur de la personne qui relit son histoire un regard autre, un regard guidé par un Autre.

Cette Parole de Dieu qui cicatrise dans les profondeurs, Jésus la révèle par cette parabole. L’homme roué de coups et jeté à terre vit une impuissance qui devient —paradoxalement— un lieu de fécondité. Il quitte la performance pour se confier, dans une in-connaissance, à l’Esprit. Quelque part un Samaritain agit… et alors, la blessure bouge…

Ce Samaritain, c’est ce Christ qui parcourt l’univers, ce mendiant qui naît dans l’âme qui accueille. C’est ce lien qui couture les êtres. « Saisi de compassion », ce Samaritain a des entrailles qui remuent avec l’autre. Dans cette parabole exposée par Jésus, l’action secrète du Logos qui unit toutes choses se donne à voir. De l’intérieur du coeur, le Christ prononce les mots qui forment une Parole, annoncent un salut. Ce que ni le lévite, ni le prêtre ne pouvaient dire, le Christ le prononce. Et, nous y croyons… comme on croit au soleil quand il se lève. Une fois éveillé par l’accueil, dans cette auberge qu’est l’Église, nous revenons à nous dans une relecture féconde qui découvre le passage de l’Esprit.

Dès lors, éperdus de gratitude, nous vivons, dans la dette, l’amour reçu du Père. Nous pensons à Celui qui, déjà reparti sur les chemins, nous a confiés à l’aubergiste. Comme les pèlerins d’Emmaüs, aveugles à la Présence, nos yeux s’ouvrent et nous découvrons que nous étions accompagnés. Nous découvrons, à la lumière d’un autre soleil, que nous sommes le « prochain » du Christ qui nous a aimé le premier. 

Vincent REIFFSTECK.   vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

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